Animaux utilisés à des fins scientifiques

Depuis les débuts de l’expérimentation animale, de nombreuses questions éthiques ont été soulevées et des méthodes alternatives à l’utilisation des animaux se sont développées. Si des organismes vivants sont encore utilisés en expérimentation, la liberté des expérimentateurs est néanmoins heureusement circonscrite par le droit : de nombreux textes d’origine européenne prenant en compte la sensibilité de l’animal ont été transposés dans le droit français (code rural) et encadrent désormais ces pratiques, malgré la subsistance de nombreuses insuffisances.

Qu’est-ce que l’expérimentation animale ?

Définition

Selon la directive européenne 2010/63/UE, elle concerne la recherche qui est susceptible « de causer une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages durables équivalents ou supérieurs à ceux causés par l’introduction d’une aiguille­ ». Ainsi, une expérience ayant pour objet l’étude du comportement animal (éthologie) mais qui nécessite quelques prélèvements sanguins entre aussi dans cette catégorie.

Selon le code rural, une procédure expérimentale concerne « toute utilisation, invasive ou non, d’un animal à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques ou à des fins éducatives » (article R214-89). Elle commence lors de la manipulation ou de la préparation de l’animal en vue de son utilisation et se termine lorsqu’aucune utilisation ne doit plus être faite sur l’animal et qu’il a été, le cas échéant, procédé à son euthanasie.

Pourquoi a-t-on recours aux animaux ?

Les chercheurs ne savent pas encore comment répliquer la complexité du vivant pour certains sujets d’étude qui nécessitent l’observation d’interactions sophistiquées et fines entre organes, etc. Ainsi, ils utilisent encore des animaux vivants pour ces expériences. En Europe, les animaux sont utilisés pour :

  • les études de biologie fondamentale ;
  • la recherche et le développement dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine vétérinaire et de la dentisterie ;
  • la production et le contrôle des produits pour la médecine humaine, vétérinaire et de dentisterie ;
  • les essais toxicologiques et autres études de sécurité sur des substances chimiques. ;
  • un large éventail d’autres utilisations expérimentales : virologie, traitements oncologiques (anti-cancéreux), recherche et développement pharmaceutiques, essais d’associations de médicaments, génétique, etc.

Quelques chiffres

Nombre d’animaux utilisés en France

Statistiques sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques en France (2016)
En 2016, 1,9 million d’animaux ont été utilisés. Parmi eux :

  • Souris 1 145 000 soit 59,6% 
  • Poissons (toutes espèces) 307 000 soit 16%
  • Rats 172 000 soit 8,9%
  • Lapins 118 000 soit 6,1%
  • Poulets 57 000 soit 2,9%
  • Cochons d’Inde 45 000 soit 2,3%
  • Autres oiseaux 15 000 soit 0,7%
  • Chiens 4 204 soit 0,2%
  • Primates non humains* 3 508 (dont 95% macaques) soit 0,18%
  • Chats 1067

*L’expérimentation sur les grands singes (gorilles, chimpanzés, bonobos, orangs outans) est interdite.

Parmi les animaux utilisés, 22% ont un génotype volontairement modifié, lequel est dommageable pour un animal sur 10 (dont 88% sont des souris).

Objets de la recherche

  • Fondamentale 43% du total des animaux (64% rongeurs, 27% poissons)
  • Santé et bien-être animal et humain 26% (70% rongeurs)
  • Essais qualité et innocuité des médicaments 25% (84% rongeurs)
  • Maintenance de colonies d’animaux génétiquement modifiés 3% (98% souris)
  • Enseignement et formation 2% (93% rongeurs)
  • Conservation des espèces 1% (91% poissons)
  • Protection de l’environnement <0,1%

27% des animaux sont utilisés dans des procédures imposées par la législation ou la réglementation (majoritairement des souris et des lapins), par exemple pour vérifier la toxicité des produits avant leur mise sur le marché.

Sévérité des procédures

La directive de 2010 a établi une échelle de « sévérité » afin de faciliter l’attribution ou le refus d’autorisation de projet expérimental.

