Lycaon : de la vermine à la tirelire

Le lycaon (Lycaon pictus) est en passe de devenir une source de revenus pour les populations locales d’Afrique australe et orientale, où survivent encore dans quelques poches de territoire : il n’en reste plus que 7 000, sur le demi-million réparti sur l’ensemble du continent il y a un siècle.

Lycaon

Ce carnivore a été massacré au motif de la préservation des troupeaux, en même temps que son habitat a été réduit par l’expansion des cultures et des villes.

Rangé d’office dans la catégorie des nuisibles, il a été victime de l’indifférence des gouvernements, et même des groupements de défense de la nature, uniquement préoccupés des stars, éléphant, rhinocéros, léopard, lion. Il a été aussi victime de ses caractéristiques spécifiques : il vit en meute, dominée par un couple qui a seul le droit de se reproduire, et cette meute a besoin d’un immense espace de chasse, de l’ordre de 2 500 km2. Cela ne facilite pas l’effort accompli récemment pour le sauvetage de l’espèce, car dans les plus grands des parcs ne pourront vivre qu’un nombre limité de lycaons.

Ce sauvetage a été entrepris grâce à la confirmation par des zoologistes passionnés (dont Rosie Woodrof, de la Zoological Society de Londres) des comportements sociaux très élaborés, déjà connus. Dans la meute, les lycaons prennent sans cesse soin les uns des autres, veillent aux chiots, et ne délaissent pas les blessés. Lors de la chasse, chaque meute a sa technique propre, fouillant les buissons à l’affût du moindre bruit, de la moindre odeur. Mieux connu, mieux valorisé, le lycaon fait même l’objet d’observation de groupes de touristes, et ces « safaris » d’observation constituent une ressource financière locale stimulante. De vermine, le lycaon est devenu le symbole d’un immense ensemble de parcs et de réserves dits « Kaza » empiétant sur cinq pays (Namibie, Zimbabwe, Zambie, Botswana, Angola) sur plus de 520 000 km2. Dans le Kaza, un programme de conservation du lycaon a été mis en œuvre. En même temps, les communautés agricoles sont sensibilisées, afin de montrer que l’animal est inoffensif pour l’homme, et qu’il ne s’attaque que rarement au petit bétail. De son côté, le lycaon semblerait avoir compris le changement ! Il se méfie de l’homme et fuit troupeaux et lieux habités.

Que penser de l’avenir ? L’avenir proche est plutôt favorable, préservation et revenus touristiques devraient entretenir un cercle vertueux. Mais pour l’avenir lointain, celui du lycaon n’est pas seul en cause, dans un continent dont il est prévu que la population humaine va atteindre deux milliards à la fin de ce siècle, envahissant progressivement tout l’espace nécessaire à la vie sauvage. Voilà qui va probablement, hélas, vérifier sur le terrain et à l’échelle d’un continent, ce que nous ne cessons de clamer comme une évidence, la préservation des espèces réside uniquement dans la conservation des espaces. Ce qui, en négatif, peut s’écrire : en ne conservant pas les espaces, en ne voulant pas conserver les espaces nécessaires à la vie sauvage, l’homme condamne inéluctablement les espèces sauvages à la disparition.

Jean-Claude Nouët

Article publié dans le numéro 92 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

ACTUALITÉS