Les animaux toujours largement utilisés pour la science en Europe

La Commission européenne compile les données sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques dans les États membres, ainsi qu’en Norvège, membre de l’Espace économique européen, et au Royaume-Uni jusqu’à sa sortie de l’Union européenne. En 2019, 10 401 673 animaux ont été utilisés pour la première fois (les animaux réutilisés ne sont pas comptabilisés) dans les 29 pays. Cela représente une baisse de 1,5 % par rapport à l’année précédente. La baisse de 2019 est très légère et il n’est pas possible de parler de tendance à ce stade. La réduction significative de l’expérimentation animale n’est visiblement pas pour tout de suite.

L’utilisation des animaux pour la science en Europe

Comme en France, l’espèce la plus utilisée en Europe en 2019 est la souris, avec 5,5 millions impliquées dans des procédures pour la première fois, soit 52,5 % du total, suivies par 2,5 millions de poissons (20 %) et 978 000 rats de laboratoire (9,4 %). Quant aux chiens, ils étaient un peu plus de 13 000. La Commission note que le nombre d’amphibiens et de céphalopodes utilisés a explosé (+274 % et +398 % respectivement), à des fins de préservation de l’espèce et de bien-être des animaux. Le nombre de primates non humains utilisés dans une première expérience est de 7 475, soit une baisse de 13 % par rapport à 2018.

Parmi, ces 10,4 millions d’animaux, 1,2 millions ont été utilisés pour créer ou maintenir des lignées d’animaux génétiquement modifiés, soit une baisse de 24 % par rapport à l’année précédente. Cependant, d’après la Commission européenne, les déclarations ne sont pas encore totalement au point et ce chiffre peut être approximatif.

Au total, 10,6 millions de procédures scientifiques ont impliqué des animaux, dont certains à plusieurs reprises. La proportion d’animaux réutilisés est de 2 % environ et concerne majoritairement des grands mammifères (chevaux, ânes, moutons et primates), mais aussi des reptiles. Un quart des expériences impliquait des animaux génétiquement modifiés.

Sur ces 10,6 millions de procédures, 45 % ont été menées pour la recherche fondamentale. Les domaines utilisant le plus d’animaux sont l’étude du système nerveux, l’étude du comportement des animaux, l’étude du système immunitaire et la cancérologie. Vient ensuite la recherche appliquée, avec 27 % des procédures, pour des recherches principalement en médecine vétérinaire, cancérologie humaine, troubles mentaux et troubles infectieux. L’utilisation des animaux requise par les réglementations (pour les tests de toxicité de médicaments à usage humain principalement, mais aussi des médicaments vétérinaires et des produits chimiques) concernait 17 % des procédures et l’utilisation d’animaux pour la production d’anticorps ou de sang, 6 %. Les 5 % restant concernaient la recherche sur la protection de l’environnement, la préservation des espèces, mais aussi l’éducation et la formation.

Les procédures de sévérité grave pour les animaux constituent 9 % du total, soit un peu plus d’un million d’animaux, ce qui n’est pas rien. Elles sont réparties entre 35 % pour la recherche fondamentale, 31 % pour la recherche appliquée et 29 % pour l’utilisation réglementaire. Les procédures de sévérité légère représentent 52 % du total, les procédures de sévérité modérée, 33 %, et les procédures entrainant la mort de l’animal, 6 %.

Manque d’utilisation des méthodes alternatives

Dans cette enquête statistique à l’échelle de l’Union élargie, la Commission européenne s’inquiète de l’arrêt de la baisse d’animaux utilisés dans des tests pour lesquels des méthodes sans animaux existent. En effet, le fondement de la directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques est l’utilisation des méthodes alternatives à l’expérimentation animale à chaque fois que cela est possible. Or, la Commission constate par exemple que les tests pyrogènes consistant à injecter une substance à des lapins pour détecter l’apparition de fièvre persistent (près de 31 000 tests au total) et ne diminuent plus entre 2018 et 2019 (après une baisse de 35 % entre 2015 et 2018). Pourtant, des méthodes alternatives ont été validées par le laboratoire européen de référence pour les méthodes alternatives (ECVAM).

À ce propos, la France est mauvaise élève. Les laboratoires français continuent de pratiquer ces tests pyrogènes sur les lapins (39 % de ces tests sont réalisés en France, ce qui en fait la championne européenne). Comme si cela ne suffisait pas, la France est l’un des derniers pays européens à utiliser la méthode de l’ascite sur des souris pour produire des anticorps monoclonaux : sur 37 000 tests réalisés dans 6 États membres, près de 36 000 ont eu lieu dans les laboratoires français ! Cette méthode classée « sévère » entraine des grandes souffrances pour les animaux. Et pour couronner le tout, des méthodes sans animaux existent depuis plus de vingt ans.

Pour que les méthodes sans animaux soient utilisées en lieu et place des expériences sur animaux, il faut que les chercheurs aient connaissance de l’existence de ces méthodes (et qu’ils veuillent bien les utiliser). En principe, chaque projet de recherche avec animaux doit faire l’objet d’une autorisation par un comité d’éthique et l’autorité compétente nationale. L’un ou l’autre doivent exiger d’un porteur de projet qu’il revoit sa copie s’il n’a pas pris en compte des méthodes alternatives existantes.

Faire progresser la France sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques

Au mois de novembre, la LFDA a rencontré la direction générale de l’environnement (DG ENVI) de la Commission européenne au sujet des animaux de laboratoire. La DG ENVI reconnait que la France est à la traine dans ce domaine. Elle a notamment mis des années à publier des statistiques sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques conformes aux attentes de la Commission.

La France est le deuxième des pays européen qui utilisent le plus d’animaux en 2019, derrière l’Allemagne et devant le Royaume-Uni et la Norvège. Évidemment, les domaines d’activités de chaque pays sont différents, ce qui limite les comparaisons entre eux. Néanmoins, la LFDA et la DG ENVI relèvent toutes deux le problème d’impartialité des comités d’éthique (certains membres sont amenés à étudier le dossier de leurs collègues) et le manque de connaissance sur les méthodes alternatives (absence de membre spécialisé en la matière).

La Commission européenne n’a pas prévu, pour l’heure, de réviser la directive sur la protection des animaux à des fins scientifiques. Cependant, la DG ENVI reconnait que des efforts doivent être faits pour tendre vers l’arrêt de l’expérimentation animale, qui est l’objectif final de la directive selon son considérant 10. Ces efforts passent par la bonne mise en œuvre de la législation. C’est pour cela que la DG ENVI travaille avec les autorités compétentes françaises pour améliorer la déclaration des données et réduire les tests pour lesquels des alternatives existent. La bonne mise en œuvre de la législation passe par le financement du développement des méthodes sans animaux et par le fait d’éviter de dupliquer des procédures identiques. C’est le rôle de la DG ENVI à l’échelle de l’Union, et du centre sur les 3R national France Centre 3R (FC3R), dont le comité d’orientation et de réflexion est présidé par le président de la LFDA. La fondation s’investit plus que jamais pour réduire le nombre d’animaux utilisés pour la science.

Nikita Bachelard

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