Introduction : Colloque « Préserver et protéger les animaux sauvages en liberté » (2021)

Introduction dans le cadre du colloque sur la préservation et la protection des animaux sauvages en liberté organisé par la LFDA le 16 novembre 2021 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne.Par Louis Schweitzer, président de la LFDA.

© Gabriel Legros
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Louis Schweitzer [1]

Mesdames et messieurs, chers amis, bonjour.

Bienvenue et merci de nous avoir rejoint pour ce colloque, dont le sujet est : « Préserver et protéger les animaux sauvages en liberté ». Je voudrais remercier nos partenaires de la presse, Ouest-France, Sud-ouest, et le groupe Ebra, qui consacrent tous aujourd’hui, des articles à notre cause et à notre colloque.

Ce dernier est organisé par la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences. C’est une fondation reconnue d’utilité publique, fondée en 1977, il y a un peu plus de 40 ans. Son objet est de faire progresser le droit grâce aux progrès de la science pour tous les animaux, quel que soit leur statut : animaux de compagnie, animaux d’expérimentation, animaux d’élevage, animaux sauvages captifs, ou sauvages en liberté, et quelle que soit leur espèce. Nous nous intéressons aux insectes, aux oiseaux, aux mammifères, aux poissons, aux crustacés, aux céphalopodes, bref, à tous les animaux, toutefois en mettant l’accent sur un sujet particulier qui est la sensibilité de ces animaux.

La Fondation a un conseil d’administration qui s’est entouré d’un comité d’honneur, dont la liste s’affiche, et qui est composé de personnalités éminentes, de scientifiques dans toutes les disciplines, de juristes de premier plan, et de quelques hommes politiques – qui ne sont pas si nombreux, mais qui ont contribué de façon significative aux progrès du bien-être animal. C’est avec ce comité d’honneur que nous avons décidé de travailler à actualiser la Déclaration des droits de l’animal en 2018. Cette déclaration fait suite à une première déclaration, dite Déclaration universelle des droits de l’animal, qui datait de 1979, et à laquelle, d’ailleurs, la LFDA avait contribué.

Cette Déclaration des droits de l’animal comporte deux points sur les animaux sauvages vivant en liberté. Le premier, bien sûr, porte sur la biodiversité, dont nous parlerons toute la matinée. La déclaration dit simplement que : « Le milieu naturel – et je souligne le mot naturel, parce que, hélas aujourd’hui, la plupart des milieux ne sont plus naturels – des animaux à l’état de liberté doit être préservé afin que les animaux puissent y vivre et y évoluer conformément à leurs besoins et que la survie des espèces ne soit pas compromise. » Au fond, cela résume assez bien la matinée de notre colloque. Deuxièmement, nous parlerons cet après-midi de l’article 4, qui dit : « Tout acte de cruauté est prohibé. » C’est un sujet, vous le savez, qui n’est pas complètement traité par notre législation, nous en parlerons.

Ce colloque fait suite à une série de colloques. Dans le dossier que vous avez pu trouver en arrivant, vous avez la liste complète des colloques organisés par la LFDA. Vous avez aussi les actes des deux derniers colloques organisés par la fondation. Celui de 2019 sur : « Les droits de l’animal, et la personnalité juridique de l’animal », et celui de 2020 sur : « Le bien-être animal et l’avenir de l’élevage ». Je vous invite à prendre ces brochures, elles sont gratuites[2].

Je voudrais souligner que chacun de ces deux colloques a eu de l’importance.  Dans le premier, Robert Badinter a appelé dans sa conclusion à créer un défenseur des droits de l’animal. Certes, cette proposition n’a pas encore été mise en œuvre, mais elle chemine. Je suis frappé de voir que cette idée que les animaux ont besoin, au niveau politique, d’une personnalité chargée exclusivement de leur protection progresse – nous savons que les ministres qui ont des larges attributions, de ce fait, ne peuvent pas consacrer toute leur énergie et leur volonté à cette cause animale.

Dans le colloque de 2020, il y avait notamment le ministre Julien Denormandie et la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert. Nous avons regardé comment améliorer le sort des animaux d’élevage. Le problème des animaux d’élevage, ce n’est pas seulement leur mort, que l’on voit sur des vidéos terrifiantes, c’est leurs conditions de vie, c’est leur vie entière. Le problème est que les éleveurs, qui, pour l’immense majorité d’entre eux, sont sensibles au bien-être animal, sont soumis à des contraintes économiques, à une concurrence venue de pays étrangers, même de l’Union européenne, aux salaires très bas, et qui respecte inégalement la réglementation. Ils sont également soumis à une concurrence d’au-delà des mers, de pays qui ne respectent aucune réglementation, et qui font que le bien-être animal, qui a un coût, souvent hors de la portée des éleveurs car non rémunéré, est difficilement atteignable. La solution que la LFDA a essayé de mettre en œuvre, et qui a été engagée avec succès, est un étiquetage.

Quelle est la vertu de l’étiquetage ? C’est d’abord de permettre aux consommateurs, de n’acquérir que des produits qui ont été élevés dans le respect du bien-être animal, à des degrés divers. L’étiquetage va de A, supérieur, à E, minimal. Deuxièmement, il permet aux éleveurs d’obtenir de la part des distributeurs une rémunération de l’effort qu’ils font pour faire progresser le droit animal. C’est donc quelque chose qui permet de concilier l’intérêt des éleveurs et le bien-être animal. La bonne nouvelle, c’est que ce projet d’étiquetage, qui existe différemment dans différents pays, a été repris comme projet par l’Union européenne qui considère que l’étiquetage, dont la LFDA est à l’initiative, est le plus complet et le plus pertinent.

