Colloque: Droits et personnalité juridique de l’animal

The Trial of Bill Burns (P. Mathews, 1838)

La LFDA propose, à travers ce colloque, d’explorer les possibilités de transformation du droit pour permettre une meilleure prise en compte des intérêts des animaux, dans le but d’améliorer leur condition.

Le colloque s’est déroulé le mardi 22 octobre 2019 à l’Institut de France.

La captation globale du colloque est visible ci-dessous (une coupure de courant au début a amputé l’enregistrement de l’introduction de Louis Schweitzer) :

 

Retrouvez les actes du colloques disponibles aux formats papier et numérique (PDF).

Programme

10:00    Introduction

Louis Schweitzer
Président de la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA), il a été haut fonctionnaire, homme d’affaires et a présidé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Il a lu en introduction un texte de Hugues Renson qui n’a pas pu se rendre au colloque en raison d’une séance à l’Assemblée sur le projet de loi de finances pour 2020.

Hugues Renson
Député de la 13e circonscription de Paris et vice-président de l’Assemblée nationale. Il est titulaire d’un master en droit public et diplômé de Sciences Po. Il a été délégué général de la fondation EDF après avoir travaillé comme conseiller auprès du président Jacques Chirac pendant dix ans.

10:15    La Déclaration des droits de l’animal

Table ronde modérée par Louis Schweitzer, président de la LFDA, avec :

Jean-Paul Costa
Juriste, il a fait carrière au Conseil d’État de sa sortie de l’ENA, en 1966, à 1998. De 1998 à 2011, il a été juge puis Président de la Cour européenne des droits de l’homme. Il a été aussi Directeur du cabinet du ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary (1981-84) et président de la CADA (1994-98). Il a été professeur associé de droit public (1989-1998). Il a écrit plusieurs livres et de nombreux articles, notamment sur les libertés publiques et les droits de l’homme. Il préside la Fondation René Cassin.

Olivier Duhamel
Professeur émérite de droit constitutionnel et de science politique, il est président de Sciences Po. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, seul ou à plusieurs, et directeur de la revue Pouvoirs au Seuil, de la collection “À savoir” chez Dalloz, de la collection “Ça fait débat” aux éditions First. Il est chroniqueur sur Europe1 et sur LCI.

11:00    La personnalité juridique de l’animal

Table ronde modérée par Louis Schweitzer avec :

Florence Burgat
Philosophe, directeur de recherche à l’INRA, affectée aux Archives Husserl. Ses derniers ouvrages parus sont : L’humanité carnivore (éd. du Seuil, 2017), Le mythe de la vache sacrée. La condition animale en Inde (éd. Rivages, 2017), Être le bien d’un autre (éd. Rivages, 2018) et Si le grain ne meurt. Philosophie de la vie végétale, à paraître au premier trimestre 2020 (éd. du Seuil).

Jean-Pierre Marguénaud
Agrégé de droit privé et sciences criminelles, spécialiste de droit européen des droits de l’homme. Il est chercheur à l’Institut de droit européen des droits de l’homme de l’université de Limoges. Sa thèse de doctorat a porté sur L’animal en droit privé (1987). Il dirige la Revue semestrielle de droit animalier et a codirigé la publication du premier Code de l’animal en 2018 chez LexisNexis.

Laurent Neyret
Professeur à l’université de Versailles et spécialiste du droit de l’environnement. Ses travaux ont porté en particulier sur la reconnaissance du préjudice écologique. Il propose depuis une vingtaine d’années la création d’un crime d’écocide pour les atteintes graves à l’environnement.

12:15    Conclusion

Robert Badinter
Avocat, président honoraire du Conseil constitutionnel, professeur émérite de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Garde des Sceaux de 1981 à 1986, il fit voter l’abolition de la peine de mort en France et la suppression du délit d’homosexualité, et prit de nombreuses mesures en faveur des libertés individuelles, des droits des victimes et de l’amélioration de la condition des détenus. Il est l’auteur de nombreux essais sur le droit et la justice.

Table Ronde: La Déclaration des droits de l’animal

Une déclaration est un texte solennel qui proclame des principes fondamentaux. Elle a une portée symbolique, essentiellement politique. En procédant ainsi, le souhait des auteurs d’une déclaration est que celle-ci se transforme, dans un second temps, en lois, conventions ou traités, documents juridiques qui ont un caractère obligatoire. Parmi les exemples célèbres de déclaration devenues normatives, on retrouve la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) des Nations Unies adoptée en 1948. Ses principes sont intégrés dans deux pactes adoptés par l’ONU (le premier relatif aux droits civils et politiques et le second relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), ainsi que dans plusieurs conventions internationales. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe (ou Convention européenne des droits de l’homme), ratifiée par 47 États signataires, dont la France, s’y réfère également.

