Les animaux: des biens reconnus par le code civil comme êtres sensibles

Cet article est l’occasion de faire le point sur la place de l’animal dans les médias. Ainsi les différents articles de presse, vidéos ou encore émissions radios concernant le statut juridique de l’animal ont répertoriés ici.

  • L’émission C dans l’air du 2 janvier 2015 (France 5) a été consacrée au sujet : « Mon chat est-il une personne ? ». Trois de nos administrateurs y sont intervenus : Georges Chapouthier (neurobiologiste et philosophe) et Muriel Falaise (juriste de droit privé) sur le plateau, ainsi que Dalila Bovet (éthologue) dans le reportage tourné dans son laboratoire de recherche à Paris (Laboratoire Ethologie Cognition Développement).

Le statut juridique de l’animal y a été discuté, ainsi que la sensibilité des animaux, leurs niveaux de conscience et leurs capacités cognitives. Dans une ambiance plutôt sereine, le journaliste Axel de Tarlé, dans un ton un peu taquin, a mené les débats avec également en plateau la vétérinaire Marie-Claude Bomsel et le sociologue Christophe Blanchard. Si l’on peut regretter que la Fondation n’ait pas été mentionnée par le journaliste, on ne peut que saluer cet effort de placer la discussion sur la condition animale et nos rapports aux animaux sur le terrain du droit, du rationnel et de la science.

  • Le trimestriel l’Ecologiste de juillet-septembre 2014 publie un article de Jocelyne Porcher, sociologue, chargée de recherche à l’INRA et membre du comité scientifique de la LFDA. Elle s’interroge sur le statut d’être sensible de l’animal.

[…] » A l’automne 2013, à l’initiative de la Fondation 30 millions d’amis, une vingtaine « d’intellectuels  » signent une pétition très médiatisée demandant un changement juridique du statut des animaux et la reconnaissance dans le Code Civil de leur caractère vivant et sensible. Jouant sur la confusion entre  » biens meubles « , dans son sens juridique, et meubles, pétitionnaires et médias clament que les animaux ne sont pas des chaises et qu’il faut donc changer leur statut.

 

Ainsi que le souligne la Ligue française des droits de l’animal (LFDA), la question est plus complexe qu’il n’y paraît. D’une part, le caractère sensible des animaux est déjà reconnu par le Code rural et la violence contre les animaux est réprimée par le Code pénal. D’autre part, la LFDA avait obtenu dès 1999 que le Code civil distingue clairement les animaux des choses. En avril dernier, un amendement déposé par Jean Glavany a donné un nouveau titre au livre II du Code civil : « Des animaux, des biens, et des modifications de la propriété ». Un sous-article précise :  » les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des bien corporels « . […]
Changer la vie des animaux, ce n’est pas reconnaître leur sensibilité – c’est déjà fait – c’est reconnaître leurs compétences et leur implication dans le travail. Ce sont les conditions de travail des animaux qui devraient être dans la ligne de mire de tous ceux qui veulent vivre avec les animaux. Et ces conditions sont bien souvent les mêmes que celles des humains qui vivent avec eux. Changer la vie des animaux, c’est donc changer la nôtre. Vivre avec des animaux dans le respect et l’intelligence, dans une société où le profit ne serait plus le maître de nos vies, c’est un projet émancipateur. Et, pour les animaux comme pour nous, c’est ce projet là qu’il faut signer. » 

 

  • Le trimestriel CNRS Le journal été 2014 (n° 277) publie, sous la plume de Mathieu Bane et Louise Lis, une enquête sur l’expérimentation animale. Dans ce dossier, Georges Chapouthier, biologiste, directeur de recherche émérite au CNRS et administrateur de la LFDA, donne son point de vue.

« […] Au-delà des textes réglementaires, la démarche éthique apporte des règles de conduite et des recommandations qui contribuent au développement de méthodes alternatives : réduire le nombre d’animaux utilisés, remplacer le modèle animal dès que possible (par des modèles in vitro par exemple) et raffiner la technique, pour réduire au minimum l’inconfort, le stress et la douleur de l’animal, notamment en utilisant des méthodes d’imagerie comme l’IRM ou l’échographie quand la chirurgie ne s’avère pas absolument nécessaire (règle des 3 R de Russel et Burch établie en 1959). Pour Georges Chapouthier, biologiste, philosophe et membre du Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale, « il faut améliorer nécessairement les protocoles expérimentaux et, quand c’est possible, remplacer ce recours par d’autres méthodes d’analyse fournies par la technologie : cultures cellulaires, modèles informatiques, etc.  » […]

  • L’interview complète de Georges Chapouthier par Stéphanie Arc se trouve dans le n° 275 de CNRS Le journal hiver 2014, disponible en téléchargement sur le site internet du journal (https://lejournal.cnrs.fr/numeros-papiers). 

