La douleur: des animaux à l’homme

Par Georges Chapouthier, vice-président de la Fondation Ligue française des droits de l’animal.
Conférence donnée à l’Institut des Sciences Politiques, mardi 12 juin 2007, à l’invitation de l’association étudiante de Sciences-Po-Paris « Tribune Pour l’Animal ».

D’abord la nociception
De la nociception à la douleur
De la douleur à la souffrance et à la conscience
Mosaïque des comportements chez les animaux
Le privilège humain donné à la souffrance

L’une des caractéristiques des êtres vivants est d’interagir avec leur environnement. Pour que ses interactions soient particulièrement fructueuses pour l’organisme, il faut que des mécanismes physiologiques permettent aux êtres vivants de savoir ce qui est bon ou mauvais pour eux. Chez les animaux de tels mécanismes résultent notamment de capacités à éviter ce qui nuit à l’organisme. Au fur et à mesure que les animaux deviennent plus complexes, ces capacités deviennent elles-mêmes plus élaborées. C’est cette progressivité des processus qui président à ce qu’on peut appeler, de manière très approximative comme on le verra, la « douleur », que je voudrais montrer ici.

Une précision sémantique s’impose d’abord sur la notion même d’ « animal ». On peut entendre le terme animal en y incluant ou non l’être humain. Dans l’exposé qui va suivre, j’entendrai ce terme dans son acception traditionnelle excluant l’homme. Non pas que je conteste le moins du monde la place de l’homme, animal particulier, dans la classification zoologique, au sein du groupe des primates et proche cousin des chimpanzés, avec qui il partage d’ailleurs 98 % de ses gènes ! Mais parce que, malgré les objections fréquentes des utilitaristes anglo-saxons, qui préfèrent nommer les « animaux » « animaux non-humains », cette dichotomie homme-animal me paraît plus adaptée, à la fois à la compréhension pratique et à une discussion qui concerne la place de l’humanité par rapport au monde « animal ».

Dans cet exposé, je tenterai de montrer comment, dans l’arbre généalogique des espèces animales, les phénomènes liés à la douleur et à la souffrance apparaissent de manière progressive, en fonction du niveau de complexité des organismes. Pour terminer, je montrerai que ces aspects, évolutifs et progressifs, des phénomènes douloureux s’intègrent dans un modèle général de la complexité chez les êtres vivants, le modèle de la « mosaïque ».

D’abord la nociception

La plupart des animaux sont capables de mouvements. Une de leurs caractéristiques est donc d’être capables d’effectuer des mouvements, locaux (comme le mouvement d’une partie du corps) ou généraux (déplacements), pour éviter des éléments de l’environnement qui pourraient leur être néfastes. Pour ce faire ils disposent de systèmes d’alerte qui les informent que certains éléments de l’environnement sont trop froids ou trop chauds, trop durs ou trop pointus, trop ou pas assez salés, bref qu’ils constituent une menace pour l’intégrité de leur corps. Ces systèmes d’alerte, en général fondés sur les mécanismes nerveux, on les appelle les « mécanismes nociceptifs ».

Donnons une idée de la manière dont ces mécanismes fonctionnent et entrons un peu dans les processus de la biologie. Plus précisément, ces mécanismes partent de récepteurs sensoriels, situés dans la peau ou au sein des organes internes. Ces récepteurs sont sensibles aux variations excessives de certains agents externes ou internes à l’organisme, comme les variations de pression ou de température, qu’ils enregistrent et transmettent ensuite, dans un code approprié, à des chaînes de cellules nerveuses appelés « neurones ».

Ces chaînes de neurones transmettent les informations depuis les récepteurs jusqu’au système nerveux central, qui est ainsi alerté. En retour, le système nerveux peut déclencher les réponses musculaires réflexes appropriées pour compenser ou éviter les variations excessives enregistrées au niveau des récepteurs sensoriels : retrait de la partie du corps menacée par des agents extérieurs, modifications de la posture ou fuite de l’animal.

