Cirques, zoos, parcs animaliers: des espaces en voie de disparition?

Le mensuel Santé Pratique Animaux de juin 2007 consacre un dossier à cette question sur laquelle, Jean-Claude Nouët, président et Suzanne Antoine, administratrice de la Fondation apporte son  point de vue juridique, éthique et scientifique.

Voici un large extrait de ce remarquable dossier signé Opportune Coste et Hélène Grillon :

[…] « Des animaux dénaturés.

Les troubles du comportement observés  chez les animaux  en captivité sont révélateurs de leur état de stress. Certaines espèces telles que les ours polaires, les dauphins ou encore les orques ont des besoins spécifiques que les zoos et autres aquariums ne pourront jamais satisfaire. Bien qu’interdites lorsqu’elles sont réalisées  dans un but commercial, les importations de cétacés restent autorisées à des fins scientifiques ou éducatives. Sous couvert de cette exception, on continue de capturer et d’importer des dauphins sauvages.

« Les prélèvements dans les milieux naturels sont effectués à l’aide de filets ou de lassos, les animaux sont violemment séparés de leurs congénères, alors qu’ils sont habitués à vivre dans des structures  sociales complexes. Ils sont transportés sur des brancards, maintenus plusieurs heures hors de l’eau, ce qui entraîne déshydratation de la peau et difficultés respiratoires. L’arrivée en bassin est un choc, les dauphins-habitués à parcourir plus de 100 km par jour et à plonger à des profondeurs atteignant 200 mètres-se retrouvent captifs dans des bassins exigus, dans une eau traitée aux produits chimiques. Plus de la moitié des dauphins capturés meurent durant les deux premières années de captivité »,  témoigne Suzanne Antoine, docteur en droit et présidente de chambre honoraire à la Cour d’appel de Paris, dans son livre « Le droit de l’animal ». 

Que ce soit dans des bassins artificiels ou dans des jardins de béton, des animaux dénaturés ne font pas honneur à l’espèce humaine, s’insurge le Professeur Jean-Claude Nouët, président de la Ligue française des droits de l’animal. Exhiber l’animal captif contredit la notion d’être vivant doté d’une pensée, d’une sensibilité et cautionne l’image de l’animal-objet.

Dans une même logique, Jean-Claude Nouët dénonce le rôle soi-disant pédagogique des zoos, dans lesquels le visiteur verra se côtoyer les espèces du Pôle Sud et du Pôle Nord, ainsi que celles d’Asie et d’Afrique ! Comment, en effet, les besoins spécifiques de ces espèces pourraient-ils être respectés dans de telles conditions ?

Un rôle dans la préservation des espèces ?

Sous l’impulsion d’une directive européenne de mars 1999, visant notamment à renforcer le rôle des jardins zoologiques dans la conservation de la diversité biologique, nombre de parcs se réclament désormais d’une mission d’étude et de préservation de la faune sauvage. […] des parcs s’investissent en effet pour organiser la reproduction et la survie des populations animales les plus menacées […] l’information pédagogique destinée aux visiteurs, en insistant sur les dangers qui menacent les animaux sauvages et leurs écosystèmes […]ces objectifs  intègrent « une réelle préoccupation du bien-être des animaux » captifs. De plus en plus, les parcs attribuent en effet aux animaux des espaces cherchant à ressembler à leur habitat naturel, suffisamment vastes pour que l’animal y évolue en « semi-liberté ». Les chercheurs améliorent constamment la nourriture et les soins apportés aux pensionnaires ; les naissances en captivité viennent régulièrement récompensées leurs efforts.

