Les subventions de la PAC aux éleveurs : comment ça marche ?

La politique agricole commune (PAC) actuelle s’intègre dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne (UE). Le budget de la PAC pour cette période est de 362 milliards d’euros. La part reversée à la France est de 9,1 milliards d’euros par an sur cette période.

La PAC est organisée autour de 2 piliers (1) : le premier pilier regroupe les aides directes et l’organisation commune du marché, et le second pilier dédié aux mesures de développement rural (aides complémentaires). Le premier pilier de la PAC est entièrement financé par l’UE, tandis que le deuxième est cofinancé par les États membres.

Les éleveurs ont accès à diverses aides de la PAC pour maintenir leur activité et leur assurer des revenus, regroupées en deux grandes catégories : des aides directes, qui servent de revenus de base aux agriculteurs, et des aides au développement rural.

LES AIDES DIRECTES (PREMIER PILIER DE LA PAC)

Il existe plusieurs aides directes. Elles sont cumulatives. Elles constituent le principal revenu des agriculteurs. Elles sont financées par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA). Le budget français annuel pour ces aides est de 7,44 milliards d’euros (2015) (2).

D’abord, il y a les droits à paiement de base (DPB). Tous les agriculteurs dits « actifs » peuvent bénéficier des DPB. Un agriculteur actif est un agriculteur qui détient une exploitation agricole d’un are minimum (pour la France) et qui a une activité agricole au sens de la PAC. La France a décidé de supprimer ce critère d’éligibilité de ces paiements depuis 2018, pour l’ouvrir à d’autres activités comme par exemple des activités équestres. En 2015, le montant moyen des DPB s’élevait à 134 euros par hectare. Le but est que les DPB soient progressivement uniformisés entre les régions françaises. Le montant moyen diminue chaque année. Les DPB s’élèvent à 49 % du budget pour les aides du premier pilier.

Ensuite, il y a le paiement « vert », ou « verdissement ». Tous les agriculteurs actifs peuvent bénéficier d’un paiement « vert » sous réserve de respecter trois conditions (sauf dérogations) :

  • la diversification des cultures : avoir deux ou trois cultures différentes sur son exploitation en fonction de la taille de cette dernière ;
  • le maintien des prairies permanentes en termes de ratio : les surfaces consacrées aux prairies permanentes ne doivent pas diminuer de plus de 5 % par rapport à une référence ;
  • le maintien de surface d’intérêt écologique : lorsque les terres arables d’une exploitation couvrent plus de 15 hectares, une surface correspondant à au moins 5 % des terres arables de l’exploitation agricole doit être considérée comme surface d’intérêt écologique. Le choix de considérer ces surfaces comme surfaces d’intérêt écologique revient aux États membres.

Les exploitations qui respectent déjà des pratiques en faveur de l’environnement, en étant par exemple sous certifications Agriculture Biologique, sont considérées comme « vertes en soi » et reçoivent alors les paiements verts sans avoir à respecter les trois mesures du verdissement (3). Le montant moyen du paiement vert au niveau national était de 83 euros par hectare en 2017 (4). En principe, des contrôles doivent être effectués pour vérifier que les agriculteurs respectent ces conditions. S’ils ne les respectent pas, ils peuvent se voir retirer une partie de l’aide au verdissement. Le verdissement équivaut à 30% du budget pour les aides du premier pilier (5).

Il existe aussi le paiement redistributif, qui est une aide facultative de l’UE. C’est une sorte de « prime » versée par l’État, d’un montant fixe au niveau national (de l’ordre de 50 euros par hectare). Il s’applique dans la limite des 52 premiers hectares de l’exploitation. Tous les agriculteurs disposant de DPB peuvent en faire la demande. Son objectif est de valoriser les productions à forte valeur ajoutée ou génératrices d’emploi, sur des petites exploitations. Le paiement redistributif équivaut à 5 % du budget pour les aides du premier pilier (6).

