Racines infantiles de la violence et de la cruauté

Par le Pr Jean-Claude Nouët, Président de la Fondation Ligue française des droits de l’animal, médecin, biologiste, Professeur des universités, vice-doyen honoraire de la faculté de médecine Pitié-Salpêtrière.
Conférence préparée pour le Colloque international « Relationship between animal abuse and human violence », Keble College Oxford, 18 septembre 2007 à l’invitation d’Oxford Centre for Animal Ethics.

Depuis près de quarante ans, de très nombreuses recherches et publications de psychologie, de psychopathologie, de sociologie, d’éthologie, de criminologie, montrent que les comportements violents chez l’adulte sur les personnes trouvent souvent leurs racines dans les traumatismes physiques ou affectifs durant l’enfance. Plusieurs conférenciers de ce colloque, bien plus qualifiés que moi dans ces différentes disciplines scientifiques, ne manqueront pas de citer les recherches qui ont fait date  dans ce domaine (Cf. notamment : Bibliography of the link between animal abuse, child abuse and domestic violence, compiled by Phil Arkow.  6/18/07. Latham Foundation; Child and animal welfare: the roots of collaborative programs and re-emergence of interagency and interdisciplinary efforts.  Recent reviews presented by Frank R…  Ascione, PhD, at the 14th National Conference on Child Abuse and Neglect. St. Louis .USA. April 2000).

Qu’’il me soit simplement permis de rappeler ici quelques unes des conclusions chiffrées de ces observations :

  • Des violences ou des négligences dont des enfants sont victimes sont observées dans 80% des foyers ou des violences sont exercées sur des animaux ;
  • Dans 2/3 des familles où se produisent des violences domestiques, les animaux sont également maltraités ;
    Trois criminels sur quatre ont maltraité l’animal ;
  • Les auteurs de violences sur l’animal commettent 5 fois plus fréquemment des violences sur les personnes.
    50% des violeurs ont dans leur enfance commis des actes de cruauté sur l’animal ;
  • Et 15% des violeurs violent aussi des animaux ;

Sur ce dernier point, je m’autorise à ajouter que les actes sexuels commis sur les animaux  deviennent plus nombreux avec le développement des images pornographiques et que d’une certaine façon ils montrent que violence sur l’animal et abus des enfants sont liés.
Les actes sexuels avec des animaux sont l’objet de films qui étaient diffusés sur des cassettes vidéo, diffusion importante puisque totalisant 10% des cassettes pornographiques. L’apparition des sites internet spécialisés a aggravé la situation, puisque ces images d’actes pervers et dégradants ont pu atteindre tous les publics, dans le monde entier. Depuis 1996, la Fondation que j’ai l’honneur de présider a multiplié ses interventions auprès des hommes politiques français  jusqu’aux plus hauts niveaux de l’État, en dénonçant les connexions des réseaux « zoophiles » avec les réseaux « pédophiles ». C’est principalement à ce motif que le ministère de la justice a publié en 2004 un texte de loi modifiant le code pénal français et assimilant les actes sexuels avec des animaux à des actes de cruauté.

De l’ensemble des travaux, on peut tirer le double constat suivant :

  • des violences ou des cruautés subies ou observées durant l’enfance peuvent générer ou favoriser ultérieurement des comportements violents ou cruels ;
  • des violences sur l’animal ou des actes de cruauté exercées ou observées pendant l’enfance se trouvent fréquemment dans le passé d’individus se livrant à des violences ou à des actes de cruauté sur l’humain et/ou sur l’animal.

Il existe donc des relations de cause à effet entre des expériences de cruautés et de violences subies ou vécues durant l’enfance, et des comportements ultérieurs violents et cruels, comme si existaient des sortes de cicatrices neuronales souvent indélébiles. 

Par ailleurs, on sait bien aujourd’hui que l’éducation joue un rôle déterminant dans le développement psychoaffectif de l’enfant, soit heureusement dans un sens positif, soit hélas dans un sens négatif en banalisant l’agressivité, la violence, la cruauté, voire en les favorisant. Pourtant, sous nos yeux, d’innombrables enfants sont imprégnés d’exemples et d’images de violences, et parfois même sont entraînés à la pratiquer eux-mêmes. Je vais en citer trois exemples.

