Le Grand Massacre fête ses 40 ans

Il y a 40 ans, les éditions Fayard publiaient l’ouvrage Le Grand Massacre. Un thriller sanglant ? On pourrait le croire en regardant la couverture : une photo de poulets entassés sous un dégradé de rouge et le titre en lettres capitales. Mais le résumé en quatrième de couverture nous indique en première phrase de quoi il s’agit : « Un monde hallucinant : l’élevage intensif ».

D’après ce résumé, l’ouvrage se revendique être une enquête journalistique ayant pour but d’informer l’opinion publique française sur son alimentation carnée. À la lecture, on hésite entre récit d’épouvante ou de science-fiction…

Une enquête sans précédent

Cette enquête de grande ampleur sur l’élevage intensif français a été écrite par un prix Nobel de physique, membre de l’Académie des sciences, Alfred Kastler, un professeur de médecine à la Pitié-Salpêtrière, Jean-Claude Nouët, et un journaliste, Michel Damien. Le Pr Kastler s’était distingué par ses engagements moraux, grand humaniste mais aussi défenseur du vivant, comme Albert Schweitzer, pour lequel il a « une grande admiration » (dans l’émission « Droit de réponse » du 9 janvier 1982 sur TF1 présentée par Michel Polac). Avec le Pr Nouët, très engagé dans la défense des animaux, ils ont été co-fondateurs de la Ligue française des droits de l’animal, ancêtre de La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). Michel Damien, journaliste-écrivain, est l’auteur notamment de l’ouvrage L’animal, l’homme et Dieu (éditions Cerf).

Le Grand Massacre fait un état des lieux de l’élevage en France dans les années 1980. À l’époque, il était difficile de savoir ce qu’il se passait dans les élevages. Il n’y avait pas de vidéos clandestines, ni de réseaux sociaux… Le Grand Massacre a donc été une enquête sans précédent à l’époque en France. Il s’inscrit dans la même veine que l’ouvrage Animal Machines de Ruth Harrison, sorti au Royaume-Uni en 1964 et dénonçant lui aussi le développement de l’élevage intensif.

Michel Damien s’est chargé des enquêtes relatées dans l’ouvrage. De l’aveu du Pr Jean-Claude Nouët, il n’a pas été aisé d’obtenir des rendez-vous dans les élevages ou auprès des personnes directement impliquées dans l’élevage français. De nombreuses portes sont restées closes. Le Pr Nouët a effectué de nombreuses recherches et mis à profit ses compétences scientifiques, notamment en médecine, pour compléter l’ouvrage. Le Pr Alfred Kastler a soigneusement relu et révisé l’ouvrage et a livré le dernier paragraphe.

L’objectif du livre est précisé par le Pr Kastler en conclusion : « Le but que nous poursuivons dans ce livre est d’obtenir qu’il soit mis fin à l’un des aspects les plus hideux de l’industrialisation et de la mécanisation : l’élevage concentrationnaire des animaux de consommation, élevage qui soumet des êtres vivants, ayant la même organisation biologique que nous-mêmes, à vivre une existence de torturés de la naissance à la mort » (p. 341). Le récit démontre bien l’aspect « concentrationnaire » de l’élevage intensif.

Des animaux machines

La première partie de l’ouvrage décrit largement la tendance qui gagne nos campagnes : l’intensification et l’industrialisation de l’élevage. De nombreuses filières sont épinglées : le porc, le poulet, la poule pondeuse, le palmipède gras, le veau, mais aussi le cheval, le lapin, les oiseaux gibiers (perdrix, faisan et caille), jusqu’à l’escargot « (dont les mœurs, révélées par l’éthologie, sont beaucoup plus fines que tout ce qu’on supposerait) » (p. 199).