Privilégier la conservation des habitats

Mais à quoi serviront ces « spécimens » si aucun ne retrouve son espace naturel ? A ce propos Jean-Claude Nouët se montre également très sceptique. « La réintroduction dans la nature est une affaire extrêmement complexe et ceux qui l’ont tentée ont essuyé beaucoup d’échecs…

On se souviendra de quelques dizaines de jeunes lions élevés en captivité qui ont été relâchés en Afrique. Tous sont morts de faim ou ont été tués parce qu’ils venaient chercher dans les villages la nourriture qu’ils étaient bien incapables de chasser eux-mêmes. Seules cinq espèces ont été réintroduites dans la nature avec succès, et non grâce à des zoos, mais grâce à de vastes espaces sous contrôle scientifique. Il est évident que pour sauver des espèces, il faut sauvegarde des espaces naturels et préserver les sites en nombre suffisant pour que chaque espèce puisse y exprimer son programme génétique. Le cœur de cette problématique c’est bien la prédation de la planète par l’homme! La nature et les animaux ne sont pas la propriété de l’homme, nous ne sommes que colocataires de la Terre… ! » […]

Le trafic d’animaux sauvages : un commerce juteux

[…] En dépit des traités protégeant les espèces menacées, le trafic concerne chaque année  des centaines de millions d’animaux : 50 000 singes, 5 millions d’oiseux, 350 millions de poissons tropicaux. Au point que ce commerce juteux est devenu le troisième trafic mondial en termes de chiffre d’affaires (15 milliards d’euros !), derrière celui de la drogue et des armes […] Outre la demande des particuliers, les cirques européens alimentent ce trafic.

De faux permis déclarant l’animal comme né en captivité permettent de les écouler. Les animaux recherchés sont les plus jeunes, parce qu’ils sont plus faciles à dresser et plus vifs pour le spectacle. Il faut donc renouveler le stock, adolescents et adultes devant être remplacés par des individus jeunes. 
En revanche, les parcs zoologiques français sont strictement réglementés et leurs animaux sont soit né dans le zoo, soit proviennent d’autres parcs, explique Suzanne Antoine.

La longue agonie des animaux de cirque

Inutile de préciser que les conditions de vie des animaux dans les cirques sont le plus souvent incompatibles avec leurs besoins physiologiques et éthologiques.
En particulier pour les espèces sauvages. « L’espace restreint des ménageries et les contraintes du dressage entraînent une mortalité prématurée. 

Pendant la période où les spectacles sont moins nombreux, les animaux sont parqués pendant plusieurs mois dans des espaces très réduits. Ils ne sortent que pour des exercices d’entraînement », témoigne Suzanne Antoine, avant d’égrener le sort réservé à chacune des espèces concernés. Les grands félins passent jusqu’à 99% de leur temps dans des cages de moins de 4 m2. Les mammifères marins sont installés dans d’étroits bassins remplis d’eau douce …et de chlore. […] Les éléphants vivent enchaînés la plupart du temps. Ruminants, chevaux, lamas, dromadaires, mis à la longe sans abris, sont exposés aux intempéries. Les singes sont isolés les uns des autres, alors qu’ils ont grand  besoin de socialisation…A ces difficiles conditions de détention s’ajoute le stress permanent provoqué par l’ennui, la claustration, le bruit, l’alternance de lumière trop vive et d’obscurité, […] Enfin, les techniques de dressage constituent des atteintes graves à la psychologie et à la physiologie de l’animal. La santé de ces animaux est menacée à la fois par leurs conditions de détention et de transport-avec de longs et fréquents parcours dans des camions cages-mais aussi par une mauvaise hygiène et par l’air confiné. Comme si cela ne suffisait pas, tous ces animaux sont fréquemment loués à d’autres établissements pour des spectacles temporaires, des émissions de télé, des spots publicitaires…Ils sont  à chaque fois transportés, bousculés dans leurs habitudes, manipulés par des personnes étrangères plus ou moins compétentes. Beaucoup d’entre eux réagissent en devenant agressifs quand ils ne sombrent pas dans la folie (balancements, automutilations, plaies de léchage, va-et-vient incessants….) Peut-on  espérer prochainement une réglementation plus protectrice envers ces animaux ? En réalité, les textes de loi existent mais ne sont pas respectés. 

Il est illusoire d’espérer une meilleure mise en application de ces textes, estime Suzanne Antoine. Le moyen le plus simple de protéger les animaux d’espèces sauvages contre les abus dont ils sont les victimes consisterait à interdire leur présence dans les cirques. C’est une mesure envisagée par les pouvoirs publics.

En Autriche, ces derniers ont choisi d’interdire les cirques animaliers ».

ACTUALITÉS