La ferme Kipster : un système d’élevage de volaille innovant

En février dernier, à l’occasion d’une visite organisée par Eurogroup for Animals, dont la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) est membre, nous sommes allés à Castenray, aux PaysBas, pour découvrir la ferme Kipster. Cette ferme élève des poules pondeuses depuis septembre 2017 et les œufs sont certifiés par le label bien-être animal hollandais « Beter Leven » (3 étoiles sur 3) car l’élevage des poules répond aux normes requises  : plus d’enrichissement du milieu (rondins pour se percher…), pas de débecquage (réalisé de façon routinière dans beaucoup d’élevages pour éviter que les oiseaux ne se piquent entre eux) et une moindre densité.

ferme Kipster poule

La visite a commencé par une phase d’observation des poules et de leur environnement, suivie d’un repas convivial organisé par la ferme, puis Ruud Zanders, cofondateur et spécialiste de la volaille, nous a présenté la mise en œuvre de son projet et a répondu à nos questions. La visite s’est terminée par un aperçu des installations extérieures.

Un environnement moderne

La particularité de cette ferme de volaille tient d’abord à la volonté des gérants d’offrir un environnement respectueux du bien-être des poules tout en étant considéré comme un élevage de poules au sol. Les 24 000 poules pondeuses de Kipster vivent dans un grand bâtiment de 3 600 m². Les deux côtés de la longueur sont pourvus de couvoirs sur lesquels les poules déposent les œufs qui sont récoltés automatiquement. Tout le reste de la surface est appelé jardin intérieur. Il baigne dans la lumière du jour grâce au toit vitré et ne nécessite pas de lumière artificielle. Le sol est recouvert d’une litière en copeaux de bois et brindilles permettant aux oiseaux de gratter et de prendre des bains de poussière. De nombreux éléments d’enrichissements jonchent le sol çà et là, tels de petits arbres plantés dans des gros pots, des troncs d’arbres, etc., sur lesquels les oiseaux peuvent se percher. À noter toutefois : la concentration de poussière dans le bâtiment était importante, due à un dysfonctionnement du système de ventilation, non résolu lors de la visite.

Ferme Kipster pouleLes poules ont également accès à 1 800 m² de jardins extérieurs de part et d’autre du bâtiment. Le sol est constitué de cailloux et de sables, et les jardins sont enrichis de la même manière qu’à l’intérieur (troncs, arbustes…). Les oiseaux ont accès à ces jardins de 10  heures du matin à 7 heures et demie du soir. Cependant, une restriction pour cause de grippe aviaire est en cours actuellement. Ces crises régulières sont une des raisons pour lesquelles les gérants ont souhaité avoir un jardin intérieur agréable et attrayant pour les poules.

Malgré le soin apporté aux aménagements extérieurs, on peut regretter l’absence d’herbe et une surface relativement limitée compte tenu du nombre important d’oiseaux, ce qui limite l’ingestion d’un aliment naturel riche et l’expression de comportements tels que la recherche et consommation de vers. Un espace ombragé manque également en vue des futures chaleurs estivales.

Une réponse aux attentes de la société

Le projet de la ferme Kipster est né à la suite de la faillite de l’entreprise de Ruud Zanders, qui élevait alors 8 millions de poules pondeuses dans plusieurs pays dans l’optique industrielle de produire « à grande échelle et à bas coûts ». À la suite de cet événement, Ruud Zanders a décidé de s’associer à un jeune éleveur, un spécialiste environnemental et un communiquant pour créer ce projet qu’ils veulent respectueux des animaux, de l’environnement et des humains.

Sur le plan éthique

Ils ont décidé de ne pas se débarrasser des poussins mâles (comme c’est majoritairement le cas dans l’élevage de poules pondeuses) mais de les élever pour leur viande. Ruud Zanders ne voit pas l’intérêt d’avoir créé et d’élever une race de poulet de chair à la croissance ultrarapide au détriment du bien-être des oiseaux alors que les coqs, s’ils ne sont pas « détruits » à la naissance, peuvent fournir une bonne viande (bien que deux coqs soient nécessaires pour avoir l’équivalent de la quantité de viande d’un poulet de chair). De plus, les gérants souhaitent que la nourriture donnée aux poules ne soit pas en compétition avec la nourriture qui pourrait être mangée par les humains. En plus des graines de tournesol qui devraient être à terme remplacées par d’autres aliments riches en protéines mais non consommables par l’homme, les poules pondeuses sont nourries avec des restes de boulangerie (céréales, pain…).

Sur le plan environnemental

La ferme utilise seulement de l’électricité, qu’elle produit grâce à ses 1 097 panneaux solaires. Pour contrer le problème des émissions de particules fines, Kipster a mis en place une machine capable de les piéger avant de relâcher l’air à l’extérieur. Grâce à ces investissements, la ferme a obtenu le label néerlandais « Planet Proof », qui récompense l’agriculture durable.

Un projet toujours en développement

Cependant, la ferme Kipster, même si elle exerce déjà une activité économique, en est encore au stade de l’expérimentation. Dans l’avenir, Ruud Zanders et ses collègues espèrent encore améliorer la vie de leurs poules pondeuses en ayant un caisson d’abattage à la ferme et en faisant naître les poussins sur place, pour leur éviter tout transport. Il souhaite également pouvoir ouvrir une autre ferme similaire pour élever les mâles pour leur chair, en suivant la même philosophie que pour les femelles (pour l’instant, ceux-ci sont élevés en élevage traditionnel). De plus, les excréments des oiseaux devraient à terme être utilisés par Lidl Pays-Bas, le distributeur actuel de leurs œufs, en tant qu’engrais.

Leurs jardins extérieurs sont également en phase expérimentale. Nous espérons que dans le futur, ils verront leur superficie s’agrandir, leur sol recouvert d’herbe et plus de végétation. Pour l’espace intérieur, nous recommandons de réduire encore la densité, qui est pour l’instant d’environ 6,7 poules par mètre carré.

De plus, une alimentation parfaitement équilibrée, moins sèche et plus naturelle, pourrait permettre aux oiseaux de ne pas perdre leur plumage par endroits pour cause d’irritation. Ensuite, une solution de réforme des poules pourrait également être envisagée, pour leur permettre de vivre plus de 85 semaines. Enfin, il paraît peu probable qu’une seule personne arrive à vérifier la santé de 24 000 poules au quotidien : il serait donc judicieux d’engager plus de personnels pour prendre soin des animaux.

Même si des progrès peuvent encore être faits, la ferme Kipster est prometteuse pour l’avenir des volailles. Les fondateurs aimeraient d’ailleurs que leur modèle de ferme soit exporté partout pour garantir de meilleures conditions de vie aux milliards d’oiseaux élevés en Europe et dans le monde.

Nikita Bachelard

Article publié dans le numéro 97 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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