Réouverture du Parc zoologique de Paris : premiers bilans

Le Parc zoologique de Paris, l’un des trois zoos du Muséum national d’Histoire naturelle, a rouvert ses portes voilà plus de deux ans. Métamorphosé, le site a été intégralement remis à neuf et redessiné suivant cinq « biozones » qui présentent, « dans des conditions optimales de bien-être » affirme-t-on, plus de mille animaux de 180 espèces différentes.

Lion zoo / David Thénin

© David Thénin

Ce nouveau zoo du XXIe siècle, décrit comme « le premier zoo complètement reconstruit au monde » doit maintenant relever d’importants défis pour perdurer : attirer par n’importe quels moyens les visiteurs pour rembourser ses emprunts et pérenniser l’entreprise ; assurer aux animaux des conditions de détention visant à satisfaire leurs besoins biologiques en mettant en œuvre des conditions d’élevage de haut niveau (article 3 de la directive 1999/22/CE), attirer les visiteurs pour multiplier le nombre d’entrées payantes, et les sensibiliser à la conservation des espèces menacées.

Deux ans après sa réouverture au public, l’heure est aux premiers bilans.

Un zoo qui risque de coûter cher au Muséum

Face au grand rocher de Vincennes, un gouffre financier commence à se creuser. Cinq années de fermeture et 27 mois de travaux auront été nécessaires à la rénovation du vieux zoo de Vincennes, pour un montant estimé à 167 millions d’euros. Le Muséum ne pouvant financer seul ce projet titanesque, un PPP (partenariat public-privé), le premier de ce genre pour un parc zoologique, a été conclu avec le groupement Chrysalis (constitué entre autres de Bouygues construction, la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit foncier, l’Icade…) : il couvre la conception architecturale et paysagère, le préfinancement, la réalisation de l’ouvrage ainsi que son entretien et sa maintenance pour une durée de 25 ans.

Ainsi, pendant encore 23 ans, le zoo va devoir générer tous les ans 15,2 millions d’euros pour être en autosuffisance. 8,8 millions d’euros sont destinés aux remboursements de ses frais de fonctionnement. Le reste, soit 6,4 millions d’euros, sert à rembourser les investisseurs privés. Le défi à relever est de taille, surtout que le public n’est pas au rendez-vous. Le Parc zoologique de Paris, dont plus de 90 % des recettes proviennent des entrées, espérait 2 millions de visiteurs la première année : 1,54 million de visiteurs seulement sont venus. Lors de sa deuxième année d’exploitation 910 938 tickets ont été vendus, contre 1,5 million attendu. Ainsi, en 2015, le zoo a rapporté 11,2 millions d’euros au Muséum (ce qui représente 10 % des ressources propres du Muséum), mais il a coûté pour son fonctionnement 14,1 millions d’euros (soit 12 % des dépenses du Muséum) (Rapport d’activité du Muséum, 2015). Un an après la réouverture du zoo, le déficit est déjà de 3 millions d’euros, auxquels doivent s’ajouter les frais de personnel des 170 salariés du zoo. Début 2015, pour éviter de creuser le déficit annoncé avant même la signature du partenariat (Revue Droit Animal, Éthique & Sciences n° 81), le zoo a proposé un plan d’économie de l’ordre de 10 % de ses dépenses : 400 000 € dont 320 000 pour ses frais de fonctionnement (Challenges, 07/2015). Cette année 2016, on apprend que l’enveloppe budgétaire accordée au zoo a été complètement utilisée dès le mois d’avril.

Malgré les efforts de rénovation, le public attendu semble déjà bouder le nouvel établissement, ce qui risque de coûter cher à terme au Muséum, et très probablement aux contribuables. En effet, si le zoo ne parvient pas à générer les 15,2 millions d’euros annuels nécessaires à son autofinancement, ce sera au Muséum, qui en assure la gestion, de payer la différence. Si le Muséum ne peut payer, ce sera alors l’État et donc les impôts des contribuables qui serviront à financer la « survie » de l’établissement.