Chez les vertébrés, groupe animal auquel l’espèce humaine appartient, le nociception est gérée  par une partie évolutivement ancienne du système nerveux, commune à tous les vertébrés, depuis les poissons ou les reptiles jusqu’aux oiseaux et aux mammifères. Cette partie a été nommée par le neurophysiologiste Bowsher, le « cœur réticulaire » du système nerveux. Elle comprend principalement la moelle épinière et le tronc cérébral pour se terminer dans les noyaux les plus anciens du thalamus. Même si la nociception peut ensuite être transférée dans d’autres régions du système nerveux (y compris les régions les plus élevées, responsables de la pensée consciente comme le cortex cérébral), elle est fondamentalement traitée par le cœur réticulaire et donc, largement de manière inconsciente. En dehors du groupe des vertébrés, ce système d’alerte qu’est le nociception existe évidemment dans tous les autres groupes d’animaux (vers, mollusques, insectes), où le nociception est traité par d’autres mécanismes nerveux, pas toujours aussi bien connus des scientifiques que ceux des vertébrés.

Mentionnons enfin le cas des êtres dépourvus de système nerveux, comme les êtres unicellulaires par exemple, même si les classifications modernes ne leur donnent plus vraiment le statut d’animaux. Ces êtres, comme les paramécies ou les amibes, sont également capables, comme les animaux dont on vient de parler, de présenter des réactions de retrait ou de fuite face à des stimuli nociceptifs, tels des accroissements de la salinité du milieu aquatique où ils nagent ou encore des agents toxiques. Les mécanismes impliqués, dans ces réponses restent très mal connus des scientifiques, même si, chez certains de ces êtres unicellulaires, des éléments comparables à une architecture « nerveuse » intracellulaire ont pu être mis en évidence,

D’une façon très générale, il faut reconnaître que les mécanismes du nociception chez les invertébrés, aussi bien que chez les êtres unicellulaires, demeurent scientifiquement très mal connus, comme en témoigne d’ailleurs l’extrême rareté des publications scientifiques sur ce sujet. Seuls les vertébrés, sans doute à cause de leur proximité avec notre l’espèce, l’espèce humaine, semblent avoir fait l’objet de recherches poussées. Et, par suite, c’est seulement chez les vertébrés que les mécanismes qui président au nociception sont vraiment bien connus.

De la nociception à la douleur

Pour le philosophe Descartes et pour ses successeurs, comme Malebranche, les animaux étaient de simples machines, comparables aux automates et aux horloges, et incapables de ressentir la douleur. En fait, c’est surtout Malebranche qui a poussé ces thèses de Descartes à l’extrême. C’est lui, Malebranche, qui battait des chiens et affirmait que leurs cris ne différaient pas des sons d’une horloge qui sonne l’heure ! On peut, en jouant sur les mots, dire que les thèses modernes qui refusent aux animaux les aptitudes à la douleur sont donc assez « malebranchées ». La science a en effet amplement montré que la douleur existe dans beaucoup de groupes animaux, où elle vient compléter les mécanismes nociceptifs dont on vient de parler.

Comment définir la notion de douleur ? La meilleure manière est de se référer à la définition qui a été donnée par les scientifiques eux-mêmes. Le comité de taxonomie de l’IASP (International Association for the Study of Pain), qui fait autorité en la matière, définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage ». Une telle définition, qui se veut aussi générale que possible, concerne en fait trois catégories de douleurs : les excès de nociception, mais aussi les douleurs dites « neurogènes » (qui sont liées à des lésions du système nerveux) et les douleurs dites « psychogènes » (ou « psychosomatiques ») qui ne reposent pas sur des lésions tissulaires observables, mais qui peuvent être décrites dans les mêmes termes. De telles douleurs sont fréquemment observées chez les patients humains et expliquent la dernière partie de la définition donnée par l’IASP. La douleur serait en outre liée, et c’est là un point essentiel, à des manifestations émotionnelles, c’est-à-dire au « vécu » d’une émotion désagréable.

