LFDA, la justice et la science au service des animaux

  • Le bimestriel Clés n°90/2014, publie sous la plume de Danièle Heymann et sous le titre « Le chercheur qui aimait ses cobayes » un entretien biographique avec Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS et administrateur de la LFDA, qui après avoir expérimenté sur la souris de laboratoire pour étudier la physiologie de la mémoire, est devenu un grand éthicien de la cause animale.

[…] [En opposition au concept de] « L’animal-objet, conséquence philosophique indirecte (et mal digérée) de l’animal-machine proposé par Descartes et ses successeurs, Georges Chapouthier élabore son credo. « Cette réflexion [post cartésienne] sur l’animalité me conduisit naturellement à la seule position défendable pour un scientifique aujourd’hui, celle de l' »animal-être sensible »,
« Qu’est ce qu’un être sensible ? On peut répondre en parlant d’abord de la douleur qu’il éprouve. De compagnie, d’élevage ou d’expérimentation l’animal ne peut plus être traité comme une chaise, ni comme une salade, encore moins comme un caillou. » lit-on dans « Le Chercheur et la souris », le livre qu’il signe avec Françoise Tristan-Potteaux. [….] Georges Chapouthier y énonce également sa déclaration des droits de l’animal: « un être sensible à qui l’on peut (et l’on doit) attribuer des droits conformes au mode d’être de son espèce. Des droits qui ne peuvent évidemment pas être confondus avec les droits de l’homme « . Il a milité dans le cadre de la Ligue française des droits de l’animal créée en 1977 et devenue aujourd’hui La Fondation Droit Animal, éthique et sciences (LFDA). Militer est loin d’être inutile: en avril dernier, les députés ont enfin reconnu à l’animal le statut « d’être vivant doué de sensibilité ». Jusque-là, pour le code civil français, il appartenait à la catégorie des « biens meubles ». […]Louis Schweitzer, président de la LFDA, a d’ailleurs interpellé sur le sujet les candidats à l’élection présidentielle de 2012. François Hollande avait répondu: « si ce thème ne se situe pas au cœur de la campagne, le minorer serait une faute. » Georges Chapouthier, de toute évidence, n’a pas commis cette faute. Acceptant l’insoluble contradiction entre les deux pôles de sa vie, l’utilité indiscutable de l’expérimentation animale et la volonté irrévocable d’épargner des souffrances inutiles aux malheureux artisans du progrès médical. Et ne cessant jamais de poser les questions essentielles, ainsi celle de la frontière entre animalité et humanité. Cette frontière, déjà mise à mal par Darwin, Chapouthier va s’efforcer de la contester « point par point, en particulier sous l’angle de la culture, de la morale et de l’esthétique. » […]

Plus encore que la notion de « droits de l’animal, en passe d’être assimilée par la société, la notion de » personne animale « est peut-être celle qui posera le plus de questions philosophiques et juridiques sur les frontières mouvantes entre animalité et humanité, assure Chapouthier. Tout commence sans doute par un regard: « C’est peut-être cela que nous dit la bête : »regardez-moi », conclut-il.

  • Le trimestriel CNRS Le Journal n°275 hiver 2014, publie sous le titre « Le chercheur et la souris » un long entretien avec Georges Chapouthier, directeur de recherche émérite au CNRS et administrateur de la LFDA.

[…] « Après avoir fait l’École normale supérieure, je suis rentré en 1968 au CNRS comme chercheur en neurobiologie. Je considérais alors l’animal comme un système utile pour le développement de la recherche en mettant de côté la question morale de son traitement. Mais peu à peu, je suis revenu à mes premiers sentiments. Et j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Claude Nouët, un histologiste, vice-doyen de la Pitié-Salpétrière, qui avait co-fondé en 1977, la LFDA. J’ai ainsi réfléchi sur la condition animale, d’abord en faisant une thèse d’État en philosophie, sous la direction de François Dagonet, puis en publiant, notamment « Au bon vouloir de l’homme, l’animal » en 1990, le tout premier livre en France sur les droits de l’animal [….] Je me suis très vite investi à la LFDA, aujourd’hui La Fondation Droit Animal, éthique et sciences, présidée par Louis Schweitzer. J’en ai été le Secrétaire général de 1999 à 2002, puis le vice-président de 2002 à 2010. Et je suis actuellement toujours membre du conseil d’administration. Cela dit, l »action de cette fondation, composée d’universitaires, de scientifiques, de philosophes et de juristes, se situe uniquement sur le plan de la pensée: nous publions des livres et des articles, nous organisons des débats et des colloques, comme celui de l’an dernier sur les capacités de souffrance de l’animal, et nous avons, en 2012, interrogé les candidats à l’élection présidentielle sur le statut de l’animal. Notre fondation vise à adopter une position raisonnable, en ne tombant ni dans un extrême ni dans l’autre. »[….] 

  • Dans son livre No steak, publié chez Fayard en janvier 2013, le journaliste et végétarien Aymeric Caron se livre à une enquête sur les rapports étranges que l’homme entretient avec les animaux et notamment avec ceux dont il consomme la chair.

Il montre entre autre, que la science nous prouve un peu plus chaque jour. D’une part que la production industrielle d’animaux pour la consommation a un impact très négatif pour notre environnement. Que la surface des terres et des ressources en eau disponible, jointe au faible rendement de transformation du végétal en chair animale, deviennent économiquement insuffisants pour assurer une alimentation carnée à une population humaine en plein développement démographique avec 10 milliards attendus d’être humains en 2050). La science nous démontre aussi que la surconsommation de viande a un impact également très négatif sur notre santé et d’autre part que les animaux que nous exploitons sont des êtres sensibles, intelligents et sociaux. Le développement de l’éthique animale nous oblige dès aujourd’hui à reconsidérer nos relations avec les animaux et en premier lieu avec ceux que nous tuons chaque année pour manger, au nombre de 60 milliards dans le monde et de 1 milliard en France.

