L’abeille, de l’individu à la ruche, un animal indispensable pourtant fragilisé

L’abeille, de l’ouvrière à la reine, tous indispensables !

Au centre de la ruche bourdonnante à 3435° C se trouve la reine qui pond chaque jour, durant 3 à 5 ans, 1 500 à 2 000 œufs. En apiculture, elle est remplacée tous les deux ans. L’achat et la circulation des reines sont encadrés par la directive n° 92/65/CEE (1) et contrôlés au sein de chacun des États Membres.

Les mâles, appelés faux-bourdons, fécondent la reine lors de son vol nuptial de printemps. S’ils réussissent à se reproduire, ils mourront ; sinon, ils seront chassés de la ruche à la fin de l’été. Le cœur de la ruche est constitué de 40 à 60 000 ouvrières, ayant chacune selon son âge un rôle précis. Durant leurs 4 à 6 semaines de vie, les ouvrières produiront de nombreuses substances, essentielles à la vie de la ruche et utilisées à différentes fins par l’Homme.

En premier lieu, les jeunes ouvrières produiront de la gelée royale afin de nourrir la reine. Elles produiront ensuite de la propolis, ciment utilisé pour colmater les trous entre les alvéoles de la ruche, utilisée par l’Homme comme antiseptique contre les infections bactériennes.

Elles produiront par la suite la cire utilisée pour construire les alvéoles qui contiendront larves ou miel. Enfin, les « vieilles ouvrières » devenues butineuses partiront à la recherche de pollen et du nectar des fleurs. Le pollen est source de protéines pour le couvain (alvéoles dans lesquelles a lieu le passage de la larve à l’adulte).

Chaque butineuse transporte 500 000 grains de pollen sur ses pattes postérieures et ses poils. Lors de la mise en contact d’un grain de pollen avec une autre fleur de la même espèce, il y a pollinisation, la fleur fécondée deviendra un fruit (récolté ou disséminé pour garantir la pérennité de la plante à fleur. Enfin, le miel, source d’énergie pour les abeilles, est le nectar butiné sur les fleurs et transporté dans le jabot des butineuses (2). Mille fleurs donnent 30 mg de nectar butiné. Au cours de sa vie, une abeille produit 18 g de miel (3).

L’abeille domestique face à ses ennemis biologiques !

L’abeille a de nombreux prédateurs de toutes tailles  : mammifères, reptiles, oiseaux, araignées, guêpes, frelons asiatiques… Ces prédateurs s’attaquent essentiellement à l’abeille en tant que proie. D’autres ennemis biologiques, rapportés par les butineuses au cours de leurs voyages, sont plus dangereux, cette fois pour la colonie.

De nombreuses maladies parasitaires (comme la varroase), virales (comme le virus du couvain sacciforme : SBV) et bactériennes (comme les loques américaines et européennes) sont ainsi rapportés à la ruche. Ces trois maladies s’attaquent au cycle de reproduction de la ruche. Elles font l’objet d’une surveillance accrue en Europe et en France (4). Deux maladies sont particulièrement surveillées au sein du dispositif de surveillance épidémiologique programmé de la mortalité des abeilles : le dispositif EPILOBEE.

D’un coté, la varroase a été retrouvé dans 36 % des ruchers français en 2012-2013 (5). Le Varroa destructor, acarien de 1,8 mm, originaire d’Asie du Sudest, apparu en Europe en 1982 en est le responsable car il se nourrit des larves du couvain de l’abeille domestique. Jugée sérieuse, la varroase des abeilles a été ajoutée dès 1978 à la nomenclature des zoonoses réputées contagieuses et de « dangers sanitaires de deuxième catégorie » (6). Certaines bactéries sont également ramenées par les butineuses.

C’est le cas de Bacillus larvae (maladie de la loque américaine, « dangers sanitaires de première catégorie  » (6)) et Streptococcus pluton (maladie de la loque européenne, « dangers sanitaires de première catégorie  » (6)). Ces bactéries se nourrissent aussi au couvain. Elles ont été détectées dans 10 % des colonies analysées par le dispositif EPILOBEE en 2012-2013 (5).

