Les élevages d’animaux en classe primaire et en premier cycle du secondaire

En 1989, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) s’est penchée sur le sujet de la pratique des élevages d’animaux en classe et a formulé, à la lumière des connaissances disponibles à cette époque, l’avis suivant.

Dans le principe

Ce que les animaux ne doivent surtout pas être :
Des objets décoratifs, du matériel biologique, des instruments ou des jouets manipulables ou “démontables” à merci, des éléments banals d’une leçon de choses, destinés à satisfaire la simple curiosité, le simple amusement ou le simple éveil sensoriel des enfants.

Ce qu’ils peuvent être dans le cadre d’une activité éducative suivie :
Des modèles vivants considérés comme sensibles et présentés avec soin et respect, destinés à éveiller chez l’enfant le goût de l’observation et à lui faire acquérir quelques-unes des méthodes de la réflexion scientifique, mais destinés aussi à former chez lui le sens de la responsabilité, et lui donner le sens de l’éthique et du respect général dû à la Vie sous toutes ses formes dans son unité et sa diversité.

Dans le concret

1. Insister sur quelques concepts importants et prendre quelques précautions de vocabulaire

  • Unité de la Vie : faire reconnaître aux enfants les nombreux points communs et l’interdépendance qui existent entre les animaux et l’homme, dans les grandes fonctions qui caractérisent la Vie.
  • Diversité de la Vie sans hiérarchie de valeur : faire aussi reconnaître aux enfants les différences, en particulier morphologiques et comportementales, entre les animaux et l’homme.
    Faire appréhender progressivement la notion d’équilibre biologique dynamique. L’enfant doit être encouragé à accepter ces différences, sans préjugés, de la même façon que le maître invite ses élèves à accepter sans racisme, la diversité génétique et culturelle de l’espèce humaine. Le vocabulaire utilisé par l’enseignant pour désigner les différences individuelles et spécifiques devra être dénué d’anthropomorphisme comme de zoolâtrie, afin que l’enfant ne hiérarchise pas les différences entre les animaux et entre les hommes sur des valeurs sans fondement biologique. Il ne s’agit pas d’opposer, par exemple, une “bonté” animale à une “méchanceté et une cruauté” humaine, ou à l’inverse d’opposer “l’humanité” de l’homme à la “bestialité” des animaux. L’enseignant ne devra pas en particulier, encourager l’usage par les enfants de qualificatifs tels que : animal “dégoûtant”, “méchant”, “nuisible”, “malfaisant”. Ces termes traduisent, en effet, le plus souvent, l’acquisition de préjugés fondés sur des traditions socio-culturelles, des superstitions, des tabous religieux, ou de simples jugements d’ordre esthétique voire même culinaire. L’enseignement devra se défendre d’exprimer lui-même peur ou répulsion vis-à-vis d’un animal que les enfants voudraient élever en classe et dont la manipulation ne présente aucun danger.

2. Savoir observer les animaux sans leur nuire et les manipuler sans les traumatiser

Il s’agit d’apprendre aux enfants à manipuler les animaux même s’il s’agit d’invertébrés, sans les tuer ou même leur causer souffrance ou mutilation. Apprendre à saisir un insecte par le dessus, sur les côtés du corselet sans lui casser une patte ou une aile, est tout aussi important qu’apprendre le bon geste pour saisir, sans l’apeurer, un lapin ou un cochon d’Inde, par la tête et l’arrière train. De nombreuses observations ou expériences simples peuvent être menées, si elles sont totalement atraumatiques et indolores pour l’animal, par exemple : ausculter un lapin et s’ausculter ensuite soi-même, comparer les mouvements de locomotion de plusieurs animaux, ou offrir en même temps à un animal plusieurs types de nourriture, plusieurs types de refuge, plus ou moins éclairés, humides ou chauds pour observer sa préférence et son choix.