Ensuite, il y a l’aide aux jeunes agriculteurs. Les agriculteurs de moins de 40 ans qui sont en cours d’installation ou installés depuis moins de 5 ans avant la première demande d’aide, et qui ont une formation de niveau IV minimum (sortie des classes de terminale, avec ou sans le bac), peuvent bénéficier de cette aide dont le montant moyen est de 70 euros par hectare. L’aide aux jeunes agriculteurs équivaut à 1% du budget pour les aides du premier pilier (7).

Enfin, l’État français défend avec ferveur les aides couplées, c’est-à-dire les aides données en fonction de la production, dans le but de la maintenir. Il s’agit d’un montant par tête de bétail ou par hectare de culture. Il en existe pour les bovins allaitants, les bovins laitiers, les veaux sous la mère et les veaux bio, les ovins, les caprins, ainsi que les cultures de fourrages. Les aides couplées s’élèvent à 15% du budget pour les aides du premier pilier (8).

LES AIDES AU DÉVELOPPEMENT RURAL (SECOND PILIER DE LA PAC)

En plus des aides directes, les éleveurs peuvent recevoir d’autres aides qui favorisent le développement rural. Dans le cadre de la PAC, l’objectif de développement rural est de préserver la vitalité des campagnes en soutenant des programmes d’investissement, de modernisation et de soutien aux activités agricoles et non agricoles dans les zones rurales.

Les objectifs de l’UE en termes de développement rural sont inscrits dans l’article 5 du règlement (UE) n° 1305/2013 (9) du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le FEADER, Fonds européen agricole pour le développement rural. Le troisième objectif concerne notamment le bien-être animal : « Promouvoir l’organisation de la chaîne alimentaire, y compris la transformation et la commercialisation des produits agricoles, le bien-être des animaux ainsi que la gestion des risques dans le secteur de l’agriculture. »

Le règlement de développement rural, inscrit dans le Cadre stratégique commun de la stratégie européenne « Europe 2020 », doit être mis en œuvre par les États membres. Ils établissent chacun un accord de partenariat (10) avec la Commission européenne, puis un programme national de développement rural. En France, ce programme est découpé comme suit :

Il revient donc en majorité aux régions et DOM/TOM de mettre en œuvre le programme de développement rural.

Le règlement de développement rural propose 20 catégories de mesures d’aide, et précise leur contenu et leurs objectifs spécifiques. Ces mesures couvrent un large champ du développement rural (13). La mesure 14 vise à soutenir les actions volontaires des éleveurs en faveur du bien-être animal, allant au-delà des normes et exigences obligatoires. L’aide prend la forme d’une indemnisation partielle ou totale des coûts supplémentaires et pertes de revenus occasionnés par la pratique concernée. Ce paiement intervient pour un engagement portant sur 1 à 7 ans. Les types d’actions pouvant faire l’objet d’une telle aide sont, par exemple :

  • une amélioration des conditions de logement comme l’espace disponible, les litières et la lumière naturelle ;
  • l’accès à l’extérieur ;
  • l’utilisation d’anesthésiants et d’anti-inflammatoires lors des castrations ou ablations, autorisées lorsqu’elles sont pratiquées « en raison de sécurité ou si elles sont destinées à améliorer la santé, le bien-être ou l’hygiène des animaux » ;
  • une alimentation conforme aux besoins naturels du bétail (14).

Cette mesure n’étant pas obligatoire, aucun PDRR n’a déployé cette mesure sur son territoire à ce jour.

D’autres mesures peuvent avoir un impact indirect sur le bien-être animal. L’indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) (mesure 13)(15) concerne les surfaces fourragères des zones montagneuses et des autres zones défavorisées. Elle est composée d’une part fixe d’un montant de 70 € par hectare éligible, auquel s’ajoute une part variable dont le montant est dégressif selon la zone concernée (montagne, piémont, zone défavorisée simple, sèche ou non). Cette part variable s’applique par tranche de surface éligible. Sur les 25 premiers hectares, la part variable correspond à un montant unitaire, fixé dans chaque PDRR ; entre 25 et 50 hectares, la part variable correspond à ce montant unitaire réduit d’un tiers ; au-delà de 50 hectares, la part variable n’est pas appliquée.