Les porcs « SPF »

Le Grand Massacre s’intéresse beaucoup à l’aspect sanitaire de l’élevage et, à ce titre, l’élevage intensif des années 1980 n’est pas rassurant. On découvre les élevages-laboratoires qui créent les porcs « IOPS » (indemnes d’organismes pathogènes spécifiques) ou en anglais « SPF » (specific pathogen free). On a l’impression d’être dans une autre dimension, et pourtant cela se passait bien en France. Ces porcs sont traités comme des matériaux radioactifs dont il ne faut surtout pas s’approcher : changement de vêtements, double-douches, masque et gants avant d’entrer dans l’élevage et entre chaque salle. Les truies sont accouchées par césarienne dans un « isolateur » stérile et ne verront jamais leurs petits qui sont transférés à la naissance dans un autre isolateur puis élevés dans des « bulles » de plastique. Ces cochons seront ensuite distribués dans les élevages pour garantir le moins de pathogènes possibles. Les auteurs notent que, paradoxalement, « l’animal est affaibli, « fragilisé », cependant qu’une recherche appropriée aux véritables buts de l’élevage (nourrir l’homme sans imposer une souffrance inutile à l’animal, fût-elle psychique) aurait consisté à obtenir des porcs résistants aux maladies » (p. 337). Le système SPF n’a jamais réussi à éradiquer le risque de maladies.

Les poulets

Les auteurs s’intéressent particulièrement à l’élevage des volailles, poules pondeuses et poulets de chair en tête. Ils font remarquer que « le poids du poulet, pris à un certain âge, a approximativement doublé en vingt ans. À huit semaines par exemple, il a aujourd’hui doublé par rapport à ce qu’il était en 1960. Ce « gonflement » rapide a été réalisé grâce aux acquisitions de différentes disciplines scientifiques (nutrition, génétique, physiologie, environnement, etc.) » (p. 83). Résultat encore visible chez nos poulets actuels : des fractures aux pattes, des animaux qui ont dû mal à se tenir debout, qui souffrent de problèmes respiratoires et cardiaques… Des poussins obèses en somme.

Les poules pondeuses

Les enquêtes ont mené Michel Damien dans des élevages de poules pondeuses en cage. Il y voit des poules entassées par cinq dans des cages étroites, chacune ne disposant que d’une surface inférieure à une feuille A4. Elles sont dans un état pitoyable. Les auteurs relatent les propos de l’époque d’un professeur de l’École vétérinaire d’Alfort, opposé à l’élevage en batterie : « Pour les poules pondeuses, il n’y a plus rien à faire. Il faudrait changer notre civilisation. La seule découverte intéressante serait de fabriquer des poules sans cerveau, inconscientes et insensibles à leur état d’emprisonnement » (p. 132). Révélateur. Mais qu’on se rassure, depuis 2012, les éleveurs doivent fournir des cages aménagées aux volatiles : on ajoute de l’espace supplémentaire de la taille d’une carte postale par poule, un perchoir, un bac à poussière et un nid. Le grand luxe, n’est-ce pas ? Heureusement, la part de l’élevage en cage parmi les modes d’élevage de poules pondeuses diminue en France : 36 % en 2020 contre 69 % en 2015.

Les poussins

L’ouvrage aborde le sujet, peu connu à l’époque, du sexage des poussins et de l’élimination des mâles. « Les accouveurs portent la responsabilité de les tuer, parfois n’importe comment, de les enterrer vivants dans des sacs en plastique, etc. » Plusieurs options sont possibles : « écrasés par un bulldozer », « jetés dans un broyeur », « jetés dans des décharges à l’air libre », « donnés vivant à des aigles ou des cigognes » (p. 97). Si certaines de ces pratiques n’étaient déjà plus pratiquées, il aura fallu attendre 2022 pour que l’élimination des poussins mâles soit interdite. Mieux vaut tard que jamais.

Les veaux

Les trois auteurs s’intéressent aussi de près au développement de l’élevage concentrationnaire de veaux. Michel Damien visite des élevages. Séparés de leur mère à la naissance, les veaux sont engraissés dans le noir dans des cases ou stalles de 55 cm de large par 1,50 m de long et 1,20 m de hauteur. À mesure qu’ils grossissent, ils ne peuvent plus se tourner, se coucher. Parfois, leur encolure est enchainée. Le taux de mortalité est élevé (en moyenne 10 % le premier mois selon les auteurs), conséquence d’une alimentation carencée, inappropriée, bourrée de produits chimiques, et des conditions de vie inhumaines. Les auteurs rapportent les propos du directeur technique d’une société de production de veaux : « Moi, ça ne me fait rien du tout […] de voir des veaux en claustration. Ces bêtes sont sans mémoire ni intelligence » (p. 162)… Aujourd’hui, les veaux issus de l’industrie laitière sont toujours mal lotis même si les conditions ont légèrement évolué : les box dans lesquels ils sont bien souvent enfermés se sont légèrement agrandis. Ils ne peuvent pas y résider après l’âge de 8 semaines.