En 1978, la LFDA a proclamé la Déclaration universelle des droits de l’animal à la maison de l’Unesco à Paris. Elle a décidé de la mettre à jour en 2018, afin que ses articles soient plus aisément transposables dans le droit français. Le souhait de la Fondation est que les législateurs s’emparent de cette déclaration telle une directive.

Déclaration des droits de l’animal

Article 1
Le milieu naturel des animaux à l’état de liberté doit être préservé afin que les animaux puissent y vivre et évoluer conformément à leurs besoins et que la survie des espèces ne soit pas compromise.
Article 2
Tout animal appartenant à une espèce dont la sensibilité est reconnue par la science a le droit au respect de cette sensibilité.
Article 3
Le bien-être tant physiologique que comportemental des animaux sensibles que l’homme tient sous sa dépendance doit être assuré par ceux qui en ont la garde.
Article 4
Tout acte de cruauté est prohibé.
Tout acte infligeant à un animal sans nécessité douleur, souffrance ou angoisse est prohibé.
Article 5
Tout acte impliquant sans justification la mise à mort d’un animal est prohibé. Si la mise à mort d’un animal est justifiée, elle doit être instantanée, indolore et non génératrice d’angoisse.
Article 6
Aucune manipulation ou sélection génétique ne doit avoir pour effet de compromettre le bien-être ou la capacité au bien-être d’un animal sensible.
Article 7
Les gouvernements veillent à ce que l’enseignement forme au respect de la présente déclaration.
Article 8
La présente déclaration est mise en œuvre par les traités internationaux et les lois et règlements de chaque État et communauté d’États.

“ La Déclaration des droits de l’animal a été rédigée en des termes de droit positifs juridiquement valides et effectivement applicables afin d’être adoptée telle quelle par les législateurs. Elle constitue une liste de principes en cohérence parfaite avec l’opinion très majoritaire des citoyens de notre pays. Il reste à convaincre les élus de la nation de suivre l’avis majoritaire en ce qui concerne les animaux.”
Louis Schweitzer, président de la LFDA

Table ronde: La personnalité juridique de l’animal

La première distinction fondamentale opérée en droit privé est la summa divisio (littéralement “division la plus élevée”), héritée du droit romain. Elle distingue les “personnes” des “choses”.
Les personnes distinguent deux catégories : les personnes physiques (les individus) et les personnes morales (entreprises, associations…).
Les choses distinguent les choses non appropriables (par exemple, l’eau) et les choses appropriables, qui sont des “biens”.

Les régimes juridiques des “personnes” et des “choses” diffèrent grandement :
• les premières sont des “sujets de droit”, disposant de droits et de devoirs,
• alors que les secondes ne sont que des “objets de droit”.
La personnalité juridique consiste donc à être “sujet de droit”, ce qui signifie “celui auquel la loi destine l’utilité du droit”. Le droit est donc élaboré dans son intérêt. Autrement dit, la personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire actif et passif de droit.

Actuellement, les animaux sont soumis au régime des biens. La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 a introduit dans le code civil la sensibilité de l’animal à l’article 515-14 :
“Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.”
Cet article consiste en une avancée sans précédent pour les droits des animaux, car il inscrit la sensibilité de l’animal dans le code civil, qui porte sur l’ensemble de la société.

L’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime mentionne déjà la sensibilité des animaux
depuis 1976 mais il s’adresse uniquement à certaines professions. Néanmoins, si l’animal n’est
plus considéré comme un bien mais comme un être sensible, il est toujours assimilé à un bien et
n’est donc pas considéré pour son propre intérêt.

Les animaux sauvages en liberté sont quant à eux considérés comme des res nullius dans la loi française, soit des choses sans propriétaires. À ce titre, ils ne sont pas protégés contre les actes de cruauté.

Ailleurs dans le monde

• En 2015, une juge brésilienne a déclaré l’orang-outan Sandra, détenue au zoo de Buenos Aires, « personne non-humaine ». La guenon vient d’être transférée dans un sanctuaire en Floride.
• En 2016, en Argentine, Cécilia, une femelle chimpanzé du zoo de Mendoza, a été reconnue par la justice comme étant une « personne juridique non-humaine », lui donnant droit à l’habeas corpus et obligeant le zoo à la placer dans un sanctuaire au Brésil dans un délai de 6 mois.
• En Colombie, la Cour Suprême a reconnu la personnalité juridique à un ours à lunettes dans sa
décision du 26 juin 2017.
• Dans une circulaire de 2013, le gouvernement indien a considéré que les dauphins devraient être reconnus comme des « personnes non-humaines » et avoir des droits spécifiques.
• Dans le code civil portugais, la sensibilité des animaux et les dispositions qui les concernent sont inscrites dans le sous-titre I sur les personnes depuis 2017.