Le premier exemple est universellement répandu : il s’agit des jeux vidéos informatiques se nature violente dont le succès envahit la planète, en même temps qu’ils deviennent de plus en plus violents. On peut faire gicler le sang en coupant des membres à la tronçonneuse, en fonçant en voiture dans un troupeau d’animaux ; on peut tuer des personnages en les étouffants avec un sac plastique, les brûler après les avoir aspergés d’essence, leur couper la tête et jouer avec elle, tenir le rôle d’un dealer ou d’un trafiquant de drogue. Ceux qui sont favorables à ce type de jeux soutiennent qu’ils permettraient aux enfants de décharger les pulsions d’agressivité qu’ils accumulent, de développer leur coordination psychomotrice et leurs réflexes oculomoteurs, de prendre confiance en eux et de maîtriser leur combativité. Mais il a été constaté que la répétition d’images animées de violences et de cruauté aboutit à une inhibition vis-à-vis de la violence pouvant se traduire en termes d’agressivité. Différentes études américaines ont montré que les enfants portés sur des conduites agressives s’identifient aux personnages violents, et recherchent de plus en plus des programmes et des jeux violents. Le risque de l’exemplarité est augmenté par le réalisme croissant des images, lequel réduit la marge d’identification du virtuel et du réel. Le succès croissant de ces jeux exige que des études sociologiques, pédagogiques, neuropsychiatriques soient conduites sur le long terme à leur sujet.

Le deuxième et le troisième exemple s’observent dans un pays auquel, sur ce point, je ne suis pas fier d’appartenir. Il est de mon devoir de dénoncer ces pratiques, et de faire découvrir à beaucoup d’entre vous qu’en France deux éducations à la violence et à la cruauté sont organisées à destination des enfants au sujet de la tauromachie et au sujet de la chasse. Certes, elles concernent les animaux. Mais l’entraînement à les exercer aboutit à banaliser voire à nier la souffrance de l’animal, à justifier les sévices qui lui sont infligés, et au final à encourager un comportement général agressif, qui ultérieurement pourrait ne pas se limiter à s’exercer seulement à l’encontre des animaux.

Des écoles de tauromachie existent dans plusieurs villes du sud de la France : Arles, Nîmes, Tarascon, Béziers et St Rémy de Provence, ainsi que dans le sud-ouest du pays, dans les Landes. Ces écoles sont ouvertes à des enfants dès l’âge de 9 ans, mais elles en admettent parfois de plus jeunes : l’un n’avait que 7 ans. Les cours de tauromachie sont donnés par des toreros, des professionnels des arènes et des passionnés de corrida, qui passent d’une ville à l’autre. Le mercredi et le samedi après-midi, les enfants sont emmenés dans des arènes privées, à moins que la ville, comme Arles, ne prête gratuitement ses arènes, et ses autocars pour les y conduire. Ces écoles se disent agrées par le ministère de la jeunesse et des sports, et elles fonctionnent grâce à des subventions, principalement sur des fonds publics, c’est-à-dire avec l’argent des contribuables. L’école de Nîmes est financée par la mairie, le département et la région. Celle de Tarascon reçoit des subventions de la mairie et de la Caisse d’allocations familiales du département des Bouches-du-Rhône. En Arles, l’école est financée par la ville et reçoit des subventions d’une entreprise industrielle, et d’un centre de vacances. La ville de Bayonne n’a pas d’école taurine, mais elle distribue largement des « tickets découverte » gratuits à tous les jeunes pour qu’ils aillent dans les arènes s’initier à la corrida. Chaque école reçoit de 10 à 15 enfants par an. 
Ce sont donc au total 60 à 90 enfants par an qui reçoivent cette éducation à la cruauté. A regard des chiffres semble être peu, mais au regard de l’éthique c’est inacceptable. 
Car dans ces écoles, on enseigne à de jeunes enfants à manier la cape, à réaliser les différentes figures de ce ballet de mort, puis à planter des banderilles et à enfoncer des épées, d’abord sur des mannequins de taureaux puis sur des veaux. En 2004, les plus entraînés de ces « graines de toreros » ont donné une série de spectacles, pendant lesquels on a vu des veaux blessés meuglant de douleur en appelant leur mère, devant un public pour moitié composé d’enfants applaudissant frénétiquement à chaque blessure, et des parents admiratifs de la violence précoce de leurs rejetons. Bien qu’en contradiction évidente avec la loi, notamment celle qui protège les mineurs, ces écoles reçoivent le soutien officiel des pouvoirs publics, des élus locaux et nationaux, et bénéficient d’une tolérance honteuse de la justice. En plus des enfants qui fréquentent ces écoles, combien de centaines d’enfants subissent leur influence par leur exemple, par les récits de leurs « exploits » et leurs vantardises ? Et quels adultes sont devenus ces enfants habitués à l’insensibilité et à la cruauté ? On sait déjà que plusieurs sont des matadors célèbres, et célébrés en raison de leur jeune âge. On peut être assuré que beaucoup, qui vivent dans un milieu familial d’amateurs de corridas, fréquents dans ces régions, sont devenus eux-mêmes de fervents « aficionados ». Le recul est aujourd’hui suffisant pour qu’une enquête soit conduite sur le devenir psychique de ces élèves, sur leur comportement quotidien, sur leurs résultats scolaires. Mais il est douteux que le ministère de la jeunesse et des sports en prenne l’initiative. En effet, l’été dernier, la Ministre de la jeunesse et des sports a voulu assister à la corrida à Bayonne au motif de « défendre cette tradition ». Ce pourrait être du rôle de l’UNICEF, mais cet organisme, voué pourtant à la santé et à l’éducation des enfants, a eu l’inconscience en 2006 de décerner à la ville d’Arles le titre de « Villes amie des enfants », malgré des courriers de protestation auxquels le président de l’UNICEF-France, Jacques Hintzy n’a pas daigné répondre.
Ces écoles existent ainsi depuis plus de vingt ans. Pour quelles raisons ont-elles été ouvertes, pourquoi sont-elles soutenues ? L’explication officielle est la nécessité de maintenir une « tradition locale artistique » propre à ces régions du sud. Or on sait bien que cette coutume est purement espagnole, importée d’Espagne il y a un peu plus d’un siècle : à lui seul, le vocabulaire le démontre, qui est strictement et uniquement espagnol. Le motif inavoué est double : l’un est d’assurer la relève des acteurs et des spectateurs de la corrida, afin que perdure l’industrie juteuse de ce show business et ses retombées financières, l’autre est pour les élus locaux de ne pas déplaire à leurs électeurs, de ne pas perdre leurs voix lors des élections locales ou nationales. Quant à parler d’art au sujet de cette tuerie, c’est dévoyer la noblesse de l’art : la peinture, la sculpture, la musique, la dance, le théâtre, la poésie n’ont rien à voir avec le fait de planter des lances et des harpons dans le corps d’un animal et de le tuer à coups d’épée. Le mot matador ne signifie par artiste, matador se traduit par « tueur ».

