La Suisse refuse l’interdiction des tests sur animaux

Le 13 février 2022, les Suisses ont été appelés aux urnes pour se prononcer sur l’interdiction de l’expérimentation sur les animaux. Habitués à s’exprimer régulièrement à travers des référendums, les Suisses ont rejeté à 79,1 % l’initiative « Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès ». C’est un camouflet pour les initiateurs, un groupe de citoyens du canton de Saint-Gall, qui n’avaient pas les moyens de faire campagne en faveur de leur proposition et n’ont reçu aucun soutien, que ce soit politique ou associatif.

Les Suisses ont loupé une chance de se prononcer contre l’expérimentation animale. Une telle décision aurait pourtant été historique.

Un manque de soutien à cette initiative

L’initiative helvète, qui prévoit également l’interdiction d’importer des produits testés sur des animaux, n’a pas reçu le soutien des organisations de protection animale suisses. Le texte était perçu comme trop radical et n’apportant pas de solutions aux professionnels de la recherche pour trouver des alternatives. En outre, l’initiative traitait aussi de l’expérimentation humaine. Ces deux sujets – l’expérimentation humaine et l’expérimentation animale – ne peuvent pas être traités de la même manière. D’abord, ils ne sont pas soumis à la même législation. Ensuite, dans le cas de l’expérimentation humaine, les participants ont le choix de participer ou non, et leur consentement est nécessairement recueilli. Cela n’est pas le cas pour les animaux, à qui l’on ne demande pas leur avis.

Des représentants d’ONG suisses ont estimé que le texte était mal écrit et pouvait se révéler inefficace, voire délétère pour les animaux. Ils reconnaissent toutefois, sur le fond, la pertinence de mieux réglementer l’expérimentation sur les animaux pour réduire toujours plus le nombre d’animaux dans les laboratoires. L’un d’eux estime que la réglementation représente un fardeau administratif mais qu’elle ne met pas suffisamment l’accent sur le remplacement des animaux : « dans la pratique, il est assez facile de montrer le caractère ‘indispensable’ d’une expérimentation animale. »

Faire vivre le débat sur l’expérimentation

Cette votation suisse a eu pour mérite de relancer le débat sur l’expérimentation animale, sujet de controverse relativement peu abordé dans les médias. En France, ces derniers se sont fait l’écho des résultats – la LFDA ayant d’ailleurs été interviewée.

Les Français auraient aussi pu avoir un référendum sur le sujet si 185 parlementaires courageux avaient accepté de soutenir le « référendum pour les animaux ». En effet, une des six propositions du référendum concernait les tests sur les animaux. Malheureusement, le compteur des parlementaires soutenant l’initiative est resté bloqué à 152.

Reconnaissons que le sort des animaux de laboratoire dans l’Union européenne s’est amélioré au fil des années, grâce à une législation fondée sur le principe des 3R, visant à remplacer les méthodes basées sur l’utilisation d’animaux qui peuvent l’être par des méthodes « non-animales », réduire au minimum le nombre d’animaux utilisés et raffiner les méthodes d’expérimentation pour améliorer la condition des animaux dans le cadre des procédures. Cependant, la situation des animaux de laboratoire évolue trop lentement.

Pour cette raison, le 16 septembre 2021, le Parlement européen a adopté, à 667 voix pour et seulement quatre voix contre, une résolution demandant à la Commission européenne de préparer un plan d’action permettant d’éliminer progressivement l’utilisation d’animaux dans le cadre de la recherche, des tests réglementaires, de l’enseignement supérieur et de la formation. Les eurodéputés ont demandé « un ensemble d’objectifs, de réductions et de délais de mise en œuvre ambitieux, mais réalisables », passant par le développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale. Toutefois, le texte, non contraignant, n’oblige pas la Commission à agir.

En France, à la suite de ce vote, l’Académie nationale de Médecine, l’Académie des Sciences, l’Académie nationale de Pharmacie et l’Académie Vétérinaire de France ont publié un communiqué pour recommander « une expertise indépendante [qui] s’attache à identifier tous les domaines, dans lesquels la suppression du recours aux animaux en recherche pourrait avoir des conséquences négatives importantes et induire un abaissement du niveau de protection de la santé humaine ou animale ». Il nous paraitrait plus ambitieux de réaliser une expertise indépendante pour identifier tous les domaines dans lesquels la suppression du recours aux animaux en recherche serait réalisable à court et moyen termes, au bénéfice des animaux et des humains.

Conclusion

Si les Suisses n’ont pas voulu de l’interdiction de l’expérimentation animale qui leur était proposée, cela ne signifie pas qu’ils se moquent des animaux. En Suisse et dans l’Union européenne, c’est un domaine qui devra continuer à progresser, car il fait l’objet d’attentes sociétales fortes, comme le montrent les sondages sur le sujet. La législation devra évoluer. Ainsi que l’interdiction européenne des tests sur les animaux pour la production de produits cosmétiques l’a montré, une interdiction annoncée longtemps à l’avance incite les entreprises à trouver des solutions pour s’y conformer. Une législation ambitieuse permettrait de forcer le progrès scientifique.

Nikita Bachelard

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