 

  • Le bimestriel Intérêts privés de juillet-août 2014 dans un dossier « Vos animaux et vous » Sandra Mathorel, publie un article sur l’incohérence du statut juridique de l’animal en droit français dans lequel les explications du vice- président de la LFDA sont données.

[…] « Aujourd’hui, le droit français est en totale disharmonie, explique Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de La Fondation Droit animal, Ethique et Sciences (LFDA). Le code rural reconnaît l’animal comme étant un être vivant sensible depuis 1976, alors que pour le code civil il est toujours un bien meuble! ». Son article 528 énonce en effet que sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre… »Ils sont ainsi classés dans la catégorie des biens, au même titre qu’une voiture ou un vêtement, sur lesquels s’exerce un droit de propriété. Et pourtant …il est totalement interdit de maltraiter ou d’abandonner ces biens meubles que sont les animaux, sous peine de sanctions! En effet, le code pénal reconnaît implicitement les animaux comme des être sensibles, capables de souffrances, et punit de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende » celui qui se rend coupable d’un « acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité » (article 521-1). En février dernier, un homme a ainsi été condamné à un an de prison ferme pour avoir violemment lancé un chaton contre un mur à plusieurs reprises. La scène filmée, diffusée par Internet, avait ému les réseaux sociaux. Reste que ce type de condamnation est « une exception, déplore, Jean-Marc Neumann. Les sanctions pénales sont en général bien plus légères »… quand l’affaire arrive devant le juge ». […]

  • Le quotidien MetroNews du 11 juillet 2014, dans un article consacré à l’abandon des animaux durant l’été, Maud Vallereau, dans un encadré juridique, donne la parole au président d’honneur de la LFDA.

[…] » C’est un comportement tristement banal : chaque année en France, 60 000 chiens et chats sont laissés sur le bord de la route des vacances! Ce qui est pourtant puni de 2 ans de prison et de 30 000 € d’amende, au même titre qu’un acte de cruauté en vers un animal. […] Mais dans de nombreux cas, les propriétaires peu scrupuleux sont rarement poursuivis. [….]Et selon les associations, le statut juridique de nos compagnons à poils ne participe pas à améliorer la situation. Car si le code pénal reconnaît tacitement leur caractère sensible, le code civil rédigé sous Napoléon les range dans la catégorie des biens meubles. […]Il est donc important de changer le code civil pour changer les mentalités. Si les députés ont voté en avril un amendement socialiste en ce sens, le débat pourrait bien être tué dans l’œuf. »Le texte ne devrait pas passer à l’Assemblée, assure Jean-Claude Nouët de La Fondation Droit Animal, éthique et sciences (LFDA). Comme à chaque fois que l’on touche au statut de l’animal, le lobby de l’agriculture et de l’agroalimentaire monte au créneau ». Pour la LFDA, il est pourtant urgent d’harmoniser les différents codes, civil, pénal et rural.  » Le vol d’un animal est puni plus sévèrement que les sévices infligés à un animal « , note Jean-Claude Nouët. Il est temps de définir un cadre clair et d’en finir avec ces incohérences. »

  • L’hebdomadaire La Dépêche vétérinaire du 7 juin 2014 publie un article sur la proposition de loi accordant un statut juridique particulier à l’animal, déposée par la députée et présidente du groupe d’études sur la protection des animaux à l’Assemblée Nationale, Geneviève Gaillard. Sa proposition étend notamment la reconnaissance d’êtres sensibles aux animaux sauvages.

En s’appuyant sur les propos du président d’honneur de la LFDA, présent à la conférence de presse de présentation de la proposition de loi, l’hebdomadaire remarque que : […] « La question de la définition de la sensibilité reste ouverte. « Aucun des textes proposés n’a défini ce qu’était un être sensible » a souligné Jean-Claude Nouët, fondateur de la Fondation droit animal, éthique et sciences. »C’est tout l’enjeu du débat parlementaire » répondent les députés du groupe d’études sur la protection des animaux. Encore faut-il , pour cela, réussir à mettre le texte de la proposition de loi à l’ordre du jour de l’AN. »[…] 

  • Le quotidien numérique Le Monde.fr du 4 juin 2014 publie un article d’Audrey Garric qui s’interroge sur la portée de la nouvelle proposition de loi présentée par la députée Geneviève Gaillard visant à accorder un statut juridique particulier à l’animal et allant plus loin que l’amendement de Monsieur Glavany voté le 15 avril à l’Assemblée nationale mais récemment rejeté par le Commission mixte paritaire.