Une entreprise à rentabiliser à tout prix

Pour attirer les visiteurs, le zoo s’est lancé dans le marketing et la communication, à l’image de sa nouvelle directrice, qui n’est ni biologiste, ni même vétérinaire comme bon nombre de ses prédécesseurs, mais diplômée d’une école de commerce et spécialisée en marketing international. Ainsi dès la réouverture du parc, le 12 avril 2014, d’importants efforts de communication ont été déployés. Pour 88 000 €, le zoo s’est offert les services de Publicis pour un plan de communication à outrance placardant « Les animaux sauvages s’installent à Paris ». Tout cela était prévisible, et annoncé depuis 2012 (Revue Droit Animal, Éthique & Sciences, n° 75). Une campagne de publicité chassant l’autre, l’image des captifs du nouvel établissement a été placardée cet été sur les bus de tourisme, les espaces publicitaires et le long des berges de Paris plage. Rien n’y fait, le public boude l’établissement.

girafe parc zoologique paris
Photo: David Thèvin

Les tarifs des entrées y sont sans doute pour quelque chose. À 22 € le ticket par adulte et 14 € par enfant, la visite coûte cher, surtout en période de crise. Afin d’empêcher que cette « Arche de Noé » ne sombre, de nouvelles activités commerciales sont proposées afin de diversifier les revenus de l’établissement. En plus de la boutique, de deux restaurants et de quatre points gourmands, il est maintenant possible de venir « bruncher » le dimanche matin en compagnie des girafes (moyennant 50 € par adulte), et d’aller siroter des « Apéros-zoo » les jeudis soir d’été, une occasion nous dit-on d’assister à la rentrée des « animaux phares » du parc. Il est également possible de louer le parc pour une visite ou un cocktail dînatoire, moyennant 20 000 à 50 000 € pour trois heures ou pour la journée. Le zoo de Vincennes, rebaptisé Parc zoologique de Paris, s’est vite révélé être une entreprise commerciale où la conservation des espèces n’est qu’un prétexte, où la boutique de 486 m² est plus vaste que certains enclos, et où l’animal est utilisé, non pas comme un ambassadeur de son espèce, mais comme un argument publicitaire à l’image de Nelson le calao, choisi en juin dernier par une chaîne télévisuelle de sport pour prédire les résultats des matchs de l’Euro.

Une nature mise en boîte

Entre conditions d’élevage de haut niveau et bien-être animal

Les 180 espèces détenues et présentées au public vivent, nous assure-t-on, « dans des milieux évoquant leurs écosystèmes d’origine, respectant leur bien-être et vous permettant d’être immergé dans leurs milieux naturels ». 18 000 m3 de béton pour les rochers, 17 000 espèces de végétaux pour couvrir 40 % des 14,5 hectares ont été nécessaires pour donner aux 4 km de visite l’impression de voyager dans les différentes parties du monde mises en scène. Même si des efforts ont été faits pour mélanger les espèces et créer des semblants de savane, de marais ou encore de forêt tropicale, les conditions de détention et l’état des animaux laissent à désirer. Certains présentent déjà des troubles du comportement et des stéréotypies. Les girafes, enfermées à 16 dans un espace inférieur à 100 m², lèchent sans arrêt les mûrs de leur « loge », terme utilisé dorénavant pour désigner l’enclos intérieur des animaux, et qui semble avoir échappé dans son dimensionnement et son aménagement aux attentes minimales en matière de bien-être animal. Les otaries et les lamantins nagent inlassablement selon le même parcours dans leurs bassins, dans une eau dont il est tout à craindre qu’elle ne soit pas eau de mer. Les vautours dégringolent de leurs perchoirs, le manque d’espace dans la volière ne leur permettant pas de se muscler assez pour voler. Le lion, qui s’est pourtant reproduit l’an dernier et dont les petits ont fait le bonheur des services de communication, est aujourd’hui vieux, maigre et boiteux, ce qui provoque de nombreuses questions chez les visiteurs. Certains pensionnaires ont déjà succombé, victimes de leur condition de captivité tel le loup alpha chef de la meute (1) et un lamantin, mort noyé dans une galerie sous-marine quelques mois seulement après la réouverture.