Les mesures agroenvironmentales et climatiques (MAEC) (mesure 10)(16) permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le développement ou le maintien de pratiques combinant performance économique et performance environnementale. Elles servent au maintien et à la gestion extensive des prairies et aux pratiques tournées vers l’agroécologie, avec une réduction des pesticides. Les agriculteurs s’engagent volontairement sur 5 ans au respect d’un cahier des charges allant au-delà des exigences réglementaires, en échange d’un paiement compensant les surcoûts et manque à gagner liés au changement ou maintien de pratiques. Elles peuvent concerner le pâturage, le pastoralisme, etc. Ces mesures s’élèvent à 1,8 milliard d’euros sur 7 ans.

Les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique (mesure 11)(17) visent à compenser tout ou partie des surcoûts et manques à gagner liés à l’adoption ou au maintien par les agriculteurs des pratiques de l’agriculture biologique par rapport à l’agriculture conventionnelle. L’aide à la conversion est accessible à tous les agriculteurs souhaitant s’engager dans ce mode de production. L’aide au maintien accompagne les exploitations qui se sont converties à l’agriculture biologique afin d’éviter qu’elles ne retournent vers l’agriculture conventionnelle. L’engagement des agriculteurs est pluriannuel, sur une durée de 5 ans et l’aide au maintien peut être reconduit annuellement. Le montant des aides varie (entre 35 et 900 euros par hectare par an) en fonction des productions agricoles concernées par l’aide (grandes cultures, maraîchage, prairies, etc.) et selon qu’il s’agisse d’une aide au maintien ou à la conversion.

Le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) (abritant la mesure IV, article 17 du règlement européen) vise à la modernisation de l’appareil de production, l’innovation, la combinaison des performances économique, environnementale, sanitaire et sociale, ainsi que l’installation de nouveaux agriculteurs. La première priorité du PCEA est l’élevage, car les coûts d’investissement sont élevés pour la modernisation des bâtiments, l’amélioration des conditions de travail et l’autonomie alimentaire du cheptel. Les aides prennent différentes formes, notamment la modernisation des bâtiments, équipements ou matériels, l’accès à la ressource en eau, le soutien à l’évolution des modes de production, etc. Le montant total consacré à ce plan est de 3,2 milliards d’euros sur 7 ans (18).

LE FINANCEMENT ET LE VERSEMENT DES AIDES

Le financement des aides du premier pilier revient entièrement à l’UE.

Les aides au développement rural sont principalement financées par le FEADER. Son enveloppe totale pour la période 2014-2020 est de 85 milliards d’euros, dont 11,4 milliards pour la France, qui est le plus gros bénéficiaire. À cela s’ajoute le cofinancement des États membres, qui s’élève à environ 4 à 5 milliards d’euros sur la même période pour l’État français (19). Plusieurs des mesures pour le développement rural fonctionnent par appels à projet par les régions. Les porteurs de projets, qui peuvent être les collectivités, les agences de l’eau, etc., participent au financement des projets.

En ce qui concerne le versement des aides, les États membres reçoivent le paiement des sommes allouées par la Commission européenne et sont ensuite en charge de les distribuer aux éleveurs. En France, il existe deux organismes payeurs : l’Agence de services et de paiement, qui s’occupe du paiement des aides couplées et découplées du premier pilier, ainsi que des aides du développement rural, et FranceAgrimer, qui s’occupe des paiements visant au soutien des marchés.

LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES À LA PAC ET DES RECOMMANDATIONS

Tout d’abord, la PAC est ambiguë car malgré les bonnes intentions de la Commission européenne, celles-ci sont toujours manipulables et diluées. Par exemple, la Commission a inscrit une mesure sur le bien-être animal mais elle n’est pas obligatoire, ce qui permet à la France de ne l’inscrire dans aucun de ces PDRR. Très souvent, des dérogations permettent de contourner la bonne mesure de départ. De plus, il revient aux États membres de mettre en œuvre les mesures d’aides prévues par la PAC, et ils trouvent toujours un moyen d’interpréter de manière négative une mesure qui pourrait être positive pour les animaux.

