CR : Dans la tête d’un chat

Jessica Serra, humanSciences – nature, 2020 (18€)

Pour beaucoup, l’animal de compagnie a joué un rôle de facilitateur dans la compréhension des capacités des animaux. Dans cet essai, l’éthologue Jessica Serra, spécialiste notamment mais pas seulement des chiens et des chats, utilise le cas du chat pour nous initier ou nous rappeler aux bases de l’éthologie afin de comprendre ce qui se passe réellement dans la tête des animaux.

Nous alertant sur les biais d’un anthropomorphisme qui nous pousse à projeter trop de nos propres pensées et de nos propres émotions sur ce petit compagnon, elle utilise les arguments de la science pour nous montrer que le chat, et tous les autres animaux, ont leur propre monde intérieur qui résulte de leur propre développement, de leur adaptation au fil de l’évolution à leur milieu spécifique.

L’ouvrage, composé de 6 chapitres, est un plaisir à lire, et même les initiés apprendront des choses sur le monde des animaux. Jessica Serra, s’adressant au plus grand nombre, explique en termes simples et clairs des concepts complexes ; dans un esprit d’analyse et de synthèse, elle raconte en quelques mots bien choisis des anecdotes riches et passionnantes.

Dans un premier chapitre, l’auteure nous rappelle quelques éléments de l’histoire du chat en notre compagnie, de sa déification à son incarnation du mal, compagnon présumé des sorcières, brûlé lors des fêtes de la Saint-Jean dans l’Est de la France. Elle poursuit avec le monde sensoriel du chat, en particulier de son univers olfactif, tellement développé comparé au nôtre, et de ses capacités physiques. On comprend pourquoi le matou fait souvent le difficile devant sa boîte de pâté ou ses croquettes… Le troisième chapitre nous fait entrer dans le monde cognitif des animaux : leurs capacités d’apprentissage et de mémorisation. Elle répond à des questions que beaucoup se posent : pourquoi est-ce si facile d’apprendre des tours à un chien mais pas à un chat ? Ce faisant, elle nous parle de morale, de conscience, de rêves, de l’acquis versus l’inné. Elle n’oublie pas le monde émotionnel des animaux dans un quatrième chapitre qui nous mène au cinquième chapitre sur la relation si particulière entre les chats et les humains. Les ronrons, les miaulements, sont expliqués, ainsi que le phénomène de néoténie, lié à la domestication des espèces animales : le nez se raccourci, les yeux sont plus gros, les animaux plus mignons… D’ailleurs, Jessica Serra conclut l’ouvrage sur les pouvoirs des chats. Non pas des pouvoirs magiques – l’auteure prend bien soin d’étayer tous ses propos par des faits démontrés scientifiquement – mais des pouvoirs néanmoins puissants : notamment son pouvoir « antidépresseur » naturel.

Le lecteur apprendra ou se remettra en mémoire tous ces sujets et bien d’autres, sans se limiter au chat : de la mouche à l’éléphant, en passant par les pigeons, l’auteure profite de son sujet principal pour partager avec nous son enthousiasme pour le règne animal en général, tout en replaçant soigneusement l’espèce humaine parmi les autres espèces de ce groupe passionnant.

Sophie Hild

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