Les enclos, prétendus naturels, sont pour certains d’entre eux constitués d’un sol de cailloux et de graviers, avec peu d’espaces ombragés, à l’image des arbres sans feuilles de l’enclos des quarante babouins.Quoi qu’il en soit, ils sont bien loin d’être assez vastes. Les bassins, celui des manchots et ceux du vivarium européen sont malpropres, rendant difficile l’observation des animaux. Dans la serre tropicale de 4 000 m², un panneau avertit les visiteurs de la mise en place d’un plan de lutte contre les « nuisibles ». Mais tout au long de la visite, on peut apercevoir des rats qui se faufilent à deux pas des tamanoirs, caméléons, toucans et autres animaux, avec les risques de transmission de maladies que cela comporte. Enfin, les nombreux vitrages qui permettent d’observer les animaux peinent à faire oublier les grillages qui délimitent les enclos.

Le zoo de Vincennes se vantait pourtant lors de son ouverture en 1934 d’être « le premier zoo en France qui présente les animaux dans des enclos sans barreaux grâce à un ingénieux système de fossés et de faux rochers ». Son successeur le Parc zoologique de Paris présente actuellement ses « ambassadeurs du milieu naturel » dans des doubles cages : l’une isolant le public du fossé, l’autre isolant l’animal du fossé…

En conclusion, parler de conditions d’élevage de haut niveau paraît difficilement acceptable : tout semble avoir été pensé non pas pour le bien-être des animaux mais pour l’agrément des visiteurs. Ces derniers sont peu nombreux, et d’après ce qu’on entend à leur sortie, sont déçus de la visite, les animaux étant souvent difficiles à localiser dans leurs enclos. L’idée de présenter les individus captifs dans un semblant de milieu naturel qui comporte des caches, se retourne ainsi contre l’établissement. Pour y remédier, un plan d’action a été mis en place cette année. L’un des objectifs est notamment de donner « une meilleure visibilité des animaux », pour tenter d’enrayer les plaintes des visiteurs, désappointés de payer si cher pour voir si peu.

Entre conservation des espèces et éducation du public

Les principales missions d’un parc zoologique, énoncées à l’article 3 de la directive 1999/22/CE, sont la conservation des espèces menacées d’une part et la sensibilisation du public à la biodiversité d’autre part. Cette directive a été conçue sous la pression du lobby des professionnels des zoos. Dès sa publication, elle a été critiquée notamment pour l’ambiguïté du terme « conservation », qui n’est en rien synonyme de « préservation », ambiguïté utilisée par les zoos, dont la communication souligne abusivement qu’ils participent à la préservation des espèces. La préservation des espèces animales ne peut être assurée que par la préservation des espaces qui constituent leur habitat naturel. Les animaux de zoos ne peuvent qu’être « conservés » en captivité, c’est-à-dire sans espoir de pouvoir être réintroduits dans la nature et de participer à ses équilibres, ni eux, ni leur descendance : les obstacles scientifiques à cette réhabilitation sont à la fois d’ordre génétique, d’ordre comportemental, et d’ordre zoo-pathologique (2).