Les écoles de tauromachie ne sont pas les seules à apprendre à des enfants à faire souffrir et à tuer l’animal dans le seul but de se distraire au prix de la souffrance et de sa mort. La chasse et les chasseurs s’en chargent aussi. On sait qu’en matière de chasse, la France est championne européenne avec le nombre de chasseurs (un million trois-cent mille), et avec le nombre des animaux tués par an : 12 millions de mammifères, dont 400.000 chevreuils, 345.000 sangliers, 6 millions de lapins, et 26 millions d’oiseaux dont 6 millions de pigeons et tourterelles, et 13 millions de  grives. Ce loisir, riche et puissant, a le soutien des pouvoirs publics et des élus. L’évolution de la sensibilité de la société française et la raréfaction dramatique de la faune entraîne une diminution constante du nombre des chasseurs que leur fédération et associations diverses tentent de freiner par tous les moyens : manifestations, propagande, chantages électoraux et actions politiques. 
A ce propos il convient d’avoir à l’esprit que Les chasseurs ne représentent que 2% des français, mais que 210 députés sur 577, soit 35% sont inscrits à un groupe chasse constitué au sein de l’Assemblée Nationale, ce qui confère à la chasse un pouvoir politique et décisionnel considérable. Depuis une vingtaine d’années, les chasseurs et leurs représentants officiels issus de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont autorisés par le ministère de l’éducation nationale à entrer dans les écoles publiques au prétexte d’une éducation à la nature, en réalité pour justifier la chasse, hélas reconnue officiellement par notre ministère de l’écologie comme une activité de protection de la nature. Ils parlent des animaux, qu’ils appellent gibier, de leurs espèces, de leurs mœurs, de leur vie. Ils emmènent les élèves dans la campagne, leur montrent les traces des animaux et comment les suivre à la piste. Ils revendiquent « d’apprendre la nature par ceux qui la vivent ». Sous ce prétexte, qui est une imposture, ils détaillent comment se déroule une battue, comment on élève le gibier pour qu’il soit relâché et serve de cible, comment se pratiquent les chasses traditionnelles : chasse à la glu, au lacet, au filet,  des pratiques cruelles encore tolérées. Selon les régions, ils leur font visiter les miradors de chasse aux pigeons ramiers et aux tourterelles dans le sud-ouest, ou les huttes de chasse au canard dans les régions du nord. Des stages de piégeage sont organisés pour des enfants de 8 à 16 ans, en prétendant (je cite) que « la formation au piégeage est un excellent moyen de faire découvrir aux jeunes la nature et la faune qui l’habite ». Ils en profitent pour démontrer la nocivité des animaux qu’ils appellent les nuisibles, les renards, les putois, les martres, les belettes, les corbeaux et d’autres, nuisibles aux yeux des chasseurs parce que ces animaux prédateurs sont des concurrents, des destructeurs de couvées de perdreaux ou de faisans, des mangeurs de lapins. Ici, on organise des stages de chasse à l’arc de chevreuils, là on amène des lapins vivants et on les tue devant les enfants pour leur montrer que ce n’est que de la viande. Disposant d’un financement important, cette propagande cynégétique s’effectue également par Internet : en Bretagne, un CD-Rom a été édité, qui présente les divers milieux naturels et leur faune, avec un renvoi pour tout renseignement aux fédérations de chasses locales. Le CD-Rom a été remis gratuitement à 3011 écoles bretonnes. Un journal spécial « Nature junior » a été édité, qui vante à longueur d’articles que « les chasseurs se donnent beaucoup de mal pour que les animaux vivent mieux et soient plus nombreux ». Bref, ils montrent aux enfants combien ils aiment les animaux.