L’avis de Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de la LFDA y est recueilli: […] » Cette proposition de loi marque un réel progrès pour renforcer la distinction entre les animaux et les choses. Mais il est dommage qu’elle ne s’attaque pas aux sujets qui fâchent. Dans les faits, les animaux pourront toujours être achetés, vendus, exploités et consommés, regrette Jean-Marc Neumann […] la chasse, les pratiques sportives et de loisir utilisant des animaux (comme la corrida) ne seraient pas entravées, mais devraient être menées de manière « éthique ».[…] Des divergences d’intérêts sont telles que la proposition de loi risque de ne jamais être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour être débattue puis votée: « Le gouvernement n’a aucune envie d’ouvrir le débat public sur un sujet aussi explosif. Il ne veut pas se mettre à dos les éleveurs et les chasseurs, assure Jean-Marc Neumann. C’est pourquoi il a cherché à court-circuiter la proposition de loi ».[…]

  • Le mensuel Pour la Science n°440 de juin 2014 publie dans sa rubrique « Point de vue », sous le titre « L’éthique animale entre science et droit », un article de Georges Chapouthier, directeur de recherche émérite du CNRS et membre du Conseil d’administration de La Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences, qui donne son avis de biologiste sur la manière dont sont définis les animaux dans le récent amendement modifiant le Code civil.

