Certaines forces politiques bloquent tout progrès pour les animaux

Un rapport de l’ONG CIWF révèle comment votent les partis politiques sur les sujets liés aux animaux d’élevage au Parlement européen.

Parlement européen

La révision de la législation européenne sur la protection des animaux est sérieusement mise à mal. Les propositions de la Commission européenne étaient prévues pour la fin du mois de septembre, mais rien n’a été présenté à ce jour. Des forces politiques s’opposent à cette révision, en premier lieu le Parti populaire européen (PPE), dont est issue la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen. L’ONG Compassion In World Farming (CIWF) a analysé le positionnement des divers partis politiques représentés au Parlement européen. Elle en tire le constat suivant : la droite en particulier, influencée par les lobbies de l’élevage intensif, bloque toute avancée en matière de protection animale.

La législation sur la protection animale sera-t-elle révisée ?

En 2020, la Commission européenne s’est engagée à réviser la législation sur la protection des animaux, particulièrement le règlement sur le transport et celui sur l’abattage, ainsi qu’à évaluer la pertinence d’un étiquetage européen sur le bien-être animal. Puis, en 2021, elle a annoncé qu’elle allait mettre fin à l’élevage en cage progressivement, en réponse à l’initiative citoyenne européenne « Pour une ère sans cage ». Ces décisions s’inscrivent dans le cadre du Pacte vert européen, le programme de travail de la Commission pour ses cinq années de mandat. Le Pacte vert met l’accent sur l’environnement, la lutte contre le changement climatique et la transition écologique.

La Commission devait présenter ses propositions législatives d’ici la fin du troisième trimestre 2023. On attend toujours. Dans un contexte de crise (financière, économique, sociale…), le PPE est opposé à davantage de contraintes pour les citoyens et particulièrement pour les éleveurs. La formation politique se présente comme le parti des agriculteurs. Résultat, lors de son discours annuel sur l’état de l’Union devant le Parlement européen le 13 septembre, Von Der Leyen n’a pas dit un mot sur la révision législative sur la protection des animaux, mais a annoncé l’ouverture d’un « dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture dans l’UE ». D’aucuns y auront vu un signal envoyé à son parti en vue d’un second mandat.

Les partis qui freinent l’amélioration du bien-être animal

CIWF a analysé le positionnement des 702 membres du Parlement européen au sujet de la condition des animaux de consommation. Pour ce faire, l’ONG s’est intéressée à 16 votes de rapports, résolutions ou encore projet de loi en lien avec ce sujet, qui se sont tenus entre 2019 et 2023. Parmi ces votes, les eurodéputés ont rejeté un amendement visant à reconnaître les poissons comme des êtres sentients, dans le cadre d’un rapport sur la pêche en 2021. Toujours en 2021, dans une résolution sur l’élevage en cage, les eurodéputés ont adopté un amendement demandant à la Commission d’interdire le gavage des canards et des oies pour la production de foie gras. Autre exemple : en 2022, les eurodéputés ont rejeté un amendement appelant à la fin des exportations d’animaux vers les pays tiers.

Au total, 10 265 votes individuels ont été analysés. Pour chaque vote, les eurodéputés ont reçu deux points s’ils votaient en faveur des animaux, un point s’ils s’abstenaient et zéro point s’ils votaient contre les animaux. Le score obtenu a ensuite été converti en pourcentage. Il en ressort que les partis de droite Parti des conservateurs et réformistes européens (ECR), Identité et démocratie (ID) et PPE, qui cumulent 303 sièges au Parlement, ont voté respectivement à 28 %, 25 % et 23 % en faveur des animaux. À gauche, les Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) et la Gauche au Parlement européen (GUE/NGL) votent massivement pour les animaux : respectivement 96 % et 92 % de votes favorables. Les Socialistes et démocrates (S&D) comptabilisent 50 % de votes favorables aux animaux. Au centre, Renew Europe, qui compte 101 sièges, totalise seulement 35 % de votes en faveur de la condition animale. Reste les Non-inscrits, qui comptabilisent 43 % de votes favorables.

Le positionnement des eurodéputés français

Les 79 eurodéputés qui représentent les citoyens français au Parlement européen ont obtenu un score de 45 %. Pourtant, selon un nouveau sondage de la Commission européenne réalisé en mars 2023, 92 % des Français considèrent que le bien-être des animaux d’élevage devrait être mieux protégé. Les eurodéputés luxembourgeois obtiennent le score le plus élevés (66 %), mais ils ne sont que 6. Pour l’Allemagne, la proportion s’élève à 58 %, pour 96 eurodéputés. À l’inverse, les États membres qui obtiennent les plus mauvais scores sont la Roumanie (seulement 18 % des votes favorables aux animaux pour 33 eurodéputés) et la Bulgarie (22 % pour 17 parlementaires européens).

Lire aussi : Les attentes des Européens sur le bien-être animal (revue n°119)

En France, la France Insoumise, qui fait partie de GUE/NGL, a obtenu un score de 100 % et Europe Écologie – Les Verts (Greens/ALE) un score de 99 %. Les partis français membres de S&D obtiennent des scores honorables : Place publique, 100 %, une partie de la liste Renaissance, 78 %, Nouvelle Donne, 72 %, et le Parti socialiste, 62 %. Les partis de la majorité nationale, appartenant au groupe Renew Europe, sont nettement moins intéressés par les animaux : le score d’Horizons est de 38 %, 37 % pour le reste de la liste Renaissance, 32 % pour le Modem, 31 % pour la République en marche et 27 % pour Agir. À l’extrême droite, les 19 parlementaires européens du Rassemblement national et les deux de Reconquête ! ont accordé seulement 17 % de leurs votes aux animaux. Enfin, les bons derniers sont les six eurodéputés Les Républicains, qui obtiennent un score de 7 %.

Les élections européennes en vue

Globalement, on voit que certains partis, plutôt à droite et à l’extrême-droite de l’échiquier politique, se désintéressent du sort réservé aux animaux d’élevage. Pourtant, les Français et les Européens de tous bords politiques y sont sensibles. Les élections européennes qui se tiendront le 9 juin 2024 seront une opportunité d’envoyer un message clair aux politiques sur les attentes citoyennes en matière de protection des animaux. Un Parlement européen favorable aux animaux offrira la possibilité de voir aboutir la révision des règles de protection animale tant attendue. Nous avons le pouvoir par le vote.

Nikita Bachelard

ACTUALITÉS