Les buts de cet endoctrinement, abusivement qualifié d’éducation, sont, sur le fond, les mêmes que dans le cas de la corrida. La chasse vit principalement des redevances versées par les chasseurs ; il s’agit donc d’une part d’assurer l’avenir financier de la chasse, en assurer la relève des chasseurs. Comme il a été écrit : « cette formation fera de ces jeunes enfants de futurs chasseurs respectueux du gibier et de son environnement parce qu’ils auront contribué à sa préservation et à son développement ». D’autre part, les politiques comptent sur les voix des chasseurs pour assurer leur réélection. De sorte que le pouvoir accorde tout aux chasseurs, au point qu’en France, au mépris de la nature et de sa préservation, au sein du Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, l’administration chargée de la préservation de la faune sauvage s’intitule « sous-direction de la chasse, de la faune et de la flore sauvages », et qu’au mépris de la sensibilité psychoaffective des enfants, les adolescents de 14 ans et demi peuvent recevoir un permis de chasser.

Cette banalisation du meurtre de l’animal et l’occultation de ses souffrances ne peut que favoriser ou générer des comportements au minimum d’indifférence à l’égard de l’animal, et il est probable qu’elle génère  ou favorise des penchants à des comportements généraux plus ou moins agressifs. Dans leur innocence, des enfants des écoles ont parfois la réplique. Dans une classe, les chasseurs se sont attirés un jour la question claire d’un jeune garçon : « Puisque vous aimez les animaux, pourquoi vous les tuez ? ». Ils en sont restés sans voix.

