CR : La cause des vaches

Christian Laborde, Éditions du Rocher, 2016.

Encore un livre sur la ferme de mille vaches ? Encore quelqu’un qui s’empare DU « sujet à la mode » ? C’est la réflexion grinçante qu’on assène de plus en plus aux personnes qui se préoccupent de ce sujet, histoire une fois de plus de tenter de le décrédibiliser, le réduisant à un phénomène passager et donc, finalement, sans réelle importance.

Il est vrai, pourtant, que le phénomène est de plus en plus médiatique, révélant en cela une réelle prise en considération de la sensibilité animale par la société, mais permettant également la récupération et le traitement du sujet par des personnes en mal de reconnaissance et espérant profiter de l’engouement général pour en tirer un profit tout personnel.

Ayant effectué ce constat, on ne s’étonne pas de la suspicion qui accompagne parfois, de plus en plus souvent même, le lecteur averti et réellement préoccupé par la problématique, dès qu’il ouvre un livre consacré à la cause animale.

Ranger le livre de Christian Laborde dans la catégorie « médiatique, sans aucune consistance » serait une erreur tant on s’aperçoit, dès les premières pages, non seulement du réel intérêt de l’auteur mais également de la richesse des connaissances dont il nous fait part.

Non seulement Christian Laborde est un poète qui fait danser les vaches façon danseuse étoile, comme Sylvie Guillem qu’il cite, mais c’est aussi celui qui les regarde, les écoute et nous raconte comme elles sont belles, comme elles prennent le temps que les humains ne prennent plus, comme elles s’enchantent du vent, du ciel et des nuages. Et puis, il s’étonne, il s’énerve, il crie, Christian Laborde. Il dénonce les « Vanderdendur » de l’élevage, empruntant à Voltaire le nom de ce négociant hollandais, maître de l’esclave noir que rencontre Candide, ceux qui parquent les animaux dans des « stalag », abréviation de Stammlager, « camp ordinaire », où pendant la seconde guerre mondiale étaient détenus les soldats et les sous-officiers…

Plein de références sérieuses, plein de poésie, plein de colère, Christian Laborde part des vaches et nous donne sa vision du monde, toute empreinte de nostalgie, mais comme il dit : « la nostalgie, oui, mais de l’avenir ! » rétorquant ainsi à tous ceux qui voudraient lui prêter des dictons de vieux « faux-sage » qu’il n’a jamais porté de pantalons en velours côtelé, et, qu’accessoirement, il se souvient, ému, du temps où les fermes avaient toutes une 2CV et un chien dans la cour, et où l’on n’abattait pas les allées de tilleuls pour permettre le passage des convois exceptionnels.

L’ouvrage se lit d’une traite, on y prend plaisir, on sourit, on s’énerve, on s’attriste. Si plusieurs thèmes y sont abordés, on n’y lit pas du tout un mélange des genres, mais on comprend le lien que l’auteur effectue entre toutes ces aberrations et dont la cause n’est autre que la course effrénée vers un but non identifié, de notre société, où plus rien n’étonne. On ne s’étonne donc, pas, non plus, de la fin apocalyptique à la Georges Orwell de La ferme des animaux où Laborde libère les 1000 vaches qui, à leur tour, délivrent leurs frères cochons et rendent hommage à toutes les victimes animales de la folie humaine, devant les morts humains qui sont, eux aussi, morts de rire, alors que les mamies les encensent tout en critiquant les vivants.

Mêlant comique, science, poésie et triste vérité, ce livre, dont on ne peut que recommander la lecture, finit par émouvoir tant il est vrai et sincère et tant on a envie de faire sienne la maxime de son auteur poète et esthète, amoureux de la vache, des tilleuls et du ciel.

« I love you, la vache ».

Anne-Claire Lomellini-Dereclenne

Article publié dans le numéro 90 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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