En cas de suspicion de maladie, l’apiculteur doit en avertir les Directions Départementales de la Protection des Populations via leur service Données sanitaires départementales (DDecPP). En cas de maladie avérée, par arrêté préfectoral les ruchers infectés ou à proximité sont détruits. Afin de lutter contre ces ennemis biologiques, certains proposent de faire muter les abeilles afin de leur conférer une meilleure biorésistance et un meilleur comportement hygiénique d’élimination du couvain parasité.

Cependant, certains craignent de la part de l‘acarien Varroa destructor un développement de stratégies de défenses naturelles réduisant l’ensemble des efforts à néant.

L’abeille domestique face à l’Homme !

Aux ennemis biologiques qui affaiblissent abeilles, colonies et ruchers s’ajoutent certaines pratiques agricoles et apicoles aggravantes : monoculture, substitution du miel par du HFCS (un sirop de sucre issu du maïs affaiblissant le système immunitaire de l’animal) ou encore concentration de nombreux ruchers dans une même zone.

Aux ennemis biologiques et pratiques agricoles s’ajoute l’utilisation de nombreux insecticides, à l’image des néonicotinoïdes, bientôt interdits (voir l’article sur le sujet en section Droit de cette revue). Cette famille de sept molécules est utilisée à usage préventif pour traiter par enrobage les semences des plantes et le sol des cultures. La plante est ainsi imprégnée toute sa vie des principes actifs de ces néonicotinoïdes. En butinant, les abeilles entrent incontestablement en contact avec les molécules.

L’abeille est sensible à ces molécules, même utilisées à très faibles doses. Elle est par exemple sensible à une concentration de 3 ppb (partie par milliard) pour l’imidaclopride, molécule du Gaucho. Les doses de traitement les plus faibles dépassent les 100 ppb (7). De plus, les néonicotinoïdes persistent dans le sol et se propagent aux plantes sauvages jusqu’à deux ans après leur épandage.

Les molécules « tapent sur le système » nerveux et plus particulièrement sur le système de localisation de l’abeille qui, désorientée, ne peut retrouver sa ruche. Le nombre de butineuse se réduit, les stocks diminuent et c’est toute la ruche qui s’en retrouve affaiblie. « L’abeille est une sentinelle de l’environnement, un vrai signal d’alerte. Mieux la prendre en compte aidera l’agriculture toute entière à être plus raisonnable » (Yves Gore).

Florian Sigronde Boubel

  1. DIRECTIVE 92/65/CEE DU CONSEIL du 13 juillet 1992 définissant les conditions de police sanitaire régissant les échanges et les importations dans la Communauté d’animaux, de spermes, d’ovules et d’embryons non soumis, en ce qui concerne les conditions de police sanitaire, aux réglementations communautaires spécifiques visées à l’annexe A section I de la directive 90/425/CEE. eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1992L0065:20070501:fr:PDF
  2. Exposition au jardin des plantes de Paris présentant l’abeille, ses maladies, son rucher, le symbôle qu’elle véhicule, son importance…
  3. Ballades entomologiques, Les abeilles en chiffres.
  4. Arrêté du 11 août 1980 relatif au dispositif sanitaire de lutte contre les maladies des abeilles, (version consolidée au 7 août 2015).
  5. Bulletin épidémiologique, santé animale et alimentation n° 62, F. Bendali et al. Surveillance de la mortalité et des maladies des abeilles en France : résultats de la première année du programme européen dans six départements pilotes. [PDF]
  6. Décret n° 2012-845 du 30 juin 2012 relatif aux dispositions générales organisant la prévention, la surveillance et la lutte contre les dangers sanitaires de première et deuxième catégorie.
  7. Centre national de la recherche scientifique (AFSSA, CNRS, INRA), (06/2000), Bonmatin et al. Effets des produits phytosanitaires sur les abeilles.

Article publié dans le numéro 89 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.

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