Pour terminer, il me paraît du plus grand intérêt pour nos réflexions de se poser la question d’une influence d’expériences de violence et de cruauté subies ou vécues chez l’enfant dans d’autres espèces que l’espèce humaine. Des traumatismes, des agressions, des sévices subis ou vécus par de jeunes animaux peuvent-ils les perturber suffisamment pour entraîner des comportements déviants, significatifs d’une violence reproduisant l’agression initiale ? Au moins chez des espèces dont on connaît le degré élevé de développement psychique et social, la réponse est oui. Rappelons le très intéressant article de Bradshaw et collaborateurs publié dans la revue Nature de février 2005, dont voici les premières phrases : « L’air explose sous les crépitements des fusils, et les enfants voient leur famille s’écrouler à terre. Ils sont transportés avec d’autres enfants dans des contrées lointaines pour commencer une nouvelle vie. Dix ans plus tard, les orphelins devenus adolescents se livrent à des actes de violences sanguinaire, laissant une centaine de victimes derrière eux. Cette scène qui décrit un syndrome post-traumatique ne se passe pas ni au Kosovo, ni au Ruanda, ni au Darfour. Il s’agit de jeunes éléphants, et de leurs victimes sont des rhinocéros ».
Dans le passé, se sont des études sur les animaux qui ont aidé à comprendre le syndrome post-traumatique chez l’homme et le comportement humain qui en résulte. Actuellement, les connaissances acquises chez l’homme aident à comprendre les séquelles comportementales d’un traumatisme psychologique chez l’animal.
Les éléphants d’Afrique sont victime d’une destruction  massive. Au nombre de plus de 10 millions en 1990, ils ne sont plus que 350.000 survivants d’un massacre généralisé planifié par les trafiquants d’ivoire. La société des éléphants est disloquée, gravement perturbée. Or la société des éléphants est très structurée. Les jeunes sont élevés dans un cercle matriarcal  par leurs mères et les autres femelles parentes. Á l’adolescence, les éléphanteaux mâles quittent la famille où ils sont nés pour rejoindre des groupes d’éléphants mâles pour y acquérir de nouvelles règles sociales à leur exemple et à leur contact.
Des éléphanteaux qui ont assisté au massacre de leur famille au milieu des rafales d’armes automatiques, du sang et des cadavres des membres de leur famille, ont subi un traumatisme affectif et psychique considérable, qui sera doublé par un sevrage précoce. S’ils y survivent, et puisqu’ils sont privés de l’éducation initiale des femelles expérimentées, ils sont des candidats à haut risque à des dérèglements comportementaux. Ultérieurement, si ces éléphanteaux orphelins sont privés en plus de l’éducation sociale apportée au sein d’un groupe de mâles, ils présenteront des symptômes qui se rapprochent de ceux du syndrome post-traumatique décrit chez les humains : réflexe de surprise anormalement excessif, comportement asocial imprévisible, hyper agressivité.

C’est ce qui s’est passé pour les éléphants adolescents objet de l’étude citée. Leur rencontre avec un troupeau de rhinocéros a déchaîné une violence meurtrière qui s’est étendue à tout le groupe, et l’hécatombe des rhinocéros, phénomène particulièrement anormal et pathologique puisque jamais observé dans les conditions normales de cohabitation pacifique dans le milieu naturel.
Ainsi, un traumatisme social, une rupture affective intervenant tôt dans la vie, peuvent affecter la physiologie, le comportement et l’apprentissage des animaux comme ceux des hommes. Ces dérèglements peuvent perdurer dans la descendance, puisque le comportement et surtout la culture sont du domaine de l’acquis, de l’apprentissage et de l’éducation.

Conclusion

En conclusion, nous devons affirmer d’une part la nocivité d’une éducation ou au moins d’une habituation à la violence et pire encore à la cruauté, et d’autre par la nécessité, au contraire, d’une éducation visant à apprendre aux enfants à contrôler leurs pulsions. 
Un bon exemple est celui du programme Second Step, mis en œuvre aux Etats-Unis et au Canada, qui consiste à projeter aux enfants des classes primaires de 10.000 écoles des photos de situations d’agressivité et à les faire réfléchir au problème posé. Une étude conduite sur 790 enfants de 12 écoles de l’État de Washington ayant suivi cette éducation, a montré qu’ils commettaient beaucoup moins d’actes agressifs tels que coup de pied, coup de poing, gifle ou bousculade, et beaucoup plus d’actes positifs ou neutres que ceux qui ne l’avaient pas suivie.

Cela montre que l’école a un rôle majeur à jouer pour prévenir et freiner la violence dans nos sociétés qui sont devenues trop permissives, et qui deviennent de plus en plus agressives. La connaissance de l’animal et sa perception comme être sensible serait d’ailleurs une voie fructueuse : des jeux vidéos informatiques, des programmes scolaires devraient initier le jeune à la parenté des espèces, à l’évolution, et à la biodiversité, à la similarité des programmations génétiques et des physiologies de toutes les formes de vie animale, (et en particulier de leur sensibilité à la douleur), à la diversité des expressions comportementales…. En effet, on sait bien que la connaissance et le savoir conduisent au respect. Les villes, les monuments, les territoires classés « patrimoine de l’humanité » sont de ce fait l’objet d’un respect et d’une protection contre les dégradations et les destructions. De même connaître les animaux, leur vie, leur diversité conduit nécessairement à respecter leur sensibilité à la douleur, leurs besoins physiologiques, la place de leurs espèces dans les écosystèmes.  Et puisqu’il est admis que la violence exercée contre les animaux est liée à la violence exercée contre les hommes, il est logique d’affirmer l’exactitude de la position contraire : le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux.

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