Extraits d’une conférence-débat, tenue le 12 décembre 1979 sous la présidence du Pr Alfred Kastler, Prix Nobel1.
Note : La réflexion de la LFDA s’est toujours basée sur les dernières connaissances scientifiques à disposition. C’est pourquoi sa position sur de nombreux sujets, tels que les fermes urbaines, a évolué.
L’avis de la LFDA en 1979
La mission de la LFDA (Ligue Française des Droits de l’Animal à l’époque où est rédigé cet article) est d’assurer la diffusion de la Déclaration des droits de l’animal, de faire comprendre et adopter les règles de son éthique, de veiller à son respect. C’est particulièrement auprès des enfants que la LFDA mène cette action. Elle vient de faire parvenir le texte de la Déclaration à tous les Centres Régionaux de Documentation Pédagogique, la mettant ainsi à la disposition de tous les enseignants qui peuvent la faire connaître et la faire commenter par les élèves. Car il est du rôle du corps enseignant de mettre l’accent sur tous les aspects qui aident l’enfant à prendre conscience de la place de l’homme dans la biosphère ; l’éducation doit apprendre dès l’enfance à observer, à comprendre et à respecter le monde vivant.
Or dans le monde actuel, considérablement perturbé, menacé de destruction où la violence explose à chaque instant, l’animal doit subir la terrible et mortelle prédation de l’homme. Le développement explosif et souvent déshumanisé de nos villes a accéléré et aggravé la fracture entre le monde animal et la société humaine. Les jeunes citadins ne peuvent plus avoir avec la nature que des relations épisodiques et frelatées. Par la faute du divorce consommé entre la campagne et la cité, les enfants ne savent plus qu’une vache donne le lait, que l’agneau et le veau ont une mère, que la poule pond des œufs et élève ses poussins. L’enfant des villes ne connaît plus l’animal des champs. Et il peut d’autant moins le connaître que l’élevage traditionnel s’efface devant l’industrie des protéines, que la ferme laisse la place à la « batterie », où l’animal n’est plus qu’une pauvre chose gavée, douloureuse, aseptisée, droguée, forcée et soigneusement tenue au secret.
Renouer les liens
Il nous faut renouer ces liens. Car permettre à nouveau l’approche, l’observation, les échanges, les relations affectives, c’est donner les clefs de la connaissance et, partant, du respect.
La présence de fermes à l’intérieur même de la Ville en est l’un des meilleurs moyens. Comment mieux apprendre à nos enfants à connaître et à respecter l’animal, sinon en leur donnant les moyens de prendre soin de lui ? Comment mieux leur enseigner le sens du service, la patience et la tolérance, qu’en les chargeant de l’entretien d’une Vie ? Il n’est pas possible de douter du succès d’une telle entreprise. Les enfants sont fascinés par les animaux de la ferme. Il suffit de compter les dizaines de milliers d’entre eux qui affluent au Salon de l’Agriculture pour en être convaincu. L’envie qu’ils ont tous de mener un cheval par le licol, de distribuer le grain, ou de verser un seau dans l’abreuvoir ne fait qu’exprimer un profond désir de contacts, d’expérience personnelle, d’activité concrète et de responsabilité. Or l’apprentissage de la responsabilité, n’est-ce pas le but de l’éducation ?
Le rôle pédagogique des fermes urbaines
C’est pourquoi la LFDA considère comme primordial le rôle pédagogique des fermes pour enfants. Elle demande aux pouvoirs publics, et notamment aux municipalités des grandes villes de France d’entreprendre rapidement leur mise à l’étude, puis de permettre matériellement leur implantation.
Evoquer le rôle pédagogique primordial de ces fermes, et faire référence au désir des enfants eux-mêmes, pourrait paraître ressortir du domaine des idées vaporeuses, ou des affirmations téméraires. Il n’en est rien !
La LFDA a pris la précaution de mener une enquête dans les établissements d’enseignement de Paris pendant les mois d’octobre et de novembre 1979. Sur un total de 129 réponses, 120 directeurs d’établissement, dont 45 d’école maternelle, demandent « l’aménagement de fermes pour enfants », dans des lettres souvent contresignées par les enseignants.
Et c’est la directrice d’une école maternelle du 12e arrondissement que nous laissons le soin de conclure :
« Bravo pour cette initiative. Les collègues réclament à cor et à cri une ferme ; les enfants connaissent éléphants et girafes, mais pas les poules et les lapins. »
Voilà que l’idée vaporeuse et l’affirmation gratuite se révèlent être en réalité un besoin et une exigence, témoins d’une nécessité qu’il paraît urgent de satisfaire.
Pr Jean-Claude Nouët
- Avec la participation de :
Dr vétérinaire Ange Condoret, président de l’Association française d’information et de recherche sur l’animal de compagnie ;
Jean-Louis Laure, urbaniste S.F.U., chargé de mission à l’OCIL ;
Pr Jean-Claude Nouët, faculté de Médecine de Paris, secrétaire général de la LFDA ;
Jean Pattou, architexte D.E.S.A., enseignant à l’Unité pédagogique de Lille, créateur de la Ferme Urbaine de Lille ↩︎