Ensuite, la PAC est construite sur l’idée de mesures compensatoires à un manque à gagner : si des efforts supérieurs aux normes sont entrepris, ils constituent nécessairement un manque à gagner pour l’agriculteur qui devra alors être indemnisé pour faire mieux que la norme. Il n’y a pas de filières de valorisation des produits, qui pourraient pousser le consommateur à préférer des produits obtenus grâce à des conditions d’élevage, de transport et d’abattage meilleures pour le bien-être des animaux, et donc favoriser le développement de telles filières.

Voici quelques recommandations pour améliorer la PAC :

  • créer des filières de valorisation des produits issus de l’élevage et obtenus grâce à des conditions d’élevage, de transport et d’abattage meilleures pour le bien-être des animaux ;
  • mettre à disposition des professionnels des éthologues qui auraient un rôle de conseillers en bien-être animal dans les chambres d’agriculture ;
  • inclure des mesures en faveur d’un meilleur bienêtre animal dans les cahiers des charges des produits sous signes officiels de la qualité et de l’origine (AOP-AOC, indication géographique protégée, etc.) et des produits de marques ;
  • faire connaître les filières valorisant le bien-être animal (par un étiquetage ou des labels) ;
  • arrêter de soutenir la compétitivité. Nous n’avons pas besoin de plus d’élevage, mais de moins d’élevages et un d’élevage meilleur à tous points de vue.

CONCLUSION

La PAC est très complexe et lourde à mettre en œuvre. Mais elle dispose de nombreux outils qui pourraient favoriser directement ou indirectement le bien-être des animaux s’il y avait une véritable volonté politique. La réforme de la PAC à venir devra prendre réellement en compte les défis posés par l’élevage actuel en matière de bien-être animal et d’environnement, sans quoi elle risque encore une fois de décevoir à la fois les agriculteurs et les défenseurs de la nature et des animaux.

Nikita Bachelard
diplômée master sciences politiques

Je remercie Anne Vonesch pour son aide dans la réalisation de cet article.

  1. CAPeye, Cellule de veille et de prospective sur la politique agricole commune, « La PAC 2014-2020 », Montpellier SupAgro.
  2. CAPeye, Cellule de veille et de prospective sur la politique agricole commune, « Les choix de la France pour la mise en œuvre de la PAC », Montpellier SupAgro,
  3. CAPeye, Cellule de veille et de prospective sur la politique agricole commune, « La PAC 2014-2020 », Montpellier SupAgro,
  4. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Paiements découplés – paiement « vert », Alim-agri, 3 mai,
  5. CAPeye, Cellule de veille et de prospective sur la politique agricole commune, « Les choix de la France pour la mise en œuvre de la PAC », Montpellier SupAgro,
  6. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Paiements découplés – paiement redistributif », Alim-agri, 3 mai 2018,
  7. CAPeye, Cellule de veille et de prospective sur la politique agricole commune, « Les choix de la France pour la mise en œuvre de la PAC », Montpellier SupAgro,
  8. Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, « Les paiements couplés », janvier 2016,
  9. Règlement (UE) n ° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n ° 1698/2005 du Conseil, Journal officiel de l’Union européenne L 347/487, 20 décembre 2013,
  10. « Accord de partenariat », Europe en France,
  11. Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la forêt, Programme national de gestion des risques et assistance technique, 11 septembre 2015,
  12. Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Programme de réseau rural national, 12 février 2015,
  13. « Les 20 fiches mesures du FEADER », Réseau rural français,
  14.  « Le FEADER en 20 fiches – 14 Bien-être des animaux, Réseau rural français,
  15. « Le FEADER en 20 fiches – 13 Paiements en faveur des zones soumises à des contraintes naturelles ou spécifiques, Réseau rural français,
  16. « Le FEADER en 20 fiches – 10 Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), Réseau rural français,
  17. « Le FEADER en 20 fiches – 11 Agriculture biologique, Réseau rural français,
  18. « Le FEADER en 20 fiches – 04 Investissement physique, Réseau rural français,
  19. « La PAC : tout savoir sur les aides. Volume II : les aides du 2nd pilier », Chambre d’agriculture, n° 1037, novembre 2014,

Article publié dans le supplément du numéro 99 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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