« La question du respect de l’animal est un thème d’actualité. Un récent amendement à la loi de modernisation et de simplification du droit adoptée par  l’Assemblée Nationale, vise à définir dans le Code Civil « l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité […] « soumis au régime des biens corporels ». Même si cette proposition, bien que très symbolique et sans conséquence pratique sur le plan juridique, doit encore être validée par  diverses instances, tel le Conseil Constitutionnel, elle s’inscrit dans un mouvement, lent mais régulier, qui amène notre pays à mieux traiter nos cousins animaux. Qu’en est-il plus précisément et que peut en dire le biologiste ?
La France est un vieux pays de tradition cartésienne et René Descartes avait, très malencontreusement, assimilé les animaux aux automates de son époque. Sa pensée avait ensuite été poussée à l’extrême par son disciple Nicolas Malebranche, qui considérait que rien ne distinguait un chien qui aboyait d’une horloge qui sonnait l’heure. Cette tradition de l’animal objet reste très présente. En témoigne la manière abominable dont les animaux sont traités dans nos élevages industriels ou lors des abattages. En témoigne aussi le fait que, sur de nombreux dossiers concernant la protection animale, la chasse ou l’écologie, la France « brille » par son retard sur d’autres pays d’Europe. Ainsi, la chasse à courre, interdite en Grande-Bretagne, continue à être pratiquée en France et il en est de même de la course de taureaux, avec torture et mise à mort, qui est interdite en Catalogne.
Le respect de l’animal reste une question difficile, car il existe des catégories très différentes d’animaux. La plupart des discussions, y compris l’amendement mentionné, éludent le problème en restant dans une définition floue, voire absente, des animaux et de leur sensibilité. A quelle forme de sensibilité l’amendement fait-il allusion? Les plantes, bien que dépourvues de nerfs et de muscles, ont une sensibilité qui leur permet de détecter divers stimuli physico-chimiques de l’environnement et d’y réagir par des mouvements adaptés. Et considère-t-on tous les animaux, y compris les coquillages, les vers lombrics et les insectes par exemple, ou seulement les mammifères et les oiseaux, avec qui les hommes ont l’habitude d’avoir des liens? D’autres textes plus précis, comme ceux du Code rural qui règlementent l’expérimentation animale en laboratoire, mentionnent explicitement certains groupes d’animaux, l’ensemble des vertébrés, plus certains invertébrés particulièrement intelligents tels les pieuvres – comme étant aptes à ressentir la douleur et à éprouver souffrance ou angoisse. Il y reste des incohérences, puisque certaines formes embryonnaires des mammifères, au dernier tiers de leur développement (stade fœtal), sont protégées, mais pas celles d’autres vertébrés, tels les oiseaux, au même niveau de développement et à un stade comparable. Généralement, la plupart des espèces animales sont passées sous silence, comme si elles n’existaient pas. Fendre en deux  un homard  vivant ou le jeter vivant dans l’eau bouillante ne semble pas poser de problème particulier. Découper sur des requins vivants les ailerons,  puis rejeter ces animaux à la mer où ils agoniseront une quinzaine de jours ne choque pas davantage. On pourrait multiplier les exemples.
Nos législateurs devraient se mettre à l’écoute des scientifiques et définir précisément ce qu’ils entendent par « animal », ce qui les amènera à distinguer des groupes animaux de sensibilités différentes, sans parler des animaux  dépourvus de sensibilité, telles les éponges. Les défenseurs des animaux ont ainsi proposé, en fonction des aptitudes des différents groupes d’animaux, des critères visant à estimer les degrés de sensibilités. Sans doute serait-il utile que les législateurs en prennent connaissance.
Même si l’on laisse dans le flou la définition de ce qu’est un animal, dans nos textes de loi existent des contradictions que le récent amendement vise à amoindrir.
Pour le Code rural, depuis 1976, l’animal détenu par l’homme est explicitement reconnu comme un être sensible. Pour le Code pénal, la reconnaissance est seulement implicite : les mauvais traitements ou les actes de cruauté sur les animaux domestiques sont punis.
Le Code civil restait en retrait. Les animaux y étaient considérés comme des biens (qui peuvent selon les cas être déplacés ou non lorsqu’ils sont attachés à un fonds pour son exploitation), certes différents des corps inanimés et des objets tels que tables et chaises, mais sans que leur sensibilité soit clairement affirmée. Ce sera chose faite si la modification proposée  est entérinée et les animaux seront alors considérés comme des « êtres vivants doués de sensibilité ».
La cohérence de nos textes en sera alors améliorée. Mais cette cohérence demeure timide, car les animaux restent considérés comme des biens, certes dotés d’un corps sensible, mais que l’on peut toujours vendre ou exploiter, des biens auxquels nos textes ne visent pas à donner un statut qui serait en complète rupture avec la « chose ».
Pour les défenseurs des animaux, cette mise en cohérence des textes, si elle va dans le bon sens, reste très insuffisante. Elle continue à entériner de nombreuses dérogations comme la torture de taureaux pour le maintien d’une tradition locale, chasse de loisir,  divers procédés de mise à mort brutale ou de mutilations sans anesthésie, certains abattages religieux  sans étourdissement préalable des animaux ( interdits dans plusieurs pays européen pour des raisons morales), etc.
 Surtout les textes qui protègent, dans certains cas les animaux qui sont détenus par l’homme, ne s’intéressent pas du tout aux animaux sauvages, sauf lorsqu’ils sont tenus en captivité ou que leur espèce est menacée d’extinction.
Prenons l’exemple des faisans. La chasse ayant considérablement réduit les effectifs de nombreux animaux sauvages, les fédérations de chasse organisent des lâchés, dans la nature, des faisans élevés. Tant qu’ils restent en élevage, ces faisans sont protégés contre tout acte de cruauté ou de maltraitance de la part des humains. Mais dès qu’ils  sont lâchés dans la nature, donc considérés comme « sauvages », même  s’ils sont, d’une certaine manière, apprivoisés (on dit, techniquement, « imprégnés » à l’homme), ils ne sont plus protégés par aucune loi et peuvent être blessés ou mutilés à souhait. Pourtant, comme ce sont les mêmes faisans, leur sensibilité n’a pas changé.
La plus grande amélioration de la cohérence des textes serait sans doute la reconnaissance générale, conforme aux connaissances des biologistes, de la sensibilité des animaux, domestiques ou sauvages, qu’ils vivent en captivité ou en liberté, avec différents degrés selon leurs aptitudes physiologiques et comportementales. La vraie amélioration morale serait une complète remise à plat du statut de l’animal dans nos textes législatifs, qui prenne en compte les données de la biologie et qui permette d’attribuer aux animaux,  selon leur espèce, des droits qu’il restera au législateur de définir.
Certes, ce n’est, en aucun cas, au scientifique de faire les lois, mais, à l’inverse, aucun législateur sérieux ne peut ignorer les résultats de la science. »

  • L’hebdomadaire La Dépêche vétérinaire n°1260 du 24 mai 2014 publie un interview de Georges Chapouthier, directeur de recherche émérite du CNRS et membre du Conseil d’administration de La Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences, qui se félicite du débat actuel sur le statut juridique de l’animal mais émet des réserves quant à la portée réelle de l’inscription par trop imprécise dans le code civil des animaux définis comme des êtres doués de sensibilité.

