La chasse ou la démocratie ?

De nombreux pays européens ont déjà interdit la chasse au moins un jour par semaine pour que les promeneurs puissent être en sécurité dans la nature. Pourquoi la France est-elle si en retard ?

Pourquoi plusieurs pays de l’Union européenne ont-ils décidé courageusement d’interdire la pratique de la chasse certains jours de la semaine, dont souvent les week-ends, c’est-à-dire lorsque les gens voudraient pouvoir se promener dans la nature en toute tranquillité, alors qu’en France cette mesure de bon sens, réclamée par de nombreuses organisations, vient de nouveau d’être repoussée par le Gouvernement ?

Pourquoi certaines décisions, relatives à la protection de certaines espèces animales menacées de disparition, prises aujourd’hui à l’échelle européenne – qui n’est pas, en principe, un chiffon de papier – ne sont-elles pas respectées dans notre pays dans le domaine de la chasse ?

Pourquoi s’obstine-t-on, en France, à ne pas tenir compte de l’avis général de la population, alors que tous les sondages montrent et démontrent que plus des trois quarts de celle-ci voudraient interdire toutes les sorties de chasse, notamment, le dimanche, en tout cas au moins un jour par semaine ? Et même que, d’une façon générale, une grande majorité de Français ne sont pas du tout favorables à la chasse-de-loisir. Les chasseurs le savent parfaitement. Ici ou là, pour faire profil bas, quelques associations de chasseurs (dans l’Hérault, par exemple) ont décidé de ne plus chasser une demi-journée par semaine… Gadget ou hypocrisie ?

Pourquoi, s’agissant de pratiques qui font débat, qui se soldent chaque année par la mort de plusieurs promeneurs ou habitants, voisins des lieux de chasse, ne laisserait-on pas aux départements ou aux communautés de communes le soin de décider eux-mêmes, par exemple à la suite de referendums locaux, d’instaurer ou non des journées sans chasse, voire – pourquoi pas ? – d’interdire toutes chasses de loisir sur leur territoire ? Ne serait-ce pas une belle application de la démocratie locale ?

Pourquoi ne se préoccupe-t-on de nos liens avec le monde animal – pourtant, l’un des éléments majeurs de l’écologie, n’est-ce pas ? – que lorsque cela n’a pas une grande importance sur le plan électoral ou ne contrarie pas les puissants lobbys ? (la Fédération nationale des chasseurs n’en fait-elle pas partie ?) Car, il semble que la seule et véritable motivation du choix de ne pas interdire la chasse les dimanches (et, pourquoi pas, les jours fériés, journées idéales pour les randonneurs ?) se cacherait du côté des urnes, au fond des urnes, au cas, précisément, où le fait de priver les chasseurs d’exercer ce noble sport pendant les week-ends pourrait se traduire, lors des prochains scrutins, par des votes-sanctions.

Donc, à ce jour, entre l’exercice de la démocratie au quotidien et l’exercice de la chasse-pour-le-plaisir les week-ends, le choix qui vient d’être fait par le Gouvernement est clair. Circulez, il n’y a rien à voir, sauf à craindre pour sa propre sécurité dans les zones de chasse, sauf à traumatiser inutilement des milliers d’animaux qui ne font de tort à personne et qui ont envie de vivre, et sauf à laisser survenir, par malheur ou par hasard, un nouvel accident de chasse mortel que l’on imputera alors à la malchance. Dans l’immédiat, la création d’un délit d’alcoolémie pour les chasseurs imprudents et la mise en place d’une application pour smartphone (afin d’informer les usagers de la nature) ne sont là que des mesurettes de circonstance, assez dérisoires, et qui ne vont sans doute pas rassurer pour autant les familles des trop nombreuses victimes d’accidents de la chasse.

Enfin, faudra-t-il attendre que l’une de celles-ci soit un proche parent d’un parlementaire ou d’un ministre, pour que ceux-ci s’en émeuvent à juste titre, interviennent aussitôt en haut lieu et décident, enfin, sous le coup d’un malheur que l’on partage déjà, de faire modifier cette loi qui, ne l’oublions pas, ne satisfait qu’une infime partie de la population ?

En réponse à la Fédération nationale des chasseurs qui a trouvé que le nouveau plan du gouvernement est « équilibré » et « va contribuer à réduire le sentiment d’insécurité des riverains quand il y a des chasses » (sic), – en quelque sorte, un modus vivendi dont on va devoir s’accommoder –,  Allain Bougrain-Dubourg, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), a, quant à lui, fait ce constat, qui interpelle notre démocratie : « L’abandon du dimanche sans chasse constitue un mépris inacceptable à l’égard des 80 % des Français qui attendent un cessez-le-feu. » Assurément, propos d’un Sage !

Alain Grépinet


ACTUALITÉS