Faire de l’animal un sujet de droit

Considérer l’animal sensible comme sujet de droit, pouvant aller jusqu’à lui conférer une personnalité juridique, pourrait permettre de mieux le protéger, car ses intérêts propres seraient pris en compte, et les organisations de protection des animaux auraient la possibilité des défendre les intérêts des animaux en justice.

Exemples de propositions

• Créer une troisième catégorie entre les personnes et les choses : l’animal. Tous les animaux sensibles seraient inscrits dans cette catégorie.
• Créer une personnalité physique « animale » ou « non-humaine » en plus de celles qui existent déjà pour les personnes physiques et les personnes morales. Les animaux de compagnie pourraient bénéficier de cette personnalité juridique car ils possèdent déjà des droits extrapatrimoniaux comme le droit de vivre par exemple.
• Conférer une personnalité juridique aux animaux que l’on n’exploite pas ou peu et qui sont considérés proches des humains et/ou extrêmement intelligents : les grands singes, les éléphants, les dauphins, les chiens et les chats. Ils constitueraient une porte d’entrée à la personnification de tous les animaux.

Aux États-Unis, pays régi par le common law, Steven Wise, professeur de droit animal à Harvard, se bat pour que l’habeas corpus (le droit de ne pas être emprisonné sans jugement) soit reconnu à des individus d’espèces qui possèdent des capacités cognitives, émotionnelles et la conscience de soi comme les humains (grands singes, éléphants, etc.). C’est le moyen qui permettra, selon lui de franchir le « mur » qui sépare les personnes des biens. Pour l’instant, la Cour Suprême américaine a refusé d’accorder la personnalité juridique à des animaux, affirmant qu’en l’état actuel du droit, il paraît difficile d’attribuer la personnalité juridique sans attribuer des obligations. Cependant, le juge ne s’est pas montré fermé à la question et a encouragé la poursuite de travaux sur la question.

RECONNAÎTRE DES DROITS AUX ANIMAUX: LE COMBAT DE LA LFDA

Depuis 1977, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) œuvre pour améliorer les conditions de vie de tous les animaux, empêcher leur utilisation abusive par l‘homme, sauvegarder les espèces sauvages, faire respecter les réglementations et transposer les avancées scientifiques en termes juridiques (lois et réglementations). Constituée de scientifiques, vétérinaires, juristes, linguistes, sociologues, médecins et philosophes, la LFDA est forte de compétences pluridisciplinaires qu’elle met au service de la cause animale. Reconnue d’utilité publique, elle est totalement indépendante de toute obédience politique, religieuse ou autre.

Travaux de la LFDA sur le statut et le régime juridique de l’animal

1981 La LFDA lance l’idée d’une modification de la Constitution, faisant du président de la République “le garant de l’intégrité biologique du territoire national”. Elle réitère cette proposition à chaque élection présidentielle.
1993-1999 Rédaction de propositions de loi visant à distinguer l’animal de la chose. Par la loi du 6 janvier 1999, la LFDA obtient enfin la distinction au sein des biens entre les animaux et les objets.
2003 La LFDA plaide auprès du Premier ministre la nécessité de doter l’animal d’un statut juridique cohérent.
2004 La loi du 9 mars 2004 complète l’article 521-1 du code pénal et condamne enfin les sévices de nature sexuelle sur les animaux, résultat de nombreuses démarches de la LFDA.
2004-2005 Le garde des Sceaux, saisi par le Premier ministre, confie à Suzanne Antoine, magistrate et administratrice de la LFDA, la mission d’étudier un “régime juridique cohérent”. En 2005, elle remet officiellement son rapport au ministre de la Justice. Elle propose notamment de sortir l’animal de la catégorie des biens, « conformément à sa véritable nature d’être sensible, qui doit prévaloir sur son aspect de valeur marchande« . Cette action est l’aboutissement du long travail de la LFDA, entamé dès 1984.
2011 Le sénateur R. Povinelli se joint à la LFDA pour préparer les textes visant à définir l’animal sensible dans le code civil, à faire reconnaître cette sensibilité pour les animaux domestiques et les animaux sauvages captifs, ainsi que dans le code de l’environnement pour l’animal sauvage vivant à l’état de liberté.
2015 Reconnaissance de la nature sensible de l’animal dans le code civil, à la suite d’une mobilisation de la société civile, des citoyens et des médias. Le texte législatif se fonde sur les propositions de Suzanne Antoine.

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Dernière mise à jour: 22/10/2019

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