Article tiré du dossier L’Animal et l’école (1989)
En de nombreuses circonstances, les enfants, par la candeur, le bon sens de leurs réflexions, peuvent contribuer à sensibiliser les adultes au respect des droits de l’animal, montrer l’exemple et infléchir ainsi le comportement des adultes non avertis.
Voici quelques exemples de circonstances où les enfants peuvent jouer, à ce titre, un rôle éducatif déterminant. Les remarques formulées par les enfants auprès de leurs aînés ne devront être ni agressives ni insolentes, mais au contraire prononcées avec la bienveillance, la politesse, la confiance, la finesse qui s’imposent pour convaincre.
La chasse
Un enfant est invité par un parent à le suivre dans une chasse. L’enfant prendra certainement beaucoup de plaisir à accompagner l’adulte à travers bois et campagnes. L’honneur, la marque de confiance qui lui sont ainsi manifestés le toucheront. Toutefois si un animal est tué au cours de cette chasse, l’enfant pourra éprouver une certaine gêne. Il ne devra pas hésiter, au retour de chasse, tout en exprimant à l’adulte le plaisir qu’il a éprouvé à le suivre, à faire comprendre à cet aîné que son plaisir aurait été encore plus grand s’il n’avait été gâché par la mort d’un animal. Il pourra pour cela interroger l’adulte sur ses motivations, sur le plaisir qu’il éprouve à pratiquer ce type d’activité.
Dans la plupart des cas, l’adulte lui répondra qu’il chasse par amour de la nature et des animaux, pour le sport, pour la satisfaction physique et psychologique (calme, détente, curiosité) que cette activité apporte. L’enfant ne manquera pas de s’étonner de ce qu’aimer les animaux (à moins d’être particulièrement friand de la viande de gibier auquel cas l’amour n’est que culinaire) puisse se traduite par : tuer des animaux.
Peut-être arrivera-t-il en discutant avec son parent chasseur à persuader celui-ci qu’il éprouverait exactement les mêmes satisfactions s’il remplaçait son fusil par un appareil photo à téléobjectif ou une paire de jumelles. Échangeant ainsi cartouches de plombs contre rouleaux de pellicule photographique, il aurait là l’occasion de figer et conserver en image des instants de vie des animaux visés au lieu de les figer définitivement dans la souffrance ou dans la mort. La chasse photographique ne lui coûterait guère plus chère. De plus, elle ne nécessite aucun permis et peut être pratiquée toute l’année. Elle exige des qualités de précision, de maîtrise de soi, de rapidité ; elle impose l’approche silencieuse et un sens aigu de l’observation alors que la chasse au fusil nécessite de déranger l’animal pour qu’il s’enfuie ou qu’il s’envole.
Si l’enfant ne parvient pas à convaincre, peut-être réussira-t-il à limiter le nombre d’animaux tirés par le chasseur ou à éviter que ce dernier ne tire sur des animaux trop jeunes. Enfin l’enfant pourrait formuler une demande, celle de voir épargner la vie du prochain animal qui se présente, simplement parce qu’il est un animal qui ne demande qu’à vivre. Il est évident que si le chasseur accède à cette demande, son prestige aux yeux de l’enfant n’en sera qu’augmenté.
La pêche
L’enfant peut être aussi invité à une partie de pêche à la ligne. Là également, avec calme et gentillesse, il pourra certainement intervenir auprès de l’adulte pour que les poissons soient décrochés de l’hameçon avec délicatesse afin de ne les blesser ni à la bouche ni à la gorge. Il pourra aussi demander que les poissons soient assommés s’ils doivent être mis dans une musette hors de l’eau, ceci afin de leur éviter une trop longue agonie par asphyxie.
L’enfant pourra aussi demander, s’il y a lieu, à son parent pêcheur, de rejeter à l’eau les poissons trop petits, même si ceux-ci ne font pas l’objet d’une réglementation limitant la taille de capture. Une simple remarque du genre “Je me demande bien ce qu’il pourra bien rester à manger de ces poissons lorsqu’ils auront été cuits ?” peut être à ce point de vue déterminant.