Ici encore, comme on avait cherché à connaître les régions du système nerveux impliquées dans le contrôle du nociception, on a cherché à connaître les régions de système nerveux impliquées dans la perception de la douleur et des émotions qui  lui sont liées. Chez les vertébrés, cette perception est effectuée par une importante partie du cerveau qui, justement, traite les émotions et qu’on appelle le « système limbique ». Le système limbique ne se borne pas à traiter les émotions liées à la douleur. Il est aussi responsable de toutes les émotions agréables, de plaisir ou de joie, ou plus désagréables, de frustration ou de colère. Cette capacité à traiter tous les types d’émotions explique d’ailleurs que des douleurs extrêmes peuvent paradoxalement aboutir, dans certains cas, à des sensations agréables ; on parle alors de « douleurs exquises », mais il n’est pas du tout conseillé de les rechercher, car avant d’y parvenir, il faut passer par des douleurs (désagréables) absolument abominables ! La douleur existe certainement aussi chez d’autres animaux que les vertébrés, s’ils sont capables d’un vécu émotionnel. Cela a été démontré, par exemple, chez des animaux très émotifs comme les pieuvres, qui possèdent sans doute des régions de leur cerveau un peu comparables au système limbique des vertébrés. La question reste en revanche très mal connue pour les autres invertébrés.

Il reste que la douleur apparaît comme un degré supérieur dans le nociception, impliquant un vécu émotionnel.

De la douleur à la souffrance et à la conscience

Qu’en est-il maintenant de la souffrance ? La question est d’autant plus compliquée que les termes « douleur » et souffrance » sont souvent employés l’un pour l’autre dans le langage populaire. Le Petit Larousse (1968) définit même douleur et souffrance, de manière circulaire, l’une par l’autre : la douleur y est une souffrance physique ou morale et la souffrance une douleur physique ou morale ! En outre  la confusion est encore accrue par le fait que la langue française, qui ne possède pas de verbe pour signifier « éprouver de la douleur » utilise le même verbe « souffrir » pour exprimer le vécu de la douleur comme celui de la souffrance. La souffrance suppose en fait une forme de cognition, c’est-à-dire de conscience des phénomènes nociceptifs ou douloureux.

Bien entendu, il est très difficile de dire dans quelles conditions et de quelle manière un animal est conscient. Il est clair que, contrairement aux affirmations de Descartes et de Malebranche, les mammifères et les oiseaux, par exemple, ont une forme de conscience de l’environnement où ils vivent, des endroits ou des personnes qui leur sont favorables ou défavorables. Cette forme de conscience a été appelée, par les philosophes, la « conscience d’accès » et on peut dire que tous les vertébrés, et sans doute aussi certains invertébrés comme les pieuvres, ont une conscience d’accès. La question devient plus délicate pour la « conscience d’être conscient », une conscience de soi-même capable d’être réflexive, que les philosophes ont appelée la « conscience phénoménale ». Il est clair que l’être humain adulte et en bonne santé mentale dispose d’une telle conscience phénoménale. Mais qu’en est-il des animaux les plus intelligents ?

Comme les animaux ne peuvent exprimer dans le détail le vécu de leur conscience, il est évidemment bien difficile de savoir ce qu’ils pensent. Les scientifiques ont cependant proposé un test qui permettrait de démontrer une forme de conscience phénoménale chez les animaux. L’expérience, appelée « test du miroir », a d’abord été tentée chez les chimpanzés. Le principe en est le suivant. On peint une tache blanche sur la partie gauche du crâne d’un chimpanzé endormi. Lorsque celui-ci se réveille et se regarde dans un miroir, il cherche à effacer la tache. Ce comportement suggère qu’il se reconnaît lui-même dans le miroir et ne pense pas qu’il s’agit d’un autre chimpanzé. Même si ce « test du miroir » a lui- même été critiqué par certains scientifiques et ne peut constituer, à lui seul, une preuve absolue,  se reconnaître soi-même dans un miroir pourrait être une ébauche minimale de la conscience phénoménale. Des résultats comparables ont été obtenus avec d’autres animaux comme les éléphants et des études visent à les étendre à d’autres oiseaux ou mammifères particulièrement intelligents.