[…] » Il serait bon que les juristes suivent la science et commencent par définir ce qu’est un animal et ce qu’est la sensibilité qu’ils entendent lui attribuer. En science, l’animal a un sens précis et désigne les métazoaires, […] qui vont des éponges jusqu’aux chimpanzés. Pour le juriste, la définition est vraisemblablement différente mais encore faudrait-il la connaître.
De même, les scientifiques définissent une échelle de sensibilité nerveuse, intégrant les notions de nociception, de douleur (nociception liée à un vécu émotionnel) et de souffrance (référence à un système cérébral de type cortical qui permet un certain type de conscience). La douleur et la souffrance ne sont l’apanage que des vertébrés et de certains invertébrés comme les céphalopodes. Et la notion de souffrance est d’autant plus manifeste que le cortex cérébral est développé, ce qui est le cas des vertébrés dits supérieurs. Mais jusqu’à présent, les juristes ne se sont intéressés qu’aux animaux vivant dans l’orbite de l’Homme, excluant par exemple, la faune sauvage. […]
Si l’on veut que la loi s’inspire de la science, il ne faut pas que la définition soit définitive mais qu’elle reste susceptible d’évoluer au fur et à mesure du développement des connaissances scientifiques. Dans l’état actuel des connaissances, je définirais trois grands groupes d’animaux sensibles:
– les oiseaux, mammifères et céphalopodes au niveau intellectuel de gestion de la souffrance élevé et chez lesquels la notion d’individualité est forte;
– les vertébrés à sang froid qui méritent un respect actif;
– le reste des invertébrés sensibles qui n’ont pas un niveau de conscience aussi élevé et dont le sens de l’individu est moindre (l’abeille par exemple est d’avantage un élément d’une colonie.[…]
L’expérimentation animale est un domaine dans lequel la législation autour de la protection animale est la plus avancée. C’est le seul cas où le juriste définit ce qu’est un animal à savoir un vertébré ou un céphalopode. Les normes y sont très en avance et les actes de cruauté y sont sévèrement contrôlés et réprimés. Je ne pense donc pas qu’un nouveau statut civil de l’animal changera les choses au niveau de l’expérimentation, ni ne risque d’y mettre fin.
D’ailleurs, l’évolution vers un statut « être sensible » risque d’être à bien des égards de peu d’effet pour les animaux vu qu’on maintiendra toute une série de dérogations dans les autres codes (pour la chasse, la corrida, l’abattage rituel, ou les mutilations dans l’élevage intensif). Nous allons dans le bon sens mais tout doucement ».[…]

  • Sur France Culture, dans son émission  » Cultures Monde » consacrée le 22 avril 2014 aux « droit et défi de la souffrance animale » Florian Delorme recevait notamment le vice-président de la LFDA pour parler du statut juridique de l’animal et de son évolution.

« Jusqu’à présent, au grand dam des défenseurs de la cause animale, le Code Civil considérait les animaux comme des « biens meubles », ils sont désormais des « biens corporels » aux yeux de la loi. En effet, le 15 Avril dernier, l’Assemblée nationale française a voté un amendement reconnaissant aux animaux la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité »,  une évolution attendue […]
Pas de cris de victoire pourtant du côté des défenseurs des droits animaliers pour qui cette avancée serait purement symbolique. Le législateur est-il finalement parvenu à doter les animaux d’un véritable statut?  « Non » répondent unanimement juristes, associations et élus écologistes. Pas de statut, pas de catégorie propre, une ambigüité des textes délibérée, la prise en compte des animaux par le Droit semble être un long chemin semé d’embûches.
Comment le comprendre? Tous les pays européens rencontrent-ils les mêmes difficultés? Qu’en est-il au niveau de l’Union Européenne?
Et pourquoi, à vrai dire, doter les animaux d’un statut légal? Pour y voir plus clair, nous recevons ce matin Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de la Fondation Droit animal, éthique et sciences sur la place des animaux dans la société, et surtout celle que l’homme voudra bien – dans un cadre légal–lui accorder ». 

Ecoutez l’entretien avec Jean-Marc Neumann, à partir de la 3e minute 40

  • Libération .fr du 18 avril 2014, fait appel à Muriel Falaise, juriste à l’université Lyon III et membre du comité scientifique de la LFDA, pour décrypter la récente modification du statut juridique de l’animal. Ses propos ont également été repris par laposte.net et yahoo.com 

[…] »Juridiquement parlant, qu’est-ce qu’un animal? « Le droit ne le définit pas: qui classe-t-on dans cette catégorie ? interroge Muriel Falaise, maître de conférences à Lyon III et membre du comité scientifique de la fondation Droit animal, éthique et sciences. Il faudra bien un jour se tourner vers les scientifiques: à partir de quel stade de développement, de quel niveau de sensibilité définit-on un animal? En France, il n’y a pas non plus de statut juridique de la bête- l’Angleterre s’en est approché en instaurant le Animal Welfare Act pour l’animal domestique- mais un empilement de textes éparpillés dans plusieurs codes et des droits qui varient d’un animal à l’autre. « Mieux vaut être une petite souris de compagnie qu’un rat de laboratoire, résume Muriel Falaise. Mieux vaut être un taureau parisien que nîmois: le Conseil constitutionnel a estimé la corrida tout à fait légale dans les régions où elle représente une « tradition locale ininterrompue ». […]

