Sensibiliser les enfants à la condition animale: le colloque 2023 de la LFDA

Le 5 décembre 2023, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) coorganisait le colloque « Connaître et respecter les animaux : un enjeu pour l’Éducation nationale » avec la Fondation A. & P. Sommer. De nombreux experts issus du monde de l’enseignement et de la société civile se sont exprimés sur le thème de la sensibilisation des élèves au respect des animaux.

« L’enseignement moral et civique sensibilise également, à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale », énonce l’article L312-15 du code de l’éducation. Cette mesure est issue de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Bien qu’aussitôt transcrite dans le code de l’éducation (mais toujours pas dans les programmes d’éducation morale et civique), elle reste peu connue, même parmi les enseignants.

Voir aussi: « Colloque : Connaître et respecter les animaux : un enjeu pour l’Éducation nationale »

Étendre la sensibilisation des enfants

Louis Schweitzer, président de la LFDA, a d’emblée étendu la sensibilisation des enfants à tous les animaux, pas seulement ceux de compagnie, notamment la faune sauvage. Respecter les animaux, c’est tout simplement respecter la vie. Les animaux suscitent souvent chez nous, et particulièrement chez les enfants, des relations fondées sur l’empathie.

Lors de son intervention intitulée « Langage animal et langage humain », Boris Cyrulnik, médecin psychanalyste et psychiatre, a raconté comment il emmenait ses étudiants observer les goélands et tenter de comprendre ce qu’ils ont à nous dire. « Se décentrer de nous-même pour oser visiter un autre monde mental que le nôtre. » Cette pratique ne peut que développer l’empathie, qui s’arrête dès lors que l’on s’interdit d’explorer d’autres mondes mentaux. « Plus on étudie le monde animal, plus on comprend le monde humain. »

L’apprentissage de l’empathie

Une réflexion prolongée par Dominique Droz, psychologue clinicienne, cofondatrice d’Education Ethique Animale (EEA), dans sa présentation « Aimer, connaître, respecter : apports pour la société d’une meilleure considération de l’animal ». Elle y a expliqué que l’animal facilite l’apprentissage de l’empathie et de la raison chez les enfants, de même que leur esprit critique, leur curiosité. La vulnérabilité des animaux, même les moins aimés, peut marquer un enfant. « Reposer dans l’herbe une limace égarée dans la cour sera plus parlant qu’un discours. L’animal sauvage est souvent le dernier ambassadeur du monde naturel, un sacré éveil à la beauté/bonté. »

Marine Grandgeorge, maîtresse de conférences en éthologie, a, elle, consacré son allocution à « L’intérêt du contact avec les animaux pour l’éducation ». Elle s’est notamment appuyée sur l’exemple de la médiation animale, notamment en milieu scolaire, précisant que la simple coprésence ne suffit pas. L’animal doit bien sûr être intégré dans un projet pédagogique et son bien-être assuré.

L’étude conduite en 2023 dans une école primaire lyonnaise par Luc Mounier, professeur en bien-être animal, responsable de la chaire bien-être animal à VetAgro Sup, a montré la très bonne reconnaissance par les enfants des émotions des animaux, de leur individualité (tous veulent qu’ils aient un prénom), doublée d’une méconnaissance des animaux de ferme (22 % n’ont jamais visité de fermes).

Le bétail et les volailles, par exemple, ne sont jamais envisagés comme des sujets, alors même que leurs capacités cognitives sont attestées, a observé Jessica Serra, éthologue. L’enfant est capable d’empathie pour de nombreuses espèces animales, pour autant que nous lui transmettions des connaissances et pas le poids des croyances. « Les enfants apprécient le partage des découvertes en éthologie », qui ne manquent pas.

Sans attendre la transcription dans les programmes de l’article L312-15, Marie-Laure Laprade et son association EEA ont mis à disposition des enseignants des outils et une formation gratuite, disponible en ligne, soutenue par la ministre wallonne de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-Être animal, Céline Tellier. Comme Louis Schweitzer, Marie-Laure Laprade envisage l’animal au sens large, sous ses aspects éthologique, écologique, esthétique, littéraire, sans oublier de présenter ses capacités émotionnelles et sensorielles. Elle a également souligné que la violence exprimée par certains enfants vis-à-vis des animaux doit interpeller l’enseignant, l’enfant pouvant plus facilement verbaliser les mauvais traitements subis par les animaux de la famille (chaton claqué contre le mur) que par lui-même. L’enseignant se doit d’être à l’écoute de cette parole, réactif et donner l’alerte. Une vie peut en sauver une autre.

La condition animale, richesse pédagogique

Arnaud Bazin, sénateur du Val-d’Oise et président de la section Animal et Société au Sénat, a préconisé que les enfants apprennent à connaître tous les animaux, leurs différentes catégories, avec la continuité et la discontinuité avec l’humain. Leur exploitation par les humains peut générer des souffrances inutiles, lors de l’abattage sans étourdissement ou très simplement en punissant un chien présentant de l’anxiété de séparation. Il a également rappelé certains risques zoonotiques (salmonelles avec les tortues détenues en classe).

Des initiatives innovantes en Wallonie

La Wallonie s’est dotée d’un Conseil du bien-être animal et d’une ministre dédiée, Céline Tellier, qui a plaidé « pour changer notre rapport aux animaux, non par peur de la loi mais parce que nous les comprenons ». Le ministère du bien-être animal (BEA) a fait plancher les écoles primaires sur un programme de sensibilisation des enfants au respect des animaux avec la création d’un jeu, Puissance CAT. Les équipes de Céline Tellier ont développé le programme PEACE, avec un chien et un animateur qui viennent en classe pour prévenir les morsures. Céline Tellier a déclaré que le code du BEA s’apprend comme celui de la route. Son ministère organise des journées du BEA pour les professionnels comme pour les particuliers, avec le site Pense-BETE, pour parents et enfants, ces derniers pouvant décrocher leur « permis d’adopter » tandis que leurs parents doivent obtenir légalement leur permis de détention.

Anne-Claire Gagnon

Article abrégé et republié avec l’aimable autorisation de La Semaine Vétérinaire (n° 2024). Les vidéos du colloque sont disponibles sur le site et le compte Youtube de la LFDA. Les actes seront publiés au second semestre 2024.

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