Si la douleur est liée, chez les vertébrés, au système limbique, la conscience et la souffrance, sont, toujours chez les vertébrés, liées à l’activité du cortex cérébral. Ici encore on est très mal renseigné sur la situation chez les invertébrés, même chez des animaux comme les pieuvres dont les performances intellectuelles sont très supérieures à celles de certains vertébrés. Chez les vertébrés, il existe plusieurs types de cortex : des cortex « primitifs » et des cortex « évolués », appelés « néocortex ». Certains cortex primitifs font d’ailleurs partie du système limbique et pourraient permettre des liens entre douleur et souffrance. Ces cortex primitifs constituent la totalité du cortex chez la plupart des vertébrés à sang froid comme les poissons, alors que le « néocortex » devient le plus abondant chez les mammifères et particulièrement chez l’homme. Même si, même chez l’homme, les cortex archaïques jouent encore un rôle important dans la cognition, notamment dans les phénomènes de mémoire. Chez l’homme, il est donc clair que la conscience et la souffrance sont, pour une part écrasante, sous le contrôle du néocortex.

Signalons au passage que certains biologistes « dévoyés » avaient estimé que, comme les poissons ne possèdent pas de néocortex, ils ne sont pas capables de souffrance ! Les sociétés de pêche s’étaient précipitées sur cette idée erronée pour affirmer que, puisque les poissons « ne souffraient pas », la pêche d’agrément ne posait plus aucun problème moral ! Or s’il est clair que le fonctionnement des cortex archaïques des poissons ne peut être exactement le même que celui du néocortex des mammifères, la seule conclusion que l’on puisse scientifiquement en tirer c’est que la conscience de la souffrance n’est pas exactement la même chez les poissons et chez les mammifères.

En aucun cas que la souffrance « disparaît » chez les poissons ! On peut même raisonnablement supposer que le vécu de la souffrance chez des animaux qui ne possèdent qu’un cortex primitif (comme les poissons) s’appuie sans doute beaucoup plus sur ce cortex primitif que chez des animaux comme les mammifères, où un large part des fonctions de ce cortex primitif ont été reprises par le néocortex (et où, par suite, mis sous la coupe du néocortex, le cortex primitif aurait acquis dans la conscience, une importance moindre.)

Mosaïque des comportements chez les animaux

Si donc ce sont les cortex, et pour les mammifères particulièrement le néocortex, qui sont les régions du cerveau responsable du vécu de la souffrance, on est conduit à montrer que la souffrance apparaît par paliers, en fonction de l’évolution même des cortex cérébraux et qu’elle vient s’ajouter, comme une impression cognitive, aux deux phénomènes que nous avions précédemment analysés, la nociception et la douleur. Ou encore : si l’on suit notre argumentation, on peut admettre que le nociception ne devient douleur que par l’intervention de mécanismes émotionnels et la douleur ne devient souffrance que par l’intervention de mécanismes de conscience. Comme pour d’autres fonctions de cerveau comme la conscience, la mémoire ou le langage, les mécanismes nociceptifs et leurs extensions apparaissent comme une « mosaïque » de capacités acquises par nos ancêtres animaux, au fur et à mesure de l’évolution des espèces. Dans une mosaïque, au sens artistique du terme, de petits éléments colorés, les « tesselles », se combinent pour constituer une image qui pourtant leur permet de conserver leurs caractères propres de forme, de couleur ou de brillance. D’une manière analogue, chez les êtres vivants aux capacités intellectuelles les plus complexes, comme les chimpanzés, les dauphins ou les hommes, les trois facettes évolutives que sont le nociception, la douleur et la souffrance apparaissent comme les « tesselles » d’une même mosaïque, qui laisse à chacune des trois modalités son fonctionnement propre. De même aussi, les régions cérébrales qui les contrôlent (cœur réticulaire, système limbique, cortex cérébral) apparaissent comme les « tesselles » d’un système nerveux construit comme une mosaïque, où le « tout » laisse une large autonomie à ses parties.

