Au nom d’une économie nouvelle

Le mensuel La voix des bêtes de juillet/août 2009, sous ce titre reprend en éditorial un large extrait d’un article du Pr Jean- Claude Nouët, président de la Fondation LFDA, publié en message du n° 61 du Bulletin d’informations de la LFDA d’avril 2009.

[…] Pourquoi tant d’indifférence, d’incompréhension, d’hostilité même, envers le sort des animaux et ceux qui défendent leur cause? 
En amenant notre société à réfléchir au sort de l’animal, en contestant le tout pouvoir de l’homme,  en éveillant les consciences, nous dérangeons des habitudes, des façons de penser séculaires. En opposant des principes d’éthique à la recherche constante d’un meilleur rapport financier, nous portons accusation contre des pratiques, des façons d’agir dont les animaux sont victimes.

Sur ces terrains de conflit, la défense de l’animal est perdante. Elle n’a aucun poids au Parlement : les quelques élus qui lui sont favorables sont submergés par le nombre de leurs collègues, qui soutiennent la chasse, la corrida et le gavage. Elle n’a aucune influence sur le choix des électeurs au moment de déposer le bulletin de vote, surtout dans le système du scrutin majoritaire ; aucune n’influence sur l’économie, parce que les consommateurs ne mettent pas leur conduite en plein accord avec les convictions qu’ils affichent. Elle ne peut pas soulever des manifestations de masse, pour répliquer à celles de la FNSEA ou des chasseurs. Plus que tout peut-être, la défense de l’animal n’a pas les moyens de rivaliser avec la défense d’énormes intérêts financiers ( ceux notamment de l’industrie agroalimentaire et de la production animale industrielle), qui sont soutenus par des lobbies  professionnalisés, et organisés pour peser sur les politiques mal informés et orienter les réglementations.  Au total, c’est la faiblesse de la défense animale sur le terrain politique, social, et économique qui permet au politique de rester sourd à ses demandes ; il est vrai qu’il n’y a de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. 

De leur côté, les défenseurs de l’animal sont aussi responsables de leurs échecs. Lorsque nous décidons d’agir ensemble, il arrive que la cohésion soit rompue par l’un ou l’autre, démontrant que la désunion est facile, ce qui est une grave erreur tactique.
Sur le terrain le plus important, celui du conflit entre la morale et le profit, nous commettons une grave faute stratégique. 
Nous ne démontrons pas de façon suffisamment étayée et rigoureuse que nos demandes, si elle sont motivées par la recherche du bien-être animal, ouvrent en réalité des voies socio-économiques bénéficiaires à bien des égards jugés plus importants, rentabilité, environnement, qualité des produits, emplois, qui compenseront largement les contraintes et les coûts générés par les changements nécessaires. 

C’est exactement ce qui se passe déjà en matière d’environnement. Le réchauffement climatique serait encore objet de polémique, s’il avait été dénoncé seulement pour sauver l’ours blanc et le manchot empereur, ou même pour annoncer de futures catastrophes. La lutte contre les pollutions, les gaz à effet de serre, les gâchis énergétiques, a été universellement engagée parce que d’autres façons de faire et d’autres industries pouvaient être lancées et prendre le relai  dans une rentabilité au moins égale : isolations thermiques, motorisation automobile, énergies de recyclage, etc.

C’est une mutation du même ordre, la convergence des intérêts de l’homme et de ceux de l’animal, qui est probablement survenue au sujet de l’expérimentation sur l’animal. Je ne suis pas totalement convaincu que la compassion ait été, dans les milieux de la recherche, le principal motif d’appliquer la réglementation qui protège l’animal. 
Je vois plutôt, au bénéfice final de l’animal, la nécessité impérative de bannir ses souffrances pour obtenir des résultats scientifiques valables.

Nos réflexions conduisent à formuler ce constat: l’amélioration de la condition des animaux que l’homme utilise, comme le sort des animaux libres dans la nature, dépendent principalement, sinon uniquement, des avantages matériels et de l’intérêt que l’homme peut en tirer. C’est une conclusion amère, et attristante pour son statut d’homo sapiens, mais il faut désormais agir intelligemment en conséquence. Et paradoxalement, la « crise » va peut-être nous aider, notamment dans le domaine de l’élevage, en obligeant à adopter plus rapidement des pratiques moins coûteuses en énergie, moins polluantes et  plus naturelles donc , c’est logique, plus respectueuses de l’animal. […]

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