Les vétérinaires et le bien-être animal dans le processus VETFUTURS

Point de situation à travers Le Livre Bleu.

La profession de vétérinaire, créée au siècle des Lumières à des fins surtout économiques, essentiellement pour lutter contre les maladies qui décimaient les troupeaux et ruinaient les paysans, a eu un objectif originel de santé animale avant de s’imposer ensuite dans le domaine de la santé publique, notamment à travers la sécurité sanitaire des aliments. Elle ne s’est intéressée que beaucoup plus tard à la notion de bien-être animal, qui certes englobe la santé animale mais va beaucoup plus loin dans son approche de l’animal, précisément centrée sur l’animal lui-même.

La fin du siècle dernier et le début de notre siècle sont caractérisés en Occident, sous diverses formes et à l’occasion de différents événements,  par un débat de société sur l’éthique de la relation entre l’homme et les animaux, avec la préoccupation majeure de leur bien-être dès lors qu’en fonction de leur place au sein du « règne animal » ils sont doués de sensibilité et a fortiori de conscience.

Paradoxalement, les vétérinaires ne sont entrés que tardivement, voire timidement,  dans ce débat malgré leur incontestable expertise dans ce domaine.

Aujourd’hui, dans un cadre plus vaste, la profession de vétérinaire, en Europe et notamment en France, a fait le choix de s’interroger sur elle-même et sur son avenir : c’est le projet dénommé VETFUTURS. Il est décliné en France depuis 2017, il s’appelle VETFUTURS France. Les vétérinaires de France se livrent collectivement depuis un an et demi à un grand « remue-méninges » dont rend compte en particulier le site du Conseil national de l’Ordre. Le chantier est sans aucun doute passionnant et enrichissant, comme le note son chef de projet, Christophe Buhot, ancien président de la Fédération vétérinaire européenne. Nous passerons ici sur la méthode, les moyens et  les événements liés à ce grand projet d’une profession qui a fait le choix de se remettre en cause. Il est intéressant de souligner la publication en juillet 2018 d’un rapport d’étape d’une petite centaine de pages : le Livre Bleu. Quelle place, à ce stade, est accordée au bien-être animal ?

Il ne s’agit pas encore d’engagements ni de directions prises mais plutôt, comme l’annoncent les présidents de l’Ordre et du Syndicat, de l’exposé du processus d’analyse et d’évaluation des solutions émergentes. Solutions au bénéfice des vétérinaires certes mais également, comme cela est annoncé, des animaux et de la société.

C’est dans la deuxième et la troisième parties de ce livre bleu que l’on trouve mention de la réponse aux attentes sociétales en matière de bien-être animal, d’abord au sein de trois chapitres, respectivement intitulés comme suit :

  • « En 2030, les animaux deviennent des membres de la famille ». Il s’agit bien évidemment des animaux de compagnie. On y évoque les moyens de l’amélioration de la médicalisation des chats mais surtout on s’y interroge sur la lutte contre les l’apparition des « hypertypes », sources évidentes de mal-être animal dues aux caprices des hommes.
  • « Sensibilité croissante au bien-être animal dans la société ». Les cinq libertés fondamentales y sont rappelées et une sixième y est même évoquée : avoir une mort digne. A ce stade plus de questions que de réponses.
  • « Nouveaux regards sur l’animal sauvage et la santé animale ». Intéressant en ce sens que le vétérinaire sort de son domaine habituel quasi-exclusif qu’était celui de l’animal domestique pour embrasser celui de l’animal dans sa globalité. La biodiversité devient vraiment sujet de préoccupation de la profession. Le vétérinaire veut résolument se situer à l’interface homme-animal-environnement.

Ensuite, dans la troisième partie, sont évoquées les valeurs des vétérinaires, distinguées en valeurs chaudes, sociales et sociétales, en valeurs relevant de la dimension morale ou éthique et en valeurs relevant de l’engagement et de l’exigence professionnelle. Mais, à notre regret, cette partie n’est guère développée.

Evidemment le lecteur extérieur à la profession ou même simplement extérieur au projet VETFUTURS reste à ce stade sur sa faim en ce sens que le sentiment qui se dégage est celui d’une profession qui, voulant répondre au mieux à la demande sociétale, se contente en quelque sorte d’analyser cette demande afin de s’y adapter au mieux et même de l’anticiper. La profession vétérinaire n’est pas militante, elle se veut experte et l’expertise n’est guère compatible avec l’engagement militant, sauf à perdre toute objectivité et impartialité. Et donc toute crédibilité. Alors, à ce stade tout au moins, on ne discernera aucune prise de position sur les sujets majeurs débattus de la relation homme-animal. Aucun avis, même si la loi le permet expressément désormais à l’Ordre.

Souhaitons quand même que le rapport final, quand il sera publié, aille au-delà de la simple adaptation d’une profession à un environnement évolutif et que la profession de vétérinaire y apparaisse alors – de manière active et autonome – comme un corps professionnel capable de se présenter devant la société en tant que véritable guide animé d’éthique.

Michel Baussier

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