  • Légère : douleur, souffrance ou angoisse légères et de courte durée sans incidence sur le bien-être
  • Modérée: douleur, souffrance ou angoisse modérées de courte durée ou légère de longue durée avec incidence modérée sur le bien-être
  • Sévère : douleur, souffrance ou angoisse intenses ou modérées de longue durée avec incidence grave sur le bien-être
  • Sans réveil : procédure sous anesthésie générale sans reprise de conscience

Vers le remplacement des animaux

L’objectif final doit être « le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives dès que ce sera possible sur un plan scientifique. »

Considérant 10 de la directive européenne 2010/63/UE

Il y a une prise en considération croissante de la souffrance animale générée par ces expérimentations et de la nécessité de réduire, supprimer ou soulager l’inconfort, la douleur, la détresse et/ou l’angoisse subis par les animaux de laboratoires. Face à la revendication de nouvelles exigences éthiques, d’importantes avancées ont été réalisées depuis le XIXe siècle grâce à l’application de la règle dite des « 3R », un principe d’utilisation éthique des animaux dans le cadre de la recherche scientifique, élaboré en 1959 par les scientifiques Russel et Burch, et désigné par ce terme en 1978 sous la plume du physiologiste David Smyth. Dans son Considérant 11, la directive prévoit l’application de la règle des 3R :

Remplacer l’animal vivant (in vivo) par des modèles in vitro (cellules…) ou in silico (bioinformatique) comme l’utilisation de puces informatiques reproduisant le fonctionnement d’organes.

Réduire le nombre d’animaux par le rejet des études non-indispensables, l’utilisation de statistiques, la limitation des répétitions inutiles via l’homogénéisation des législations internationales et le partage des résultats.

Raffiner les méthodes expérimentales par le choix réfléchi des modèles et des protocoles, l’enrichissement du milieu de vie des animaux, la formation appropriée des personnels en contact avec les animaux.

Pour chaque projet expérimental, les chercheurs doivent justifier devant un comité d’éthique pourquoi tel animal a été choisi comme modèle expérimental le plus pertinent, et démontrer qu’il n’existe pas de méthode de remplacement équivalente. Les membres de ces comités, provenant de domaines divers, doivent respecter une Charte d’éthique (PDF) qui prévoit leur indépendance et leur impartialité.

Les réglementations européenne et française

Cadre réglementaire européen

L’Union européenne (UE) a mis en place des normes de bien-être des animaux parmi les plus élevées au monde. Le cadre général des actions de l’UE en matière de bien-être des animaux est défini dans la Stratégie 2012-2015 de l’UE pour le bien-être des animaux. Les animaux utilisés à des fins expérimentales font donc l’objet de normes européennes harmonisées définies par les textes suivants :

  • Les Conventions sur la protection des animaux, élaborées au Conseil de l’Europe sont les premiers instruments internationaux à définir des principes éthiques pour l’utilisation des animaux à des fins expérimentales :
  • La directive n° 86/609/CEE du 24 novembre 1986 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques.
  • Le Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil (CE) du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et qui institue l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
    Le règlement REACH, entré en vigueur le 1er juin 2007, oblige les industriels qui fabriquent et importent des substances chimiques à évaluer et gérer les risques liés de leur utilisation, ce qui implique le recours à l’expérimentation animale. Ainsi, sur la période 2007-2018, 30 000 substances seront testées et on estime à 9 à 16 millions le nombre d’animaux qui serviront à répondre aux évaluations  de risques exigées par REACH. (Source : Rapport de l’Assemblée nationale n° 2145 de M. M. Lejeune et M. J.-L. Touraine sur l’expérimentation animale en Europe : Quelles alternatives ? Quelle éthique ? Quelle gouvernance ? – décembre 2009).
    S’il vise à assurer un niveau élevé de protection pour la santé humaine et l’environnement et à accroitre la compétitivité de l’industrie chimique, REACH encadre dans le même temps le recours aux animaux pour l’évaluation des substances chimiques :

