Les vétérinaires britanniques demandent des meilleures conditions d’abattage pour les animaux aquatiques

Le 24 août dernier, l’Association des vétérinaires britanniques a publié une version actualisée de sa position sur les conditions d’abattage des animaux. Cette publication intervient dans le cadre de la prochaine révision de la réglementation anglaise sur l’abattage des animaux par le département de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales.

Des recommandations sur l’étourdissement

Le document contient 67 recommandations détaillées [PDF]. Pour la première fois, la position officielle des représentants de la profession vétérinaire au Royaume-Uni prend en compte la question des conditions d’abattage des animaux aquatiques : poissons, crustacés et céphalopodes, issus de l’aquaculture comme de la pêche. Huit recommandations (21, 22, 49, 50, 51, 52, 53, 54) sont consacrées à ce sujet.

Les vétérinaires appellent le gouvernement à légiférer pour protéger les poissons d’élevage au moment de leur mise à mort, notamment via un étourdissement obligatoire, en détaillant les paramètres techniques optimaux. Ils demandent le développement de la recherche sur l’anesthésie lors des pratiques de pré-abattage dont le transport, pour ces poissons.

Notons aussi une prise de position en faveur du développement de la recherche sur les technologies d’étourdissement des poissons applicables dans le cadre de la pêche commerciale. Dès que ces technologies seront suffisamment développées, les vétérinaires recommandent d’inclure l’étourdissement obligatoire des poissons lors de la pêche commerciale dans la réglementation sur la protection des animaux lors de la mise à mort.

Enfin, les vétérinaires demandent que davantage de recherches soient menées pour identifier les paramètres électriques optimaux pour l’étourdissement des crustacés décapodes (crabes, homards et crevettes), en fonction de la taille et de l’espèce. Des méthodes efficaces d’étourdissement des céphalopodes (poulpes, seiches) doivent également être recherchées selon eux. Dès que les connaissances seront suffisantes, l’association demande au gouvernement d’inclure les crustacés décapodes et les céphalopodes dans la réglementation sur la protection des animaux lors de leur mise à mort, en rendant leur étourdissement obligatoire.

Réduire les souffrances des animaux aquatiques

Ces prises de position marquent une avancée importante pour la réduction des souffrances des très nombreux animaux aquatiques exploités par l’homme, et aura probablement des répercussions au-delà des frontières britanniques. Rappelons qu’actuellement, le règlement européen sur la protection des animaux lors de la mise à mort exclut les poissons de la quasi-totalité de ses dispositions. La seule disposition qui s’applique aux poissons d’élevage est la suivante : « Toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes. ». Cette disposition est beaucoup trop vague et inefficace pour assurer une protection effective. Un rapport de la Commission européenne atteste même que nombreux sont les pays de l’Union, dont la France, à ne pas être en conformité avec les normes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) quant aux conditions d’abattage des poissons. En droit français comme européen, les lieux de mise à mort des poissons d’élevage ne sont même pas considérés comme des abattoirs. Cela a pour conséquence d’exclure les poissons d’élevage de toutes les dispositions de protection animale qui entourent le fonctionnement des abattoirs.

Une méthode en particulier est représentative de l’incohérence du droit : l’étourdissement des poissons par immersion dans un bain d’eau saturée en CO2. Cette méthode, épinglée par l’enquête de L214 à Aqualande – leader français de la pisciculture – en 2018, est non instantanée et génératrice de plusieurs minutes de souffrances. De plus, il est courant que les poissons « étourdis » avec cette méthode soient abattus après avoir atteint un stade léthargique où ils sont immobilisés, mais avant qu’ils aient perdu conscience. Cette pratique est interdite pour la mise à mort des poissons utilisés à des fins scientifiques, pour la mise à mort des poissons ayant le statut d’animal de compagnie, pour l’abattage d’urgence sur élevage (sauf pour le dépeuplement c’est-à-dire les abattages de masse pour prévenir la propagation d’une maladie contagieuse), pour l’abattage de routine en pisciculture conventionnelle en Norvège, et elle est pourtant autorisée en France et dans l’Union européenne, y compris en agriculture biologique.

Les crustacés décapodes et les céphalopodes, quant à eux, ne sont même pas protégés par la disposition très vague citée plus haut qui s’applique aux poissons d’élevage. Au motif qu’il s’agit d’invertébrés, ils ne sont même pas considérés comme des « animaux » selon la définition retenue par ce règlement. Les poissons abattus dans le cadre de la pêche sont eux aussi totalement exclus du règlement européen sur les conditions d’abattage. Ils périssent généralement de manière lente et douloureuse, par asphyxie, par immersion en coulis de glace (ce qui provoque plusieurs minutes de souffrances), ou saignés sans étourdissement [Mood, 2010].

Les crustacés subissent souvent une mise à mort cruelle par ébouillantage vivant, sans étourdissement préalable. Cette pratique peut générer plusieurs minutes de souffrances intenses (Crustacean compassion report, 2018). Elle est déjà interdite en Autriche, en Suisse, et dans la province Reggio Emilia en Italie. D’autre part, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Norvège et certains länder allemands ont inclus les crustacés décapodes dans une partie de leurs grands textes juridiques de protection animale. L’Association des vétérinaires Britanniques avait déjà manifesté son soutien en 2018 aux initiatives de protection des crustacés en co-signant une lettre ouverte portée par l’ONG Crustacean Compassion, au côté d’une cinquantaine de personnalités dont nombre de scientifiques, appelant à l’inclusion des crustacés décapodes dans les principaux textes juridiques de protection animale au Royaume-Uni.

Espérons que les recommandations des vétérinaires britanniques soient entendues et appliquées, non seulement au Royaume-Uni, mais dans le monde entier.

Gautier Riberolles

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