En vous souhaitant un bon appétit

Au début de l’ouvrage, les auteurs donnent leur impression du système d’élevage français : « Beaucoup de gens, beaucoup de chimie, beaucoup d’ « experts », beaucoup de matériels, et puis enfin, comme s’ils comptaient à peine, les animaux et les consommateurs : voilà l’élevage industriel. Ce n’est pas une image. C’est la réalité telle qu’elle nous est apparue chaque fois que nous avons visité un élevage ou parlé avec un expert » (p. 21).

Apprentis-sorciers

Attardons-nous sur l’expression « beaucoup de chimie ». C’est un sujet qui revient souvent dans le livre. Tout au long de leur vie, les animaux d’élevage se voient administrer vaccins, antibiotiques et autres substances médicamenteuses. Évidemment, les médicaments sont parfois indispensables à la santé des animaux et il ne s’agit pas de condamner toute utilisation de substance médicamenteuse. Ce que critiquent les auteurs, c’est l’utilisation à outrance de produits potentiellement ou incontestablement dangereux pour l’être humain et délétères pour les animaux. Des antibiotiques, des vitamines et même des hormones de croissance sont ajoutés à la nourriture artificielle donnée aux animaux d’élevage – les veaux notamment – sous forme de « poudres », « farines », « granulés », pour améliorer le rendement. Certains produits sont dangereux à haute dose, et pourtant, d’après les auteurs, utilisés massivement, comme l’antibiotique chloramphénicol. D’autres sont carrément interdits, mais utilisés quand même : « Secrètement un supplément de poids pouvait être obtenu avec la même quantité d’aliment consommé. Ce tour ingénieux s’accomplissait grâce à l’acquisition d’hormones, interdites par la loi, mais faciles à se procurer » (p. 146).

Selon les trois auteurs, « [les sociétés productrices d’aliments pour animaux] jouent un rôle majeur. Sans elles, l’élevage intensif n’existerait pas » (p. 208). Cargill, Brunge… Les géants de l’agroalimentaire font que les éleveurs sont « bien plus exploités qu’exploitants« , comme l’a dit Jean-Claude Nouët à un éleveur de taurillons dans l’émission « Droit de réponse » du 9 janvier 1982.

Mange et tais-toi !

Le Grand Massacre s’intéresse aussi à la consommation des produits d’origine animale et aux conséquences négatives de l’élevage intensif sur la qualité gustative, nutritive et sanitaire des produits. Des études auraient montré la supériorité organoleptique et nutritive des œufs issus de poules élevées en plein air contre ceux des poules élevées en batterie. Les poulets issus d’élevages concentrationnaires seraient plus fades, et la chair contiendrait plus d’eau. Mais l’ouvrage révèle que les interviews auprès de représentants de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) n’apportent pas de réponses à leurs questionnements sur l’impact de l’élevage intensif (et tout ce que cela englobe : conditions d’élevage, génétique, alimentation artificielle…) sur la santé humaine.

Comme le résume si bien un directeur commercial d’une importante société de production de veaux cité dans le livre : « les consommateurs nous emm… et ils consommeront ce que nous leur donneront à consommer ! » (p.288).

Élevage intensif et famine

Selon les auteurs, « la suppression des élevages intensifs s’impose pour des motifs qui dépassent de très loin les revendications habituelles des protecteurs des animaux. Une multitude de facteurs sont à prendre en compte, dont le premier et le plus urgent est l’alimentation universelle » (p. 312).