Autant qu’il est possible, aucun animal ne devra être tué spécialement pour être disséqué ; et s’il le fallait, jamais devant les élèves. Il sera préféré de disséquer un animal mort spontanément, ou déjà tué pour l’alimentation de l’homme ou d’un animal domestique (lapin, caille, poisson non vidé, etc.).

Le décès d’un animal, et seulement dans des conditions spontanées, pourra être aussi l’occasion de parler aux enfants du caractère inéluctable de la mort et de sa nécessité, et dans le cycle biologique de la chaîne alimentaire (en y incluant l’homme), du cycle consommation – décomposition -reminéralisation – nutrition des plantes et du renouvellement de la vie et de sa diversité. Ce pourra être aussi l’occasion d’une discussion et d’une réflexion éthique avec les enfants. Cette réflexion permettra de définir les circonstances précises ou les nécessités biologiques pour lesquelles mettre fin à la vie de l’animal avant son terme génétique naturel se révèle être le seul moyen efficace (connu ou disponible actuellement) de servir réellement la vie d’un plus grand nombre d’autres hommes ou d’autres animaux (alimentation, survie, santé), ou d’acquérir des connaissances nouvelles. En outre, elle permettra de souligner que la mise à mort ne doit engendrer ni souffrance ni gaspillage (surconsommation de viande, diminution irréversible des effectifs d’une espèce sauvage).

3. Savoir héberger et soigner des animaux, et apprendre à en être responsable

C’est aussi l’opportunité d’expliquer aux enfants que dans un élevage, l’état de santé des animaux repose entièrement sur la qualité technique de l’hébergement offert et du suivi de la régularité des soins et de l’entretien apportés à leurs hôtes par les élèves et leur enseignant. Il s’agit donc de veiller avec attention aux conditions d’hygiène. Dans une classe, il est, en effet, techniquement impossible de reconstituer fidèlement toutes les conditions d’environnement et le recyclage du plein air ou de la pleine eau, avec leurs variations et interactions dans l’espace et dans le temps.

Il faut donc penser à se laver les mains avant et après avoir manipulé les animaux pour éviter de leur communiquer des microbes dangereux pour leur santé et inversement pour la santé des enfants (surtout pour ce qui concerne les oiseaux et les petits mammifères). Il s’agit aussi d’enlever régulièrement les déchets, et de changer souvent l’eau de boisson et de nettoyer toutes les semaines, à fond et très soigneusement les terrariums, bacs, cages et accessoires.

Il est nécessaire, également, de bien connaître pour chaque espèce les conditions d’une alimentation saine (en qualité et en quantité), et les optima favorables de l’environnement climatique (à savoir température, humidité, éclairement, oxygénation). Il y a lieu d’éviter toute variation climatique brusque (ne pas exposer les animaux aux courants d’air, à la sécheresse ou au froid), notamment pendant la nuit dans des locaux où les élevages ne sont pas surveillés.

Mais il ne suffit pas que les animaux soient en bonne santé, du fait d’une bonne alimentation, d’une hygiène parfaite ou d’une ambiance climatique satisfaisante. Il faut aussi que les animaux puissent disposer de suffisamment d’espace et d’aménagements pour épanouir harmonieusement leur comportement inné, social, territorial, reproducteur, exploratoire et  locomoteur, conformément à leurs rythmes biologiques naturels. Il faut éviter les surpeuplements, les agressions, et les stress permanents qui engendrent chez l’animal des désordres aussi importants que ceux provoqués par les maladies infectieuses. Il est indispensable de penser, par exemple, à ne pas confiner un couple de lapins nains dans leur cage 24h sur 24. Celle-ci, qui doit mesurer 1m x 60 cm x 40 cm, ne doit être considérée que comme le lieu où ils se réfugient, se nourrissent, dorment, déposent leurs excréments et se reproduisent. Il faut laisser chaque jour gambader les lapins quelques heures dans la classe, ou les sortir dans un petit enclos de plein air dans l’école : ceci permettra aux animaux de faire de l’exercice, et aux enfants d’observer leurs comportements exploratoires et leurs mouvements.

