Un eurobaromètre au beau fixe pour les animaux

mouton troupeau

Les Européens se préoccupent vraiment du bien-être des animaux, annonce un nouveau sondage publié le 15 mars 2016. La Commission européenne a en effet publié un nouvel eurobaromètre intitulé « Attitudes des Européens à l’égard du bien-être animal ». L’opinion de 27 000 citoyens de l’Union européenne a été consultée sur la qualité de l’information et de l’éducation en matière de bien-être animal, les standards européens et internationaux ou encore l’information du consommateur. Il ressort du sondage quelques points très satisfaisants et encourageants, d’autres qui méritent une certaine réflexion, et que nous allons détailler ci-dessous. Les pourcentages français sont indiqués lorsqu’ils diffèrent de la moyenne européenne. Pour plus de détails, le résumé est disponible en ligne en français, le rapport complet étant en anglais (1).

Attitude des Européens et exigence de progrès

L’information majeure qui ressort de ce sondage est que la quasi-totalité des répondants considère qu’il est important de protéger le bien-être des animaux en élevage (98 % en France), dont plus de la moitié considère même cela « très important ». C’est rassurant. Les Européens considèrent également qu’il reste des progrès à faire, 82  % des répondants considérant que le bien-être des animaux d’élevage devrait être mieux protégé qu’il ne l’est aujourd’hui (88 % en France). Ce chiffre tombe à 74 % pour les animaux de compagnie, contre 19 % qui estiment qu’il n’a pas besoin d’être mieux protégé. Une forte variabilité existe selon les pays : Chypre, le Portugal et la Grèce montrent les pourcentages les plus élevés en faveur d’une meilleure protection du bien-être des animaux de compagnie (environ 90 %) quand d’autres n’estiment pas nécessaire une meilleure protection : ils sont les plus nombreux (environ 40 %) en Suède, Finlande et Pays-Bas. Une explication peut être que les habitants de ces pays considèrent la protection des animaux de compagnie suffisante chez eux. L’opinion est également quasi unanime sur la nécessité d’une obligation légale, au niveau de l’UE, de prendre soin des animaux utilisés à des fins commerciales (93 % des répondants en France). La très grande majorité des répondants (81 % en France) estime que ce sont les pouvoirs publics qui doivent traiter du bien-être animal en élevages : 40 % des Européens estiment que le sujet concerne l’ensemble des citoyens et doit donc être réglementé par les pouvoirs publics et 43 % estiment que le sujet doit être traité conjointement entre les entreprises et les pouvoirs publics (51 % en France). Une minorité de répondants (10 % en France) pense que le sujet concerne surtout le consommateur et doit donc être traité principalement par les entreprises. De plus, deux tiers des répondants estiment que l’UE doit prendre les décisions liées aux lois régissant la protection des animaux d’élevage, soit de façon conjointe avec les États membres (57 % en France), soit principalement seules (20 % en France). Vingt-huit pour cent des Européens estiment tout de même que les décisions doivent être prises principalement au niveau national (21 % en France).

Les Européens veulent la réciprocité dans les échanges internationaux

Concernant les échanges avec les pays tiers, la très large majorité des répondants estime que : « les produits importés provenant de pays hors de l’UE devraient respecter les mêmes normes de bien-être animal que celles appliquées dans l’UE » (94 % en France) ; « il est important de fixer des normes de bien-être animal reconnues dans le monde entier » (92 % en France) et « l’UE devrait faire davantage pour renforcer la sensibilisation à l’égard du bien-être animal au niveau international » (91 % en France). Pour cela, plus d’un Européen sur deux estime que le meilleur moyen serait une certification délivrée par l’UE (59 % en France) ou, pour presque un quart, une certification délivrée par les pouvoirs publics des pays exportateurs (20 % en France).

Les Européens veulent être mieux informés et avoir plus de choix

Deux tiers des Européens veulent plus d’information sur les conditions dans lesquelles les animaux d’élevage sont traités dans leur pays (presque trois quarts en France !). Presque autant d’Européens seraient prêts à payer au moins 5 % plus cher des produits en provenance de systèmes plus respectueux du bien-être animal (68 % en France). Ce chiffre est étonnamment haut, surtout en cette période de crise, mais il est à opposer à plus du tiers des répondants qui ne veulent ou ne peuvent dépenser plus pour ces produits (29 % en France). La moitié des Européens juge qu’il n’y a pas assez de choix en magasins et supermarchés pour les produits respectueux du bien-être animal.

De façon plus que surprenante, vu cette insuffisance, plus de la moitié des Européens utilisent les labels identifiant les produits en provenance de systèmes respectueux du bien-être animal pour leur achat (61 % en France). Néanmoins, plus d’un tiers ne recherche pas ces labels, et 10  % n’en connaissaient même pas l’existence (seulement 3 % en France). Les labels « bien-être animal » n’existant pas en France, on peut se demander ce que ces 61 % de répondants avaient en tête.

Il s’agit peut-être des labels bio, rouge, etc. qui pourtant ne peuvent être qualifiés de labels « bien-être animal » spécifiquement, car si certains vont au-delà des normes minimales réglementaires en requérant l’accès à un parc extérieur pour les animaux par exemple, ils ne sont tout de même pas excessivement exigeants. Les critères axés bien-être sont d’ailleurs inexistants pour la plupart des cahiers des charges « qualité », ou des chartes de bonnes pratiques. Il s’agit là néanmoins d’un chiffre très important, car il devrait encourager les producteurs et les distributeurs à développer d’autant plus rapidement ces labels « bien-être animal ». À condition qu’ils soient véritablement créés avec le souci de l’animal en tête, et non pour l’opportunité financière qu’ils représentent…

En conclusion

Ce nouvel eurobaromètre montre donc que tous les Européens s’accordent sur l’importance du bien-être des animaux en élevage, et sur les besoins de progrès pour la protection de ces animaux.

Plus d’obligations légales, une bonne coopération entre l’UE et les États membres pour légiférer et réglementer sur le sujet, une exigence de réciprocité dans les échanges internationaux, et une amélioration dans le choix des produits de consommation en provenance de systèmes respectant le bien-être animal sont les points à retenir.

Il est à noter que depuis le précédent eurobaromètre sur le sujet (qui date de 2006), on observe une évolution nette en faveur d’une meilleure reconnaissance du bien-être animal dans les législations et règlements, les échanges internationaux ou les produits de consommation. En particulier, depuis 10 ans, les Européens sont beaucoup plus nombreux à vouloir plus de choix de produits estampillés « bien-être animal », avec une augmentation de 9 points en 10 ans !

Sans vouloir ternir l’aspect très positif de ce nouveau sondage, rappelons tout de même que ce genre d’informations est à analyser avec précaution (2) : il est aisé de répondre à un sondeur que l’on est prêt à dépenser quelques euros de plus pour des produits « éthiques », il sera intéressant de comparer ces résultats avec ce qui est vraiment observé au moment de l’achat, souvent irrationnel.

Sophie Hild

  1. http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/PublicOpinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/SPECIAL/surveyKy/2096/
  2. Voir le rapport de thèse vétérinaire récompensé par l’OABA : « Attitudes et consentement à payer des consommateurs vis-à-vis du bien-être animal » par Delphine Weisslinger  : http://oatao.univ-toulouse.fr/14264/2/Weisslinger_14264.pdf

Article publié dans le numéro 89 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.

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