  • Dans Le Monde.fr du 17 avril 2014, Audrey Garric dans un article intitulé  » Pourquoi les animaux sont toujours considérés comme des biens » s’interroge sur la réelle portée de l’amendement N°59 (à la loi N° 1729 de modernisation et à la simplification du droit dans des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures) adopté à l’Assemblée nationale distinguant les animaux des autres biens dans le code civil  en tant qu’êtres vivants doués de sensibilité. Elle conclut son article par l’avis du vice-président de la LFDA.

« Les animaux sont-ils des choses d’un point de vue juridique ? C’est l’épineuse question à laquelle se sont frottés les députés lors d’un débat long et animé, mardi 15 avril au soir, visant à faire évoluer un Code civil poussiéreux en matière de droit animal. En votant un amendement surprise, l’Assemblée nationale a reconnu aux animaux la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité », une évolution législative purement symbolique qui échoue une fois de plus à créer un nouveau statut de l’animal.
Jusqu’à présent, les animaux sont considérés par le Code civil comme des biens meubles ou immeubles tandis que le code rural et le code pénal reconnaissent, explicitement ou implicitement, leur qualité d’êtres vivants et sensibles.
 « Nous avons voulu mettre en cohérence les trois codes. Ils s’agissait de mieux concilier la qualification juridique et la valeur affective de l’animal », explique le député PS des Hautes-Pyrénées Jean Glavany, co-rapporteur de l’amendement voté par la majorité dans le cadre d’un projet de loi de modernisation et de simplification du droit. […]
Car avec cet amendement, les députés n’ont en rien modifié le droit animal. Sur la forme, le sort du texte est encore suspendu à une validation de la Commission mixte paritaire dans le cadre d’une procédure accélérée. Surtout, l’amendement risque d’être considéré comme un « cavalier législatif » et à ce titre retoqué par le Conseil constitutionnel : on peut lui reprocher de ne pas avoir de lien direct avec le projet de loi global dans lequel il s’insère – un texte fourre-tout qui traite aussi bien du tribunal foncier de la Polynésie française, que des procédures de tutelle ou du droit des obligations.[…]
 « Nous n’avons finalement pas créé de droit nouveau car nous ne mesurions pas toutes les conséquences juridiques d’une nouvelle catégorie, justifie Jean Glavany. S’attaquer au statut de l’animal, c’est affronter les chasseurs, les éleveurs ou les pro-corridas. Les animaux restent des biens mais on a fait un premier pas. » […] 
Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de La Fondation Droit Animal, éthique et science, avertit : « Tant que l’on n’aura pas un grand débat de société sur la place que nous voulons leur accorder et les efforts auxquels nous sommes prêts pour changer leur statut, les animaux resteront des biens que l’on peut acheter, vendre, exploiter et consommer. » 

  • Dans Le Monde.fr du 16 avril 2014, Angela Bolis, dans un article intitulé  » Les animaux reconnus comme êtres sensibles« , un pas « totalement symbolique » » s’entretient avec le vice-président de la LFDA sur la réelle portée de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale le 15 avril, créant dans le code civil un nouvel article distinguant les animaux des autres biens en tant qu’êtres vivants doués de sensibilité. Quelques extraits des propos du vice-président de la LFDA, recueillis par Le Monde.fr ont été également repris par fr.news.yahoo.com, actualité.portail.free, du 16 avril maxisciences.com du 17 avril et goodplanet.info du 18 avril. 

[…] mardi 15 avril, les parlementaires ont adopté un amendement socialiste qui reconnaît les animaux non plus comme des « biens meubles », mais comme des « êtres vivants doués de sensibilité ». […]
Cet apparent progrès est toutefois accueilli avec un certain scepticisme […] Entretien avec Jean-Marc Neumann, juriste, auteur du blog Animal et droit.com, et vice-président de la LFDA (Fondation droit animal, éthique et sciences).

Si cet amendement est définitivement adopté, qu’est-ce qui va changer concrètement pour le droit des animaux ? 