S’il s’agit d’une partie de pêche “à pied” sur une plage, dans les rochers à marée basse, l’enfant devra veiller à remettre en place les pierres retournées et ostensiblement devant l’adulte. L’adulte s’étonnera de ce comportement ; ce sera pour l’enfant l’occasion d’expliquer que la face des rochers et cailloux tournée vers le fond humide et ombragé est le plus souvent recouverte d’une multitude d’œufs et d’animalcules divers très importants pour l’équilibre biologique du littoral. Sur la face supérieure, éclairée, croissent au contraire des algues. Si cette face est retournée vers le fond, ces algues meurent. Lors de ces parties de pêche, la récolte des poissons, crustacés et coquillage devra se limiter aux plus gros spécimens : l’enfant pourra inciter l’adulte à ne jamais prendre plus que l’on ne peut consommer familialement.
À la cuisine et à table
L’enfant répugne souvent et à juste raison à voir des animaux, tels que crabes, crevettes, écrevisses et quelques fois même poissons, cuits tout vifs. Il lui sera facile d’indiquer à l’adulte quelques moyens pour éviter cette cruauté banalisée. Avant d’être cuits, crabes et crevettes doivent être placés au réfrigérateur dans un récipient humecté d’eau de mer additionnée de quelques gouttes d’une solution de menthol. L’action conjuguée du froid et du menthol est anesthésiante pour les invertébrés. Quant aux poissons, s’ils n’étaient pas déjà morts, ils devront être impérativement assommés, d’un coup sec et rapide sur la tête, avant d’être écaillés (ou dépouillés pour l’anguille), vidés et cuits.
Si l’enfant se voit servir deux fois par jour de la viande, il pourra questionner sa famille sur la nécessité qu’il y a à consommer de grandes quantités. En utilisant les conseils d’alimentation que les manuels scolaires d’éveil ou de sciences naturelles dispensent aux élèves, il sera facile à l’enfant de trouver les arguments, pour montrer à ses parents que la consommation d’un seul plat de viande par jour équilibré avec d’autres aliments est suffisante, notamment si il est consommé de protéines animales tels que lait, fromages, œufs, ou des légumes riches en protéines végétales, tels que pois, haricots, soja.
Il est même néfaste à long terme pour la santé de prendre l’habitude de consommer de la viande en quantité excessive. Modérer sa consommation de viande, c’est économiser sa santé, économiser l’argent du foyer et c’est aussi, se surcroît, épargner des vies animales.
L’enfant devra veiller aussi en montrant l’exemple à ce qu’il ne soit fait aucun gâchis. Plutôt que de jeter aux ordures les excédents non consommés de viandes ou de poissons, ou les déchets, pourquoi ne pas les donner à un chien ou à un chat (en prenant garde, toutefois aux os et à leurs brisures).
L’ »animal cadeau »
Si l’enfant doit recevoir en cadeau un animal de compagnie (quelle qu’en soit l’espèce), il pourra faire comprendre à ses parents son souci d’avoir la certitude que ceux-ci lui donneront régulièrement les moyens d’entretenir correctement l’animal et l’autoriseront à emmener cet animal dont il a la charge avec lui en vacances (ou si cela n’était pas possible à le faire garder dans de bonnes conditions). Le sens de la responsabilité manifesté par un enfant responsabilise ses parents.
En promenade ou au spectacle
Si l’enfant est emmené en voiture, il pourra saisir cette occasion pour rappeler aux adultes la nécessité de ralentir lorsque des panneaux routiers signalent le passage d’animaux domestiques ou sauvages. Il en va de la sécurité des automobilistes comme celles des animaux.
Si l’enfant a été invité à une visite au zoo ou au cirque, il ne cachera pas sa tristesse de ne voir là que des animaux enfermés dans des enclos ou prisonniers derrière des barreaux. L’enfant pourra demander à ses parents de lui faire visiter une ferme traditionnelle, ou de l’emmener dans une ferme pédagogique ; là il pourra s’approcher des animaux, les toucher, les caresser. L’enfant pourra aussi demander à visiter un parc naturel où il pourra observer des animaux sauvages en liberté… avec un plaisir complet cette fois.
Ce ne sont là que quelques exemples de circonstances où les adultes pour peu qu’ils soient à l’écoute des plus jeunes, constateront qu’ils ont autant à apprendre des enfants, qu’ils ont à leur apprendre.
Thierry AUFFRET van der KEMP, Biologiste