L’élevage s’est intensifié après la guerre pour subvenir aux besoins des Français, à bas prix. Mais l’objectif à long terme de l’intensification de l’élevage est de permettre une plus grande compétitivité des produits français au sein du marché national, européen et international. Le directeur des Industries agricoles et alimentaires de l’Inra de l’époque raconte la « course à la viande » mondiale : « La condition est d’être industrialisé. Bien sûr d’un point de vue moral ou éthique, la situation n’est guère admissible. Il est sûr que l’augmentation de viande a eu lieu essentiellement à partir d’oléagineux, tourteaux, afin de nourrir des porcs et des volailles […] » (p. 303). En effet, les auteurs déclarent qu’« en cette fin de XXe siècle, nos animaux des pays industrialisés sont en compétition directe, pour la répartition mondiale des céréales, avec les êtres humains des pays pauvres » (p. 298). Les pays industrialisés sont les plus gros consommateurs de viande, au détriment des habitants des pays les moins avancés, qui souffrent de famine, de malnutrition. Dans les années 1980, la consommation annuelle moyenne de viande en France est d’environ 105 kgec (kilogramme équivalent carcasse) par habitant et est stable jusqu’aux années 1990. Depuis, la consommation de viande en France baisse légèrement. À titre de comparaison, la consommation de viande annuelle moyenne en Afrique subsaharienne est passé de 9,6 kgec par habitant en 1974-76 à 10,9 kgec en 2015. Or, selon les estimations, « 5 à 20 kg de protéines végétales, selon le type d’animal en cause, sont nécessaires pour produire 1 kg de protéine à animal » (p. 307). Les auteurs condamnent le fait que les protéines végétales, qui pourraient permettre d’éradiquer la faim dans le monde, servent en fait à nourrir les animaux des élevages intensifs, lesquels seront ensuite consommés en majorité par les habitants des pays industrialisés.

Le discours de l’Inra, devenu Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), a évolué sur cette question. Lors du colloque « Bien-être animal et avenir de l’élevage » organisé par la LFDA le 22 octobre 2020, son PDG Philippe Mauguin a déclaré : « En terme de contribution à l’alimentation de la planète, nous sommes face à une grande disparité des régimes de consommation de protéines animales. […] Nous travaillons sur ce sujet au niveau de la recherche pour consommer plus de protéines végétales et moins de protéines animales dans les pays du Nord et rattraper une carence en protéines animales notamment dans l’Afrique subsaharienne. […] Nous aurons donc besoin d’avoir des filières d’élevage durables. Nous consommerons probablement moins de protéines animales et plus de protéines végétales. Cela donne des perspectives pour essayer d’optimiser ces filières dans leur rapport entre bilan environnemental, rémunération des éleveurs et bien-être animal. »

À quoi ressemble l’élevage en 2021 ?

À la fin de l’ouvrage, Michel Damien, Alfred Kastler et Jean-Claude Nouët s’interrogent : « Quel est l’avenir de l’élevage ? Deux catégories d’élevages doivent demeurer dans notre civilisation, l’un artisanal, qui traduit la liberté de tout individu ayant le désir ou la possibilité d’élever des animaux de consommation (cette forme d’élevage peut-être nullement négligeable au plan économique), l’autre industriel, qui applique des normes étudiées avec soin en vue d’un bien-être maximum de l’animal et de la santé du consommateur. Le retour à l’élevage traditionnel pour nourrir une nation n’est pas envisageable. L’élevage industriel, dont il existe déjà quelques tentatives plus ou moins réussies, devra s’insérer dans une vision planétaire des phénomènes » (p. 339-340). Les auteurs proposent des pistes pour un élevage plus dignes : « des locaux aménagés pour une stabulation libre ; un espace calculé pour chaque animal en fonction de ses besoins réels et non des désirs ou opinions des « responsables » ; le respect des mœurs naturelles fondamentales de chaque espèce ; la possibilité, pour chaque animal, d’entrer ou de sortir de son local d’élevage, au moins pendant un certain temps journalier ; une nourriture saine pour l’animal et le consommateur ; une aération, une ventilation, une hygrométrie correctes ; la suppression totale des batteries, tant pour les veaux, les porcs que les poules ; la remise en valeur de nos prés de montagne » (pp. 335-336).