Quelques phrases dans le code civil, mais rien sur le fond. C’est totalement symbolique, il s’agit juste d’une harmonisation du code civil. Au final, l’animal sera, avec cet amendement, toujours soumis au régime des biens corporels. On peut rappeler que, contrairement à ce qui a été dit, l’animal n’était déjà plus considéré comme un meuble au même titre qu’une chaise. Quand vous cassez le pied d’une table, il ne vous arrive rien sur le plan pénal, alors que quand vous cassez la patte d’un chien intentionnellement et de façon cruelle, vous encourez deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Donc cela ne changera pas les comportements envers les animaux, qui pourront toujours être vendus, loués, exploités… Les pratiques les plus cruelles, comme la corrida, la chasse à courre, les combats de coqs, l’abattage rituel ou certaines formes de pêche ou d’élevage, ne sont pas du tout remises en cause. Certains espèrent que les juges seront plus sensibles aux affaires concernant les animaux, mais je pense qu’ils faisaient déjà la différence entre une chaise et un animal.
A vrai dire, cet amendement, présenté en catimini au détour d’un vaste projet de loi par les députés du groupe PS, m’a beaucoup surpris. Il donne un peu l’impression de sortir tout d’un coup d’on ne sait où. Il ne semble pas avoir fait l’objet d’une longue réflexion sur le fond. Or en pratique, l’effet qu’il pourrait avoir, c’est de clore le débat pour les années à venir sans apporter de réponse adaptée et complète au problème du statut des animaux.
Mais déjà faudra-t-il qu’il soit définitivement adopté, et accepté par le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas gagné. Car on peut le considérer comme un « cavalier législatif » : on peut lui reprocher de ne pas avoir de lien direct avec le projet de loi global dans lequel il s’insère, à savoir la « modernisation et la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ».

Que préconiseriez-vous pour améliorer de manière efficace le droit des animaux ?

L’idéal serait une grande loi de protection de l’animal, qui remettrait tout à plat. A défaut, il faudrait au moins une proposition beaucoup plus complète, qui ne concerne pas uniquement le code civil, mais harmonise les différents codes : pénal, rural, environnemental.
Par exemple, même si cet amendement est adopté, le code civil continue d’exclure de son domaine les animaux sauvages. Ceux-ci sont pris en compte par le code de l’environnement. Or ce code ne reconnaît pas leur sensibilité. Il ne les considère pas non plus comme des individus mais comme des espèces, tantôt nuisibles ou protégées. Actuellement, un animal sauvage voit sa sensibilité reconnue tant qu’il est tenu captif, dans un zoo ou un cirque par exemple, mais si le même animal s’enfuit, il n’existe plus juridiquement et n’est plus protégé en tant que tel. C’est complètement aberrant. Une idée serait déjà de reconnaître la sensibilité de l’animal sauvage vivant en liberté.
Ensuite, le code pénal ne reconnaît pas officiellement l’animal comme un être sensible, mais seulement implicitement. Les atteintes aux animaux sont classés à côté des infractions contre les personnes et les biens, dans le chapitre « autres délits ». Et ces actes de cruauté sont moins sanctionnés qu’un vol simple d’un bien.  Il faudrait donc apporter des aménagements à ce code pénal.
Quant aux animaux d’élevage, ils sont régis par le code rural, qui est le véritable code animalier, celui qui détermine la façon de les entretenir, de les élever et de les soigner etc. Or ce dernier reconnaît déjà l’animal comme être sensible depuis la loi sur la protection de la nature de 1976. Pour autant, cela ne l’empêche pas de considérer en gros, que leur souffrance est utile car nécessaire à l’alimentation de la population.
Bref, la question, pour qu’il y ait un véritable changement, c’est de savoir dans quelle société on veut vivre : est-ce qu’on veut poursuivre l’exploitation ou la souffrance animale, ou est-ce qu’on est prêts à certains efforts et sacrifices ? C’est d’abord un débat sociétal qu’il faut avoir, et une discussion avec les éleveurs, les chasseurs, les pêcheurs… L’idée, ce n’est pas de remettre totalement en cause nos modes de vie du jour au lendemain, mais on peut déjà poser des garde-fous pour éviter les pratiques les plus choquantes et les moins respectueuses des animaux, et mettre en cohérence les différents codes.

Le code civil concernant le droit des animaux est-il si rétrograde en France?