Le privilège humain donné à la souffrance

L’homme tend à privilégier les fonctions intellectuelles qui lui paraissent les plus « élevées », les plus conformes à son mode d’être en tant qu’homme. Ce sont en général les fonctions du cortex cérébral, comme le langage ou la pensée abstraite. Les processus de nociception et de douleur n’échappent pas à cette habitude. Ainsi la douleur, si elle n’est pas consciente, si elle ne devient pas, d’une certaine manière « souffrance », est considérée, par l’homme, comme négligeable. On sait que, lors de certaines opérations chirurgicales, dentaires notamment, la réaction nociceptive peut être tellement intense chez certains patients, malgré l’anesthésie générale, qu’on est obligé de leur attacher les mains pour qu’ils n’envoient pas, involontairement, leur poing dans la figure du chirurgien ! Certes, chez l’homme, la mise hors circuit du néocortex par l’anesthésie générale rend inconscients les processus de nociception, voire de douleur. On peut raisonnablement supposer qu’il en est de même chez les animaux proches de l’homme et il est donc heureux que la loi rende obligatoire l’anesthésie générale pour toutes les expériences scientifiques impliquant de la chirurgie chez les vertébrés (sauf, cependant, remarquons-le, si l’expérimentateur juge l’anesthésie incompatible avec les finalités de son expérience).

Ces mesures légales constituent, sans aucun doute, un progrès dans la manière de traiter les animaux d’expérience, auxquels l’homme doit beaucoup pour le développement de sa médecine. Il faut cependant ajouter que les invertébrés « évolués » comme la pieuvre ou le homard, pour ne citer que ces seuls exemples, ne bénéficient pas de ces mesures légales. Pas plus d’ailleurs que les vertébrés quand ils sortent du cadre strict de l’expérimentation animale, comme c’est le cas pour les oies soumises au gavage ou pour les taureaux mis à mort dans les arènes, pour ne citer, parmi bien d’autres,  que ces deux exemples tristement célèbres. Malgré leur grande utilité, on peut donc regretter le caractère très partiel des mesures légales évoquées.

Des liens existent évidemment entre douleur et souffrance puisque, chez le sujet conscient et éveillé, toute douleur (physique) peut provoquer une souffrance. Bien entendu le « vécu » de cette souffrance dépend ensuite de la façon particulière dont s’exerce la pensée chez chaque espèce. Le « vécu existentiel » d’un poisson rouge n’est évidemment pas le même que celui d’un chien, d’un chimpanzé ou d’un être humain. Chez l’être humain, la souffrance peut même atteindre des dimensions spirituelles qui restent propres à notre espèce et à son puissant néocortex. Chez l’homme, comme le formule M. de Boucaud : « La souffrance vient conférer une autre dimension à tout ce qui est vécu douloureusement ; elle est lutte en soi-même, tentative d’activité… c’est une dynamique de la tension et de l’adaptation… » On touche ici à la dimension philosophique ou religieuse de la souffrance, spécifique semble-t-il à notre espèce, et que nous ne ferons qu’évoquer ici.

Mais si ces aspects philosophiques donnent une sorte de spécificité, liée au langage et à la pensée abstraite, au vécu de la souffrance dans l’espèce humaine, il n’en demeure pas moins que toutes les bases de la souffrance, depuis ses racines nociceptives, jusqu’à sa perception consciente, en passant par son vécu émotionnel, sont, comme on l’a vu, communes à l’humanité et à l’animalité. C’est une bonne raison pour donner davantage de respect à la nociception et à la douleur chez des animaux qui ne disposent pas des mêmes processus de « souffrance » que les animaux évolués et les hommes, et dont on est incapable de percevoir la manière sont ils ressentent subjectivement ces phénomènes.

C’est aussi une raison supplémentaire pour davantage respecter les animaux qui nous entourent et pour les traiter moralement pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des êtres sensibles dotés, selon leur complexité évolutive, de capacités de nociception, souvent de douleur et même parfois de souffrance.

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