En Wallonie, le gouvernement promeut le respect des animaux à l’école

En Belgique, le gouvernement wallon compte une ministre dédiée, notamment, au bien-être animal. Ce ministère est à l’origine de nombreuses avancées législatives et réglementaires, et participe activement à la sensibilisation des élèves de la région à l’éthique animale, comme l’exige la loi. La LFDA a pu échanger avec la ministre actuelle, Mme Céline Tellier, sur le rôle essentiel de l’État et de l’école, en partenariat avec la société civile, dans l’éducation des plus jeunes et de leurs parents au respect des animaux.

Céline Tellier lors du colloque de la LFDA en 2023

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La LFDA défend la création d’un ministère ou d’un secrétariat d’État chargé de la condition animale en France et d’un commissaire à la protection des animaux à l’échelon européen1. En Europe, la Belgique est l’un des pays qui agit le plus en faveur des animaux et qui a inscrit le bien-être animal dans le portefeuille de ses ministres. Pensez-vous que votre rôle et ceux de vos homologues flamand et bruxellois soient décisifs dans les avancées pour les animaux obtenues en Belgique ?

Céline Tellier : Oui, je suis convaincue que pour faire avancer la protection des animaux, il est indispensable de désigner des personnes qui disposent formellement de cette compétence, ainsi que de moyens, financiers et humains. On dit souvent que les associations de protection animale sont « la voix des sans voix » : et bien en tant que ministre du Bien-être animal, je fais de mon mieux pour relayer ces voix et défendre les animaux. C’est indispensable d’avoir cette voix. Le bien-être animal mérite sa place, à l’instar d’autres secteurs qui sont, eux aussi, bien défendus par les ministres en charge.

D’ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec la LFDA : nous sommes totalement favorables à la création d’un poste d’un ou une Commissaire européen(ne) pour le bien-être animal, et ce, pour les mêmes raisons. Il sera précieux, pour faire avancer le bien-être animal à l’échelle européenne, d’avoir une personne en charge de cette compétence si importante.

En 2023, lors de notre colloque, nous avons pu constater que de nombreux acteurs se mobilisent pour développer des outils dédiés à la sensibilisation des enfants à l’éthique animale. Quelle approche adopte votre ministère vis-à-vis des initiatives issues de la société civile ?

C.T. : Je considère que la société civile, les associations, les SPA, les scientifiques, sont de véritables partenaires des pouvoirs publics pour faire avancer la cause du bien-être animal. Ces partenaires jouent notamment un rôle précieux en termes de sensibilisation, pour faire évoluer les mentalités et faire avancer le changement culturel. Que ce soit en mettant à l’agenda médiatique certains sujets ou en construisant des outils de sensibilisation.

Au niveau de la Wallonie, et j’ai eu le plaisir d’en parler lors de votre colloque, nous avons la chance d’avoir des associations très actives autour de la sensibilisation des plus jeunes au bien-être animal. Nous soutenons des projets de très grande qualité, comme le dossier pédagogique « Refuges et Tableaux Noirs » (ressources pour que les enseignant(e)s puissent aborder le bien-être animal et l’éthique animale en classe) et « Pense-Bête » (une dizaine de quiz sur les besoins éthologiques des animaux, les questions à se poser avant d’adopter et des vidéos pédagogiques). Notre critère de soutien : une approche documentée scientifiquement, qui permet aux plus jeunes de forger leur propre esprit critique et d’en apprendre davantage sur les besoins éthologiques des animaux.

Ces initiatives complètent des avancées législatives telles que l’introduction du permis de détention. Depuis le 1er juillet 2022, en Wallonie, toutes les personnes qui souhaitent accueillir un animal de compagnie doivent présenter une sorte de « certificat de bonne vie et mœurs ». Cela signifie qu’elles doivent demander à leur administration communale ce document qui montre qu’elles n’ont pas perdu le droit de détenir un animal. L’introduction du permis de détention poursuit un double objectif :

  • Éviter les achats impulsifs, qui aboutissent trop souvent à des abandons, en imposant de facto une démarche de réflexion avant d’accueillir un animal.
  • Mieux lutter contre les maltraitants récidivistes, en limitant leurs possibilités d’adoption ou d’acquisition.

L’éducation des mineurs au bien-être animal est inscrite dans le code wallon du bien-être animal. Comment cette disposition se traduit-elle dans les programmes scolaires de la région ?

C.T. : Le code wallon du bien-être animal prévoit en effet la sensibilisation au bien-être animal de la population de manière générale. Le code dit précisément ceci : « la Région wallonne informe et sensibilise les citoyens au bien-être animal, à la protection des animaux et à la manière dont il convient de les traiter ».

Au niveau scolaire :

  • Nous soutenons les outils évoqués plus haut (Refuges & Tableaux Noirs, Pense-Bête) ou encore l’organisation d’ateliers dans les écoles pour apprendre aux enfants à interagir avec les chiens, et ainsi mieux les comprendre et éviter les morsures (projet PEACE).
  • Nous souhaitons d’ailleurs renforcer l’utilisation de ces outils, en organisant les « Rencontres du bien-être animal ». Le but de cette journée de sensibilisation est de s’interroger ensemble, avec des professionnel(le)s, sur la place de l’animal en pédagogie, et de présenter des outils aux enseignant(e)s.
  • J’ai également sensibilisé ma collègue en charge de l’Éducation pour diffuser au maximum ces outils et je plaide pour que l’enseignement du bien-être animal devienne obligatoire.

La loi française introduisant en 2021 la sensibilisation des élèves au respect des animaux à travers l’enseignement moral et civique évoque la sensibilité des seuls animaux de compagnie. D’après vous, que révèle cette approche différenciée dans notre rapport aux animaux ?

C.T. : C’est un sujet très intéressant. Comme disait Alphonse de Lamartine : « On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n’en a pas. » Eh bien, je suis convaincue que notre devoir est d’avoir un cœur pour tous les animaux, même s’ils occupent une place différente dans notre société.

Lors de l’entrée en vigueur du permis de détention que nous avons mis en place en Wallonie, certains se sont moqués : il faut montrer patte blanche même pour aller chercher un petit poisson rouge ? Oui, bien sûr ! Et j’ai dû défendre ce point de vue au Parlement, par rapport à des visions encore parfois très conservatrices, éloignées des réalités sociétales et scientifiques.

Pour les animaux sauvages, le « déni » peut malheureusement être encore plus grand. Je suis particulièrement attentive à cette thématique, notamment en tant que ministre de la Nature. Nous avons, par exemple, demandé au Conseil Wallon du bien-être animal de nous donner des recommandations sur des pratiques de chasse plus respectueuses du bien-être animal, et, pour les aider, nous avons commandité une étude scientifique sur le sujet2. C’était assez inédit, car le Conseil travaille d’habitude sur le bien-être des animaux domestiques. Je pense aussi au bien-être des animaux d’élevage, qui méritent notre plus grand respect.

Propos recueillis par Léa Le Faucheur

  1. La nouvelle Commission européenne, composée fin 2024, comprend un commissaire européen chargé de la santé et du bien-être animal. La LFDA continue de défendre l’importance d’y inclure la protection des animaux. ↩︎
  2. Pauline Emond, Dorothée Denayer, 2022, « Limiter les atteintes au bien-être des animaux sauvages dans le cadre de leur mise à mort : descriptions, enjeux et dimensions réglementaires » [PDF] ↩︎

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