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) définit une espèce menacée comme une espèce classée « vulnérable », « en danger », « en danger critique d’extinction » ou « disparue dans la nature » dans la Liste rouge des espèces menacées d’extinction. Au Parc zoologique de Paris « la sélection des espèces animales représentées a été faite selon leur intérêt attractif, pédagogique, scientifique et selon les critères de conservation de l’UICN » nous assure-t-on. Seulement 9,5 % des espèces présentées au Parc zoologique de Paris sont menacées, un chiffre bien en dessous de la moyenne des zoos français, qui est pourtant seulement de 17 % (3). Il participe à une quarantaine de Programmes européens d’élevage (EEP – Europäiches Erhaltungszucht Program), il en gère par ailleurs six d’entre eux. Il participe également à 19 Studbook (ESB-European Stud Book) qui coordonnent à l’échelle européenne les échanges d’animaux en fonction de leur patrimoine génétique. Grâce à ses liens avec les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, des recherches en génétique, physiologie de la reproduction, médecine vétérinaire sont menées sur l’animal captif avec pour finalité la participation aux EEP et ESB à court et moyen terme et pour une très hypothétique réintroduction à long terme de quelques rares animaux dans leur milieu naturel. Connaissant les objectifs budgétaires du Parc zoologique de Paris, il semble bien difficile d’imaginer qu’une partie du budget du zoo de Paris puisse être prévue pour la « conservation des espèces ». Aucune obligation d’investissement financier n’est imposée aux zoos : « Les moyens mis en oeuvre par les établissements […] sont proportionnés à leur taille et à leur volume d’activité » (article 57 de l’arrêté du 25 mars 2004). Afin d’y contribuer, le Parc zoologique de Paris, comme de nombreux autres zoos d’ailleurs, propose le « parrainage » d’un animal, de 15 à 1 000 € par an et par animal, déductibles des impôts. En échange de la somme versée, le « parrain » reçoit, selon la somme versée, des nouvelles de l’animal, des entrées gratuites pour venir lui rendre visite et il verra son nom inscrit sur la liste des parrains du zoo… La première année, le parrainage a rapporté 616 000 €, qui ont été utilisés, nous dit-on, dans le cadre des quatre programmes de conservation auxquels le Parc zoologique de Paris participe (Lamantin des Antilles, Loutre d’Europe, Lémures de Madagascar et Puma de Patagonne).

Programme de conservation ?

La conservation des espèces par les zoos existe en effet, mais elle consiste, non pas à faire des échanges entre zoos pour tenter de retarder un appauvrissement génétique inéluctable, mais à participer au financement d’opération de sauvegarde conduites in situ, en Afrique ou en Asie, par des équipes scientifiques. Là encore, la communication joue sur l’ambiguïté du terme.

La sensibilisation du public à la biodiversité passe par l’exposition de panneaux d’information sur les espèces à l’état sauvage et sur les individus animaux captifs (prénom, zoo de provenance, caractère, aspect physique, reproduction, dans un esprit très anthropomorphe), mais n’expliquent en rien les désordres comportementaux dus à la captivité. D’autres panneaux affichent quelques renseignements sommaires sur des recherches menées et des programmes de conservation que le visiteur ne s’attarde pas à lire. Il préfère flâner et regarder en passant l’animal captif. De nombreuses présentations, couplées au nourrissage des animaux rythment les journées du zoo. Alors qu’elles devraient permettre de sensibiliser le visiteur, les anecdotes racontées portent surtout sur les animaux captifs. Même si des efforts pédagogiques semblent avoir été faits, ils semblent très insuffisants à ce jour pour véritablement positionner le Parc zoologique de Paris comme un établissement scientifique dédié à la protection des espèces et de leurs espaces.

Florian Sigronde Boubel & Jean-Claude Nouët

Cet article a été écrit à la suite d’une visite du zoo, dimanche 25 septembre 2016, au cours de laquelle de nombreuses photos ont été prises par David Thèvin. Ces photos sont disponibles sur le site de la LFDA, rubrique actualités.

(1) Bienvenue au zoo, Au coeur du zoo de Paris, Guy Beauché, reportages diffusés sur France 2, (24 septembre/2016)
(2) Jean-Claude Nouët, « Les zoos » dans Si les lions pouvaient parler, Essai sur la condition animale, sous
la direction de Boris Cyrulnik, Quarto Gallimard, 1998. pp.541-562. Jean-Claude Nouët, Jean-Jacques Barloy, « Zoos : la dérive des gènes », Sciences & Vie, n° 783, (12/1982), p. 64-66.
(3) Enquête de 2011 sur les zoos de l’Union européenne, une évaluation de la mise en application et du respect de la directive CE 1999/22 relative à la détention d’animaux sauvages dans un environnement zoologique – Fondation Born Free pour la Coalition européenne ENSCAP en association avec Code animal.

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