Réhabiliter des cétacés captifs : un grand challenge

De plus en plus de personnes à travers le monde sont désormais convaincues qu’un dauphin ou une orque a sa place dans l’océan mais pas dans un bassin. Depuis quelques années, les delphinariums sont confrontés à de virulentes critiques et au rejet d’un public mieux informé. Preuve que les mentalités évoluent, la ville de Barcelone a récemment annoncé sa volonté de fermer son delphinarium avant 2019. Au train où vont les choses, d’autres parcs devraient suivre cet exemple dans les années à venir. Mais une question se pose : que faire des dauphins captifs ? La solution la plus acceptable d’un point de vue éthique tient en un mot : la réhabilitation.

Qu’est-ce-que la réhabilitation?

Réhabiliter un animal consiste à le réhabituer à vivre dans son milieu naturel. Dans le cas des cétacés captifs, il s’agit de leur apprendre progressivement à se passer de l’homme pour se nourrir, de les désimprégner afin qu’ils puissent retrouver une certaine autonomie et réintégrer l’océan. En captivité, le comportement des dauphins est très éloigné de leurs instincts naturels : ils ne peuvent pas chasser, leur sonar ne leur est d’aucune utilité puisque Ies ondes se répercutent inlassablement contre les parois des bassins. De plus, ils manquent d’espace, passent la majeure partie de leur temps à la surface de l’eau pour les spectacles et ne peuvent plonger en profondeur, comme ils le feraient dans les mers et les océans. Dès lors que l’on veut réhabiliter un cétacé captif, une phase de « désentraînement » est nécessaire afin que l’animal puisse retrouver un comportement non altéré par l’homme et qu’il puisse se réadapter au monde marin de manière progressive.

Des réhabilitations réussies

Plusieurs cétacés captifs ont pu retrouver la liberté après une longue période passée en bassin. Si les premières tentatives ont connu quelques échecs, le processus de réhabilitation a beaucoup évolué notamment grâce à l’expérience de pionniers comme Richard O’Barry, le fondateur de I’ONG américaine Dolphin Project et ancien dresseur des dauphins de la série Flipper.

Capturée illégalement au large de la Corée du Sud avec trois autres dauphins de son groupe, la femelle Sampal est l’exemple même d’une réhabilitation réussie. Suite à un jugement de la Cour suprême de Corée, les quatre dauphins furent confiés à une association de protection animale qui se chargea de les réhabituer à la vie sauvage après trois années passées en captivité. Après avoir été remis en bonne santé, ils furent placés dans un enclos fermé en mer, non loin de l’endroit où ils avaient été capturés. Ils ont pu ainsi trouver leurs instincts de chasse dans un lieu naturel et protégé, où des dauphins sauvages venaient parfois leur rendre visite. Quelques semaines avant la fin du protocole, Sampal décida que l’enfermement avait assez duré, elle profita un jour d’un trou dans le filet de l’enclos pour prendre l’initiative de retrouver la liberté. Elle fut observée plus tard en compagnie de sa famille, et en 2016 on l’aperçut avec un petit à ses côtés. Ses compagnons d’infortune furent libérés avec succès quelques semaines plus tard. Autrefois prisonnière, Sampal est désormais libre. Et en donnant la vie, elle a prouvé qu’elle était capable de prendre soin d’elle-même et de son petit, loin des bassins et des humains.

Que faire des cétacés qui ne peuvent être relâchés ?

Pour diverses raisons, certains dauphins captifs ne pourraient être relâchés dans l’océan sans que leur vie soit mise en péril. C’est le cas des animaux trop âgés ou n’ayant eu aucune expérience de la vie sauvage. Il est donc nécessaire d’envisager une alternative pour que ces individus puissent prendre une retraite bien méritée dans un cadre à la fois naturel et protégé. De tels sanctuaires existent déjà pour de nombreuses espèces terrestres telles que les éléphants ou les félins. En revanche, à l’heure actuelle, aucun endroit de ce type n’existe pour les mammifères marins. Cette injustice pourrait bien être « réparée » dans les années à venir, puisque plusieurs projets de sanctuaires marins sont en cours en Amérique du Nord et en Europe. Reste à savoir si les delphinariums se résoudront à offrir à leurs animaux la vie qu’ils méritent.

Audrey Verdière

Article publié dans le numéro 94 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

ACTUALITÉS