En réalité, il y a eu pas mal d’évolutions depuis 1804 et le code civil napoléonien. La dernière date du 6 janvier 1999, qui distingue, dans l’article 528, l’animal des autres corps inanimés. Mais les avancées les plus remarquables ont surtout concerné le code pénal et le code rural. Au niveau pénal, la dernière évolution a eu lieu en 2006 : on a instauré une peine complémentaire pour les actes de cruauté envers les animaux.
La première fois qu’on a sanctionné la maltraitance envers les animaux, c’est en 1850, avec la loi Grammont. Grammont était un général qui était choqué de voir des chevaux, utilisés alors comme moyens de locomotion, maltraités sur la voie publique. Sa loi ne concernait que les mauvais traitements exercés sur les animaux domestiques en public : en fait, elle visait plutôt la protection de la sensibilité humaine que celle de l’animal. Il faut attendre 1959 pour que les sanctions soient étendues à la maltraitance dans la sphère privée. Le délit pour acte de cruauté [envers les animaux domestiques, apprivoisés ou en captivité] est établi en 1963. En 1999, ces actes de cruauté sont plus lourdement sanctionnés, jusqu’à deux ans de prison [et 30 000 euros d’amende]. Enfin, en 2004, les sévices sexuels sur animaux sont ajoutés aux actes de cruauté – qui comptaient aussi l’abandon.
Mais même avec ces évolutions, on peut dire  que la France reste plutôt à la traîne en Europe. Souvent, les quelques progrès y ont été imposés par l’Europe, par exemple sur l’expérimentation animale [Bruxelles a notamment interdit en 2013 les tests sur les animaux pour les cosmétiques vendus en Europe]. Et Paris s’est toujours fait remarquer pour sa lenteur à transposer et appliquer  les directives, comme avec la directive oiseaux : des périodes d’ouverture de chasse ne sont pas conformes aux textes européens, malgré les sanctions.
Finalement, quelle que soit l’ambition théorique affichée, la réalité est bien souvent différente. En Suisse ou en Allemagne par exemple, la protection de l’animal est inscrite dans la Constitution – or les progrès en pratique ne sont guère perceptibles. »

  • Dans 20 minutes.fr du 16 avril 2014 Nicolas Beunaiche,  dans un article titré  « Statut de l’animal: La révolution n’est pas pour tout de suite » interroge,  entre autres personnalités,  le vice–président de la LFDA, sur la portée de l’amendement voté le 15 avril, créant un nouvel article du code civil distinguant les animaux des autres biens.

« Une disposition reconnaissant à l’animal la qualité d’ »être vivant doué de sensibilité » a été adoptée mardi à l’Assemblée… 
une disposition reconnaissant aux animaux la qualité d’ »êtres vivants doués de sensibilité ». Une décision marquante, mais à la portée surtout symbolique.
La rapporteure Colette Capdevielle (PS) l’a souligné dès mardi: « C’est un amendement de cohérence avec le Code rural et le Code pénal. Cet amendement n’entraîne aucune conséquence juridique, aucun effet juridique non maîtrisé. » 
En clair, « rien ne va changer sur le plan pratique, seul un souci d’harmonisation des textes a guidé le Parlement », décrypte Jean-Marc Neumann, juriste et vice-président de la LFDA (La Fondation Droit Animal).
La reconnaissance de la « sensibilité » des animaux est avant tout symbolique, analyse également Sonia Desmoulin-Canselier, docteur en droit privé et chargée de recherche au CNRS. Avant de préciser: « Est-elle suffisante? Tout dépend maintenant de ce que vous attendez d’un symbole. Peut-être fera-t-il progresser l’idée de la protection animale… »
Caroline Lanty, avocate et ancienne présidente de la SPA, préfère y voir « un peu de communication ». […] Pour un statut juridique, il faudra retoquer à la porte de l’Assemblée.
[…]Une idée que la Fondation Droit Animal défend elle aussi, puisqu’elle a remis en novembre à l’Elysée une proposition de loi. « Elle donne une vraie définition de l’animal, de sa sensibilité et de son bien-être, et elle modifie les Codes pénal, civil, rural et de l’environnement », détaille son vice -président. Ne manque que la réponse de François Hollande.
Aujourd’hui, c’est en effet le flou qui règne dans les textes législatifs et les tribunaux. Si le Code civil assimile les animaux à des biens meubles, le Code pénal prévoit, lui, une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende en cas de maltraitance à l’égard d’un animal. Quant aux tribunaux, ils s’en remettent bien souvent à la sensibilité des magistrats. « Dans les cas de divorce, par exemple, certains juges distinguent depuis longtemps les animaux de la masse des biens à partager. Et si votre chien décède chez le vétérinaire, vous pouvez obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral », explique Caroline Lanty. Mais rien n’oblige un magistrat à se montrer ouvert sur la question. Actuellement, en cas de maltraitance, quatre plaintes sur cinq sont ainsi classées sans suite par les procureurs, […]
Au Parlement, le sujet de la cause animale devrait à nouveau faire parler ces prochains mois ». […]

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