    • Il encourage l’emploi des méthodes alternatives.
    • Il contient des dispositions relatives au partage des données dans le but de limiter le nombre d’essais sur les animaux vertébrés.
    • Il impose une évaluation des dossiers techniques des industriels afin de minimiser la nécessité du recours à certains types d’expérimentation sur les animaux vertébrés.
    • Il permet à l’Agence ECHA de vérifier que l’industrie respecte ses obligations et évite les essais sur les animaux vertébrés lorsque cela est inutile.
  • La Recommandation de la Commission européenne du 18 juin 2007 pour des lignes directrices relatives à l’hébergement et aux soins des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques, avec une section spécifique aux primates non humains.
  • La Déclaration du Parlement européen sur l’utilisation de primates dans les expériences scientifiques du 25 septembre 2007.
  • La directive 2010/63/UE du Parlement européenne et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Ce texte a remplacé la directive 86/609/CCE et pris effet le 1er janvier 2013. Il introduit des avancées importantes :
    • ­Le caractère évolutif du droit de l’expérimentation animale : « La présente directive devrait être revue régulièrement, à la lumière des connaissances scientifiques et des mesures de protection des animaux » (préambule).
    • La diversification des catégories d’animaux protégés : Historiquement, seuls les vertébrés bénéficiaient de règles protectrices. Avec cette directive, certains types d’invertébrés (les céphalopodes) sont désormais également protégés « car leur aptitude à éprouver de la douleur, de la souffrance, de l’angoisse et un dommage durable est scientifiquement démontrée ».
    • La directive inscrit fermement les principes directeurs pour l’utilisation éthique d’animaux dans les procédures expérimentales selon la règle des « 3R ».
    • L’objectif à terme d’élimination totale des tests sur les animaux : Cet objectif est clairement annoncé au 10e considérant du préambule de la directive, et devrait être atteint dès que « ce sera possible sur un plan scientifique ».
    • La Commission encourage le développement de méthodes alternatives pour les animaux qui continuent à être utilisés en laboratoire, malgré l’absence de délai lié à l’objectif précité.

Cadre réglementaire français

Principaux textes

Les textes français découlent des textes européens précités :

Le contrôle a priori : la  procédure d’autorisation de l’expérience scientifique

En France, il existe un contrôle a priori des recherches pratiquées sur des animaux. Celles-ci ne sont licites qu’aux conditions suivantes :

  • L’autorisation préalable de l’étude par un comité éthique : chaque projet de procédure expérimentale doit être autorisé par un comité d’éthique en expérimentation animale agréé par le ministère chargé de la recherche. Toutefois, le rôle de garde-fou des comités éthiques est souvent remis en cause. En France, comme dans d’autres pays d’Europe, il est souvent affirmé qu’ils ne remplissent pas leur rôle. Par exemple, selon le Pr Mamone Capria, qui a été membre de comités éthiques en Italie, « les comités d’éthique académiques, quelle que soit leur composition, ne sont pas un rempart contre les atteintes à la rationalité, aux principes éthiques, ou même aux lois concernant l’expérimentation animale, je parle d’après mon expérience directe, laquelle, cela vaut la peine d’être précisé, n’a pas lieu d’être considérée comme unique à mon université ».
  • La justification par les expérimentateurs de leurs choix : la finalité de l’expérience doit correspondre aux domaines listés dans l’article R 214-105 du code rural.
  • Le respect des exigences de compétence des expérimentateurs : les expériences doivent être conçues et réalisées par une personne titulaire d’un titre, d’un diplôme et d’une formation spéciale en matière d’expérimentation animale qui soit reconnu(e) par un agrément interministériel.
  • L’obtention d’un agrément interministériel par l’établissement de recherche.
  • Les chercheurs ont l’obligation d’utiliser les méthodes alternatives disponibles.
  • Les chercheurs ont l’obligation d’utiliser un niveau adéquat d’analgésie et d’anesthésie. Le comité d’éthique peut toutefois accorder des dérogations dans ce domaine.

Le contrôle a posteriori des expérimentations

Par les autorités nationales

La directive UE de 2010 exige que « les États membres effectuent des inspections régulières », dont une partie doit être conduite sans avertissement préalable. En France, ces inspections sont conduites par les vétérinaires-inspecteurs des Directions départementales de protection des populations (DDPP) qui soumettent un rapport des infractions constatées au Préfet. Indépendamment des sanctions pénales auxquelles les contrevenants s’exposent, le Préfet, après mise en demeure de l’intéressé de se conformer aux exigences prescrites, peut, si ce dernier n’a pas satisfait à ses injonctions dans le délai prescrit (qui ne peut excéder 6 mois) prononcer la suspension ou le retrait immédiat des agréments d’établissement ou de l’autorisation nominative d’expérimenter.

Le contrôle des autorités nationales par la Commission européenne

S’il existe un motif de préoccupation, la Commission européenne peut effectuer un audit de contrôle des autorités nationales.

