À quand une météo écologiquement responsable ?

Sur les chaînes françaises de télévision, les prévisions météorologiques sont généralement accompagnées de commentaires qui semblent ne concerner que des citadins, avides de vacances ou de week-end agréables.

escargot sur un arrosoir

Toute dépression barométrique, annonciatrice de précipitation, est toujours qualifiée de « perturbation ». Tout anticyclone, surtout celui des Açores, est un bienfaiteur de l’humanité, qui apporte soleil et ciel sans nuages, et permettra à tous d’aller lézarder sur les plages ou les pelouses, ou s’asseoir sur un banc. Le temps maussade donne le bourdon, la pluie va gâcher la fin de semaine et devient une catastrophe si elle dure plus d’une journée.

Durant l’été dernier, alors que la sécheresse frappait le pays, que la consommation d’eau était limitée dans plusieurs départements, une présentatrice sévissant sur BFM s’est laissé aller jusqu’à déclarer, grand sourire aux lèvres  : «  Quand on annonce de la pluie, on espère se tromper ! » (Fanny X…, jeudi 18 août, 16 h 50). Et telle autre, peu de jours après, s’est montrée rassurante  : «  Le soleil reviendra. La semaine prochaine les cartes seront parfaites ! ». On doute vraiment que les agriculteurs, qui montrent leurs épis de maïs réduits à quelques grains et leurs pâtures jaunies et craquelées, se réjouissent d’entendre vanter les délices d’une température estivale et d’une baignade de rêve, ou annoncer une pleine semaine de « beau temps », alors que les rivières maigrissent, que l’eau souterraine s’assèche, et que certains d’entre eux doivent envisager de faire abattre leurs bêtes, faute d’herbage raréfié par la sécheresse. Mais nos télé-pseudo-météorologues apparaissent à l’écran, souriant jusqu’aux oreilles, en tenue de plage ou en présentation de mode, agitent en moulinet des bras de sémaphore devant la carte de France, et semblent n’avoir d’intérêt que pour l’habitant des villes et ses loisirs, sans jamais évoquer la nature et ses besoins.

Faudrait-il inaugurer, en contre-pied, une météo télé-grenouille, dont les bulletins pourraient être de ce genre ?

Après plusieurs journées d’une perturbation barométrique caractérisée par des hautes pressions stagnant sur le pays, et entraînant un ensoleillement continu et excessif, des températures anormalement élevées pour la saison et une sécheresse inquiétante, enfin une bonne nouvelle.

Un front froid va aborder nos côtes et gagner toutes nos régions, apportant une épaisse couverture nuageuse qui va cacher progressivement la fournaise solaire, et amener une large zone d’humidité.

Ce beau temps sera caractérisé par des ondées abondantes et répétées, qui vont emplir les mares et les ruisseaux, baigner les feuillages, imbiber les racines, emplir les nappes phréatiques, et favoriser les éclosions d’insectes.

À tous, télé-grenouille souhaite un excellent week-end de pluie bienfaisante !

Mais ce serait tomber dans la même erreur que celle que nous dénonçons, qui consiste à dévoyer la météorologie de sa nature réelle de « science » impartiale, pour en faire une information de convenance, visant non pas à constater les faits et à prévoir leur évolution, mais à satisfaire des besoins ou des désirs particuliers. L’information météorologique de nos chaînes de télévision ou de radio est altérée par des considérations, des ressentis parasites, d’ordre social, psychologique ou économique, à la fois dans sa présentation et dans son énoncé, afin de « plaire » au public le plus large possible. L’information modelée dans l’intérêt des grenouilles, pourrait ne satisfaire que la gent batracienne, au contraire du ressenti d’innombrables autres espèces animales !

En somme, ce qui conviendrait le mieux, serait que les bulletins météorologiques soient énoncés par des météorologues de métier, en non sélectionnés sur des critères tout autres que ceux de la compétence. Sur le principe même, l’approche d’une séquence nuageuse, ou d’un épisode pluvieux n’a pas à faire l’objet de commentaires sur le déplaisir d’un week-end gâché, l’arrivée d’une période d’ensoleillement n’a pas à être accompagnée de souhait de lézarder au soleil, et la survenue d’une phase d’extrêmes thermiques doit être accompagnée de mise en garde et de conseils de prudence, sans déraper avec gourmandise sur l’espoir qui en résulte d’aller skier ou nager. De plus, ces considérations sont loin de concerner l’ensemble des téléspectateurs ou auditeurs, et c’est prendre pour négligeables ceux qui ne peuvent ou ne veulent ni organiser des week-ends de rêve, ni passer du temps à s’étaler dans un transat, ni partir à la mer ou à la montagne pour quelques jours.

Jean-Claude Nouët

Article publié dans le numéro 92 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

ACTUALITÉS