Le rôle des manuels scolaires et des enseignants

Au-delà des programmes scolaires, ce sont les manuels scolaires et les maisons d’édition qui jouent un rôle clef dans l’enseignement de l’éthique animale dans les écoles par le biais des enseignants.

La fabrique des manuels

Le manuel scolaire est un rouage essentiel de l’enseignement. Son rôle est de faciliter la compréhension des programmes par les enseignants et de les accompagner dans la transmission aux élèves des savoirs à acquérir. Les éditeurs scolaires ont donc pour priorité de traiter les sujets abordés par le programme officiel, souvent très fourni et laissant peu de place à des thèmes connexes. Ainsi, tant que les programmes ne mentionneront pas distinctement le respect des animaux et leur sensibilité, ces sujets auront peine à intégrer les manuels.

Les auteurs sont principalement des enseignants, des formateurs ou des professionnels de la didactique. Ils rédigent des séquences pédagogiques sur des sujets soumis par l’éditeur, qu’il s’agisse de thèmes précis ou de mots-clés tirés des programmes. Ils choisissent librement leurs sources – celles-ci devant être fiables et tenir compte des dernières connaissances en date – et abordent les sujets selon leur sensibilité.

L’animal vu par les manuels scolaires

De par leur liberté éditoriale, les éditeurs sont indépendants de l’Éducation nationale. Leurs approches d’un même sujet sont parfois très différentes. Dans les manuels scolaires, les thèmes du développement durable et de l’environnement au sens large, dont la biodiversité, sont les plus répandus, à l’image des programmes. Les animaux sont vus surtout via des sujets comme la classification, la reproduction, ou la génétique. Une maison d’édition en particulier, Nathan, tire toutefois son épingle du jeu. Dès la maternelle, la notion de bientraitance animale est abordée. En outre, en sciences et technologies du cycle 3, Nathan propose une comparaison entre l’élevage de poules pondeuses en cages et en plein-air et l’utilise pour aborder le bien-être animal et ses cinq libertés. Hatier, dans l’édition 2024 de son manuel d’enseignement moral et civique (EMC) destiné aux élèves de seconde professionnelle, met à l’honneur la Déclaration des droits de l’animal pour aborder la protection de l’environnement par le prisme du droit.

Les exemples proposés jouent aussi un rôle important dans la sensibilisation des élèves à l’éthique animale. Ainsi, Hachette utilise un article de presse sur la fermeture d’un abattoir pour cause de cruauté dans le cadre de la thématique « Reconnaître les médias et leurs contenus » en EMC, cycle 3. Des sujets n’ayant en apparence pas trait à l’éthique animale peuvent donc tout de même sensibiliser et éduquer les élèves si le contenu choisi par l’éditeur s’y prête.

Le cas des langues vivantes au lycée est intéressant, en ce qu’il réserve une place importante à la culture des pays cibles et au débat. En terminale, Magnard fait ainsi le choix d’aborder longuement la lutte contre la vivisection et pour les droits des animaux dans les pays anglo-saxons (« Debating animal rights ») dans une séquence dédiée à la responsabilité scientifique et la responsabilité sociale. La cohabitation avec la faune sauvage en ville en Australie fait aussi l’objet d’un chapitre. La corrida a également été traitée dans ses manuels d’espagnol. À travers l’apprentissage des langues, le lien est fait avec des questions socialement vives. Les élèves ont ainsi à leur disposition des informations pour construire leur propre opinion sur notre rapport aux animaux.

En revanche, les manuels qui soutiennent des stéréotypes sur certaines espèces (comme le loup), montrent des photos d’animaux disséqués, ou abordent l’élevage sans parler de bien-être animal, ne se prêtent pas vraiment à l’enseignement du respect des animaux et de l’éthique animale.

La liberté pédagogique des enseignants

Par ailleurs, les professeurs jouent un rôle crucial. Par leur liberté pédagogique, les enseignants de tous les cycles ont la possibilité d’aborder les sujets portant sur les capacités cognitives des animaux, leurs émotions et de parler d’éthique animale en classe, en s’appuyant sur les supports et manuels de leur choix. De la même manière, le parcours transversal d’éducation au développement durable (EDD) peut être l’occasion pour les enseignants de faire le lien avec l’éthique animale dans des matières qui ne s’y seraient pas naturellement prêtées.

Toutefois, cette liberté pédagogique est limitée par la rareté des formations adaptées : les professeurs doivent avoir les connaissances requises pour transmettre ces savoirs aux élèves. Aussi, les sujets ayant trait à l’animal sont souvent liés à des pratiques choquantes ou violentes (élevage intensif, chasse, corrida, etc.) et mènent à des débats clivants qui peuvent notamment stigmatiser la famille de certains élèves, autant d’aspects qui peuvent freiner les enseignants dans leur démarche.

Au-delà de l’inclusion de l’éthique animale dans les programmes scolaires, la formation (initiale et continue) des enseignants, l’adaptation des manuels scolaires aux nouveaux enjeux et la mise à disposition d’outils pédagogiques sont donc divers moyens indispensables et complémentaires pour assurer la transmission aux élèves des connaissances sur les animaux.

Jordane Liebeaux, doctorante en droit à l’université de Bristol & Léa Le Faucheur, responsable des projets à la LFDA

 

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