Il est indispensable de ne pas confiner dans une cage trop étroite des oiseaux tels que des “diamants mandarins”. En effet, faute d’un espace territorial individuel suffisant, leur cou et leur poitrine se déplumeront, et se tuméfieront sous l’effet des coups de bec agressifs répétés (piquage). Il faut penser, de même, à ne pas surpeupler les terrariums à insectes, cause de cannibalisme et de mortalité importante par infestation parasitaire.

S’il s’agit d’animaux domestiques ou semi-domestiques (variétés d’élevage sélectionnées : lapins nains, oiseaux ou poissons dits d’appartement), il faut se rappeler que ces animaux ne pourraient survivre dans le milieu naturel auquel ils sont génétiquement totalement inadaptés, et ne peuvent donc être abandonnés. Il faut alors penser, avant d’en entreprendre l’élevage, à ce qu’il sera fait d’eux et de leurs petits pendant les congés scolaires.

Un enseignant, un élève, un parent, un membre du personnel de l’établissement scolaire pourra-t-il prendre sérieusement en charge les animaux pendant ces périodes ? Si oui, il faut prévoir de fournir à la personne volontaire  une fiche technique simple d’entretien (nettoyage, alimentation, précautions particulières).

S’il s’agit d’animaux sauvages prélevés dans le milieu naturel, il est préférable de capturer des petits invertébrés, car beaucoup d’espèces de petits vertébrés ainsi que leurs œufs (grenouilles, tritons, serpents, lézards) sont protégés et font l’objet d’interdictions réglementaires de tout prélèvement sur le territoire français (voir note page 5). Il faut toujours prélever les animaux en petit nombre, et en faire l’élevage temporaire : puis une fois les observations achevées, il est un devoir de remettre les animaux en liberté, dans leur biotope d’origine et là même où ils ont été pris.

En classe, les élevages temporaires d’invertébrés tels que grillons, cloportes, vers de terre, escargots “petits gris” sont souvent préférables à l’élevage de vertébrés : croissance ou reproduction plus rapides, observations plus riches et plus simples techniquement, espaces d’hébergement  moins grands, possibilité et facilité de réimplantation dans le milieu naturel à la fin des classes, absence de maladies ou d’allergies transmissibles entre l’homme et l’animal sont des raisons qui peuvent les faire préférer.

4. Connaître et respecter la législation, les réglementations et les recommandations ministérielles ou académiques en matière de détention, de protection et d’expérimentation animale.

  • La vivisection est interdite en classe.
  • Un animal ne peut être sacrifié, décérébré ou anesthésié  en vue d’une expérimentation dans les classes d’enseignement des collèges à séries scientifiques ou techniques spécialisées, qu’en cas de stricte nécessité.
  • L’enseignant doit être pour cela titulaire d’une autorisation nominative officielle.
  • Les animaux doivent être nourris, soignés, hébergés comme il convient.

Ces données se réfèrent en particulier :

  • aux articles R-24-14 à R-24-31 du code pénal, publiés dans le décret n° 68-135 du 9 février 1968,
  • à l’article 276 du code rural, publié dans la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, ainsi qu’au décret n° 77-1297 du 25 novembre 1977,
  • ainsi qu’aux circulaires du ministère de l’Éducation du 6/2/67, du 8/4/73 et du 17/5/74.

Conclusion

La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) considère comme admissibles et pédagogiquement recommandables les élevages d’animaux en classe à la condition que soient parfaitement prises toutes précautions d’ordre technique, éthique, pédagogique et juridique. Ces précautions constituent autant de contraintes pour l’enseignant, mais assurent complètement soins et respect des animaux.

Thierry Auffret van der Kemp
Article tiré du dossier L’Animal et l’école (1989)

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