Finalement, l’élevage a-t-il changé 40 ans plus tard ? Nous posons la question au Pr Jean-Claude Nouët. « Oui, l’élevage s’est amélioré petit à petit, car le combat contre l’élevage intensif a continué. » Si les lignes bougent lentement, elles bougent malgré tout. La Commission européenne va proposer l’arrêt progressif des cages pour les animaux d’élevage. La castration à vif des porcelets ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir. De même pour l’élimination des poussins par broyage, gazage ou asphyxie en France.

« Un tournant important a été l’étiquetage du mode d’élevage des poules pondeuses pour les œufs coquilles, dont la LFDA et l’OABA sont à l’origine, ajoute le Pr Nouët. La Commission européenne a d’ailleurs reconnu dans un document de 2009 sur l’étiquetage du bien-être animal que l’étiquetage des œufs avait permis de réduire la proportion de poules élevées en cage. Le droit des consommateurs a été décisif, et pour cela, il fallait que le consommateur soit informé. » La LFDA et l’OABA ont continué sur la voie de l’information au consommateur avec le développement d’un étiquetage du bien-être animal, en partenariat avec deux autres ONG (CIWF France et Welfarm), des distributeurs et des producteurs. À présent, l’Union européenne envisage l’instauration d’un tel étiquetage à l’échelle communautaire.

Conclusion

Le Grand Massacre est l’ancêtre des vidéos clandestines tournées dans les élevages. Il proposait aux lecteurs des années 1980 de découvrir d’où provenait leur quasi de veau, leur cuisse de poulet ou leurs œufs. Il a fait l’objet de nombreux articles de presse, d’un passage des auteurs dans l’émission « Droit de réponse » du 9 janvier 1982 et d’un abondant courrier de félicitations, de la part de personnalités telles que Robert Badinter, Claude Hettier de Boislambert, Édouard Bonnefous, Alain Poher… Ce dernier, alors président du Sénat, écrivit au Pr Nouët : « les exemples que vous donnez sont saisissants et je pense qu’il était temps que l’opinion publique mesure jusqu’à quels excès peut mener un esprit de profit de plus en plus débridé » (lettre du président du Sénat Alain Poher au Pr Jean-Claude Nouët, 4 novembre 1981).

Mais l’ouvrage a dû faire face à une forte opposition. Il n’a d’ailleurs pas pu être mis entre les mains du plus grand nombre, et pour cause : après un premier tirage à 8000 exemplaires partis comme des petits pains, le livre a été mis au pilon… Jean-Claude Nouët se souvient encore d’une conversation téléphonique entre Edgar Pisani, ancien ministre de l’Agriculture et alors commissaire européen chargé du développement, et Henri Nallet, conseiller technique agricole du Président de la République, alors qu’il était dans le bureau du premier. Nallet hurlait de colère à propos de l’ouvrage à l’autre bout du téléphone. Le Grand Massacre en a dérangé plus d’un en haut lieu. Il faut dire que les auteurs ne se sont pas gênés pour dénoncer un système en citant des noms de responsables, à l’Inra, au sein de l’administration, etc.

Aujourd’hui, il n’est pas aisé de se procurer cet ouvrage d’investigation, sauf à trouver quelques exemplaires d’occasion sur Internet, ou à le dévorer dans la bibliothèque de la LFDA. Pourtant, il mérite d’être lu, pour son récit riche, sérieux, spectaculaire et courageux. Il le mérite aussi pour se souvenir du chemin parcouru et tirer les leçons du passé. Pour continuer à se battre pour améliorer le sort des animaux d’élevage. Finissons sur ses quelques mots du Pr Alfred Kastler, qui clôt l’ouvrage : « Qu’on ne se méprenne pas sur nos motivations. Si nous avons eu l’occasion de montrer les dangers qu’un élevage inhumain crée pour le consommateur, notre motivation principale est d’ordre éthique. Même si l’élevage en batterie était propice au consommateur, nous le condamnerions. Nous n’avons pas le droit de fonder notre bien-être sur les souffrances d’êtres vivants et l’irrespect de la Vie » (p. 342).

Nikita Bachelard

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