Mais notre colloque d’aujourd’hui est consacré à la biodiversité et à la protection des animaux sauvages en tant qu’individus. À vrai dire, on sait que la loi, aujourd’hui, protège les animaux tenus sous la garde de l’homme des actes de cruauté et des sévices graves. Ainsi, on n’a pas le droit, par exemple, d’être cruel vis-à-vis d’un lapin de compagnie. En revanche, si c’est un lapin de garenne, là, tout est permis et personne ne peut arrêter et punir celui qui exerce, vis-à-vis de cet animal sauvage, un acte de cruauté gratuit. Notre ambition est de faire disparaître cette anomalie de nos lois qui autorise la cruauté gratuite vis-à-vis des animaux sauvages.

Comme on est dans un monde politique, nous avons demandé à l’Ifop de faire un sondage sur l’opinion des Français sur ce sujet. Il y a des résultats détaillés, mais le résultat global du sondage, c’est que 85 % des personnes sondées – 1500 personnes majeures, donc c’est un sondage plutôt large – disent qu’il faut interdire les actes de cruauté vis-à-vis des animaux sauvages à l’état de liberté. Vous le savez, dans les sondages, il faut distinguer les « tout à fait favorables », les « plutôt favorables », les « plutôt pas favorables », et les « pas favorables du tout ». Ce qui est notable dans notre sondage, c’est que nous voyons 85 % « de favorables », dont 49 % de « tout à fait favorables », contre 3 % de « pas favorables du tout ». Autrement dit, il y a seize fois plus de gens « tout à fait favorables », que de gens « pas du tout favorables ». Et, point supérieur, les jeunes, les moins de 35 ans, sont 87 % à vouloir cette modification législative, dont 57 %, c’est-à-dire 8 % de plus que la population générale, à être « tout à fait favorables » à cette réforme. Une très nette majorité absolue. Les gens de plus de 65 ans sont aussi majoritairement favorables à cette réforme, mais ils ne sont que 81 %.

Cela veut dire que nous sommes au milieu d’un mouvement, qui est un mouvement politiquement important. Il se traduit par cette opinion, mais aussi par le fait qu’il fut un temps où les gens qui étaient favorables aux animaux exprimaient leurs opinions, mais ne le prenaient pas en compte dans leurs votes. D’autres sondages montrent, au contraire, que maintenant, ça devient un facteur dans le vote des gens, c’est-à-dire que les défenseurs des animaux votent en fonction de leurs convictions aussi. Je pense que c’est un point de bascule de l’équilibre entre les amis des animaux, et les autres.

J’ajoute un dernier point sur ce sondage. Certes, dans les communes rurales, la majorité est un peu plus faible. C’est 81 % des habitants des communes rurales, qui sont favorables à l’interdiction des actes de cruauté envers les animaux sauvages, dont 46 % tout à fait favorables.

On est donc face à un mouvement de fond, dont ce colloque souhaite faire en sorte qu’il se traduise par des actes. Parce qu’on le sait tous, quelquefois les opinions se heurtent à des actes. Pour ça, il est essentiel que les associations de défense des animaux convergent, agissent ensemble, et ce colloque est une occasion de montrer que c’est une pratique à laquelle nous croyons.

Quelques mots sur notre colloque : la matinée sera consacrée à la biodiversité ; l’après-midi sera consacrée à la protection des animaux en tant qu’individu ; nous aurons au début de l’après-midi une intervention vidéo de Nicolas Hulot, que je suis allé interviewer à Saint Malo parce qu’il ne pouvait pas venir à Paris aujourd’hui. Nous aurons des tables rondes. Je voulais vous indiquer que Barbara Pompili, qui devait intervenir en direct, en est empêchée, pour deux motifs que je qualifierais presque de force majeure car, ce soir, on a le vote formel, à l’Assemblée, de la loi sur les animaux, dont Loïc Dombreval et un certain nombre de parlementaires ont pris l’initiative. Bien sûr, le ministre de l’Environnement doit y assister. Et, deuxième motif, le président de la République lui a demandé de l’accompagner dans un voyage en province qu’il fait aujourd’hui, ce qui fait qu’il n’a pas été possible d’avancer cette réunion. J’espère simplement que Barbara Pompili, qui interviendra en vidéo en début d’après-midi, pourra profiter de ce voyage avec le président de la République pour renforcer les convictions du président en faveur des animaux. Ce qui n’est peut-être pas totalement inutile.

Nous aurons aussi en fin d’après-midi, sur l’ensemble des sujets de la journée, un temps de dialogue avec Hugo Clément, qui est à la fois un militant et un journaliste, et l’un des initiateurs du projet de référendum sur une proposition de loi de protection des animaux. Référendum qui, il faut le noter, n’a pas eu lieu parce qu’il n’y a pas eu assez de parlementaires qui ont eu le courage de soumettre cette proposition au vote du public. J’espère que la prochaine législature considèrera, et que les parlementaires considéreront, que la protection animale est un sujet qui doit mobiliser autant les politiques que l’opinion. À vrai dire, et ce sera mon dernier mot, je suis convaincu que la cause animale triomphera, parce que c’est une cause juste. Merci et bon colloque.


[1]Président de la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). Retour

[2] Commande possible gratuitement à la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences ou sur notre site www.fondation-droit-animal.org (frais de port à régler). Retour

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