Une « marchandise » pas comme les autres. Le temps est loin où les animaux naissaient, grandissaient et étaient mis à mort au même endroit. Aujourd’hui, entre leur naissance et leur mort, ils passent par des lieux différents. Le transport est une phase qui bouleverse leurs habitudes et les soumet à un stress intense. Cette souffrance pourrait-elle être atténuée ?
LE TRANSPORT : POUR ALLER OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ?
Une étape ancrée dans le cycle de l’élevage
L’industrialisation de l’élevage ayant créé un besoin d’approvisionnement constant et massif, les animaux sont principalement déplacés pour être conduits à l’abattoir ou pour approvisionner des marchés aux bestiaux. En outre, les déplacements sont multipliés lorsque les étapes de l’élevage (naissance, engraissement…) ont lieu à des endroits différents.
Depuis plusieurs décennies, les ONG de protection animale, dont la LFDA, recommandent de transporter des carcasses plutôt que des animaux vivants. Le secteur du transport justifie pourtant ces déplacements par des raisons économiques et de marketing (préférences de consommation de « viande fraîche » à l’étranger, main-d’œuvre moins chère, spécialisations en fonction des atouts géographiques naturels) ou pratiques : fermeture des petits abattoirs de proximité, etc.
Réglementation
Le transport des animaux vertébrés vivants est encadré par le règlement européen (CE) n° 1/2005. Il prévoit que des dispositions soient prises pour limiter la durée du voyage et répondre aux besoins des animaux (y compris eau, nourriture et périodes de repos), que les moyens de transports et les équipements ne causent pas de blessures ou de souffrance aux animaux, que le personnel en contact avec les animaux possède la formation requise et que des contrôles fréquents aient lieu.
« Pour des raisons liées au bien-être des animaux, il convient que le transport de longue durée des animaux, y compris celui des animaux d’abattage, soit limité autant que possible. »
Considérant 5 du règlement
Par exemple, les transports d’ongulés domestiques sont de 2 types :
- Les transports limités à 8 h, à partir de l’embarquement du premier animal jusqu’au débarquement final. Les pauses du conducteur sont incluses dans le décompte.
- Les transports de longue durée (>8h, sans durée maximale…). Des exigences additionnelles existent (provision d’eau, pauses…). Les véhicules doivent être agréés à partir de 12 h sur le territoire national, ou dès 8 h à l’international.
Exemple des bovins allaitants (élevés pour la viande)
Légende du schéma
- Veau : allaité par la mère de 6 à 9 mois
- Broutard : veau à l’âge du sevrage, qui broute de l’herbe en complément du lait maternel
- Taurillon, génisse : jusqu’à 18-24 mois
LES SOURCES DE STRESS DANS LES ÉTAPES SUCCESSIVES DU TRANSPORT
Les étapes du transport
- Allotement : regroupement avec des congénères souvent non familiers pour former un groupe de poids homogène : risques d’agressions pour établir une nouvelle hiérarchie.
- Embarquement : manipulation perturbante, environnement inconnu, quelquefois emploi de la contrainte pour faire monter dans le camion.
- Déplacement : réduction de l’espace, immobilité forcée, inconfort, déséquilibre, piétinement, fluctuations de température, ventilation difficile, déshydratation, faim, diarrhées, coliques, crises cardiaques (porcs), accidents (contusions, plaies, fractures…).
- Déchargement : nervosité, environnement nouveau, éclairage quelquefois effrayant, glissades si pente trop forte ou revêtement mal adapté.
Les modes et durées de transport des animaux vivants
- Voie routière : principale voie de transport.
- Voie aérienne : utilisée pour les animaux « de valeur » ou les poussins par exemple. Les problèmes de bien-être sont surtout liés à l’accueil et la rapidité de la douane.
- Voie ferroviaire : progressivement abandonnée car le voyage est plus lent et très contraignant administrativement et techniquement, même si plus compatible avec le bien-être des animaux.
- Voie maritime : utilisée pour les transports de longue distance (Moyen-Orient, Australie…), pose de graves problèmes de bien-être animal.
Pays d’élevage, la France effectue de nombreux échanges avec les États membres de l’UE et les pays tiers. Plus les transports sont longs, plus la souffrance de l’animal est exacerbée (faim, soif, fatigue…).
Scandales
Une récente enquête d’ONG européennes met en évidence le calvaire vécu par des milliers d’animaux en transit vers la Turquie, dont la France est le premier fournisseur de bovins vivants (80 000 en 2015).
Bloqués à la frontière pendant plusieurs jours, beaucoup souffrent de déshydratation et finissent par mourir au milieu de leurs congénères. En 1996, un autre scandale fait les gros titres : 67 000 ovins périssent noyés ou brulés vifs dans le naufrage de l’Uniceb dans l’océan Indien. De tels accidents sont encore très fréquents.
FAITS ET CHIFFRES
Chaque année :
- 1 milliard de volailles
- 37 millions de caprins, ovins, bovins et équins sont transportés vivants sur de longues distances dans l’UE ou vers des pays tiers. (campagne #StopTheTrucks – Eurogroup For Animals)
- 70 % des camions inspectés à la frontière bulgare (transit hors de l’UE) ne respectent pas la réglementation européenne : animaux mourants, affamés, assoiffés, en plein soleil… (enquête 2017 sur 5 ans des ONG Eyes on Animals et TSB/AWF)
Exemple du transport des bovins de la filière allaitante (bovins élevés pour la viande)
La France est le 1er producteur en Europe : elle produit beaucoup de veaux ou jeunes bovins qui seront transportés à l’étranger, en majorité pour y être engraissés.
Export
- 250 000 veaux < 80kg (95 % Espagne)
- 1 100 000 bovins > 80 kg (70 % Italie, 13% Espagne, 12% pays tiers, dont 60% Turquie)
Import
- 15 100 veaux < 80 kg (44 % Espagne, 27 % Pays-Bas, 26 % Irlande)
- 29 100 bovins > 80 kg (57 % Belgique, 25 % Espagne, 15 % Pays-Bas)
(Source : FranceAgriMer 2015, d’après Eurostat)
À retenir
Les animaux sont quelquefois transportés vivants sur de très (trop) longues distances, de façon incompatible avec leur bien-être. Le transport de carcasses et la consommation de produits locaux pourraient réduire la souffrance animale liée au transport.
« Les transports d’abattage de longue durée doivent disparaître. Les bêtes devraient être conduites vers l’abattoir le plus proche […]. À partir de là, ne devraient plus se faire des transports de carcasses, en camions réfrigérés. Rien ne peut valablement s’opposer à cela […]. »
J-C. Nouët, président d’honneur de la LFDA, cité dans Le Transport d’animaux vivant, X. Philippe, 1998