Institutions et organismes promouvant l’utilisation d’alternatives à l’expérimentation animale

Communautaires / internationaux

  • La « Direction générale Recherche » de la Commission Européenne soutient la recherche en matière de protection animale, notamment des projets visant à développer des méthodes alternatives à l’expérimentation animale.  Elle abrite le European Union Reference Laboratory for alternatives to animal testing (EURL-ECVAM), laboratoire de référence de l’UE sur les méthodes alternatives à l’expérimentation animale. Lancé en 1991 au sein du Centre Commun de Recherche (Joint Research Centre), l’EURL-ECVAM ne travaille pas directement sur le bien-être des animaux mais sur des méthodes d’essai alternatives.
  • L’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority ou EFSA), dans le cadre de ses activités d’évaluation des risques liés aux produits chimiques et à l’alimentation humaine et animale, publie des avis scientifiques et émet des recommandations sur les approches alternatives utilisables selon les principes de la règle des « 3R » afin de réduire le recours aux animaux de laboratoires et leur souffrance.
  • D’autres organismes internationaux ont publié des recommandations et documents d’orientation relatifs au bien-être des animaux, notamment l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

Étrangers

  • Le Conseil Canadien de Protection des Animaux publie des lignes directrices sur l’utilisation et le soin éthiques des animaux en science.
  • Le Belgian Council Laboratory Animal Science travaille à promouvoir l’utilisation correcte des animaux utilisés à des fins scientifiques.
  • En Suisse, la Fondation Recherches 3R soutient des projets visant à améliorer la façon dont sont menées les expériences sur les animaux en se basant sur la règle des « 3R ».  De même, la Commission fédérale pour les expériences sur animaux (CFEA) et la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH) travaillent également sur les questions éthiques relatives à l’expérimentation animale.

Français

  • En juillet 2007, le ministère chargé de la recherche et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, anciennement Afssap) ont mis en place la Plateforme française pour le développement des méthodes alternatives en expérimentation animale (FRANCOPA), sous la forme d’un Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS). Le GIS Francopa œuvre à identifier et promouvoir les méthodes alternatives permettant de réduire ou supprimer l’expérimentation animal à des fins de recherche et d’enseignement ainsi que dans le cadre du contrôle de la sécurité des produits de santé, alimentaires, cosmétiques et chimiques. Pour en savoir plus, consulter le rapport du GIS publié en 2010 intitulé « État des lieux des méthodes alternatives dans le domaine de l’expérimentation animale en France ».
  • L’Association française des sciences et techniques de l’animal de laboratoire (AFSTAL) œuvre pour la diffusion des connaissances et techniques relatives à l’expérimentation animale.
  • L’association OPAL (Recherche expérimentale et protection de l’animal de laboratoire) oeuvre pour la promotion des méthodes substitutives.

Comment agir ?

  • On peut écrire au député ou au sénateur de sa circonscription afin de dénoncer l’insuffisance de l’enseignement du droit animal applicable à l’expérimentation, l’absence de contrôles de la bonne application de la réglementation, en particulier la règle des 3R, et les conflits d’intérêts qui existent potentiellement au sein des comités éthiques.
  • On peut adopter un animal issu de l’expérimentation. Il arrive qu’en fin de protocole, les animaux soient proposés à l’adoption (article R214-112 du code rural). L’association GRAAL (Groupement de réflexion et d’action pour l’animal) donne la possibilité d’adopter ces animaux (chats, chiens, rongeurs), tandis que l’association White Rabbit s’occupe de la réhabilitation des lapins de laboratoire. Attention, ces animaux ont souvent été fragilisés (physiquement et/ou psychologiquement) par leur détention en laboratoire. Certains détails qui semblent anodins, tels que le fait d’avoir été privé de marcher sur l’herbe ou de ne pas avoir été entouré d’autres animaux peuvent leur causer un stress intense. Si la réhabilitation d’un animal de laboratoire est généralement une expérience gratifiante pour l’adoptant, il faut néanmoins que ce dernier s’arme de patience et s’assure qu’il dispose des moyens financiers et du temps nécessaire à l’éducation et à la socialisation de l’animal.

Liens utiles

Documents de référence

Sites d’institutions et organismes français

Sites d’organisations étrangères

Sites d‘organisations internationales

À lire également : Combats de la LFDA : Animaux d’expérimentation.

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