Pour mener son enquête, Aymeric Caron, a rassemblé les avis de nombreuses personnalités des mondes politique, artistique, protectionniste, philosophique et scientifique. Et, sur le thème des différences entre l’homme et les animaux, il consacre 4 pages de son ouvrage (p.217 à 221) à la LFDA et à son directeur, dont voici quelques extraits. 

« La […] Fondation LFDA […] a été fondée en 1977 pour défendre l’animal en s’appuyant sur des réflexions scientifiques, philosophiques et juridiques. Parmi ses succès, on compte, en 1984, le premier règlement européen permettant de mentionner le mode d’élevage des poules sur les boîtes d’œufs pour valoriser les élevages de poules en liberté, ou encore, vingt ans plus tard, la modification du Code pénal pour qu’il intègre les sévices sexuels sur les animaux dans la catégorie des actes de cruauté et sévices graves. La LFDA a également été associée à la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’animal en 1977.

La fondation est aujourd’hui dirigée par Thierry Auffret Van Der Kemp. [….] ce zoo-biologiste marin a longtemps travaillé au Palais de la découverte. […] Cet homme d’une soixantaine d’années […] est un passionné capable de parler pendant des heures d’une faune et d une flore qu’il a longuement étudiées et qu’il connaît par cœur. A la différence d’autres défenseurs des animaux, il préfère à une approche sentimentaliste de la question animale une approche exclusivement scientifique. Pour lui, c’est l’état de nos connaissances qui doit faire avancer les droits accordés aux animaux, et non l’attendrissement que beaucoup d’entre eux provoquent chez nous assez naturellement.

Le premier point qu’il tient à soulever, c’est que l’homme est une espèce en continuité avec le reste du monde animal: il n’y a pas entre les autres animaux et nous de différence de nature, mais seulement de degré. Et parmi ces degrés, le degré culturel de l’homme est amplifié par la mémoire extra-corporelle. Avec les autres animaux, nous partageons deux mémoires: la mémoire génétique et la mémoire neurobiologique. Mais nous humains, avons également inventé une mémoire qui est en dehors du corps et qui nous permet de partager avec l’ensemble de l’humanité, y compris l’humanité passée. Il s’agit de nos représentations sous formes d’images, de symboles, et sur différents supports (marbre, édifices, papier, pellicule, support numérique …) […] Notre cerveau n’a pas beaucoup évoluer depuis cinq cent mille ans, mais chaque individu accumule les expériences de tous les individus passés et du monde entier. C’est cela la mémoire extra-corporelle. Les autres animaux, en revanche, ne peuvent transmettre que directement, lorsque des individus sont dans leur voisinage pour les imiter […]

Thierry Auffret van der Kemp refuse pourtant de parler d’une faiblesse des autres espèces animales par rapport à l’homme. En tant que biologiste, il se méfie énormément des critères utilisés pour juger du succès d’une espèce. Selon lui, si le critère retenu est la capacité à peupler l’ensemble de la planète, et même l’espace, alors oui, on peut dire que les humains sont très forts. Mais si l’on retient par exemple le critère de la durée de vie sur terre, alors certaines bactéries qui sont là depuis 3 milliards d’années ont fait beaucoup mieux que nous!

Quant à l’homme, qui est une espèce très jeune, combien de temps va-t-il encore durer? poursuit-il. Vu le chemin qu’il prend, sûrement pas un milliard d’années! […] Dire que nous représentons l’espèce supérieure parce que nous avons un cerveau hyper puissant, le langage articulé et que nous sommes très culturels, c’est un jugement de valeur, pas un constat scientifique. »[…] 
Le directeur de la LFDA reconnaît à l’homme une autre faiblesse par rapport au reste des animaux: « Peut_être que notre péché originel est de na pas vivre dans l’instant, contrairement aux autres espèces. L’homme est sans cesse en train d’imaginer et d’espérer autre chose, de vivre dans l’imaginaire. Dans l’imaginaire passé, dans l’imaginaire futur, mais jamais dans le présent. Cette attitude occasionne beaucoup d’angoisse, et elle fait qu’on oublie de [se sentir] vivre. »

Depuis trente ans, on connaît beaucoup mieux les animaux grâce aux progrès réalisés en éthologie et en neurobiologie […]. Selon Thierry Auffret van der Kemp, […] : »L’éthologie, qui est la science du comportement animal, est une discipline très récente. Elle révolutionne les sciences biologiques au même titre que la génétique, mais avec probablement plus de répercussions philosophiques. L’éthologie et la neurobiologie ont montré que des comportements qui pouvaient passé pour proprement humains ne le sont pas du tout. On a d’abord cru que le propre de l’homme, c’était les outils. Puis on a découvert qu’il y a beaucoup d’animaux qui en fabriquent. […] Le propre de l’homme est alors devenu la culture. Mais là encore on a trouvé des exemples de protoculture chez d’autres animaux. On a alors dit que seul l’homme avait la conscience de soi. On sait désormais que c’est faux grâce au test du miroir: certains animaux se reconnaissent dans une glace. Puis on a cherché du côté de la méta-conscience (avoir conscience que les autres ont une conscience). Mais là encore, on a trouvé des animaux comme les geais américains, qui ont prouvé qu’ils possèdaient cette caractéristique. […]Il y a encore beaucoup de choses que l’on ignore, mais ce qui semble sûr, c’est que la spécificité humaine, c’est de se demander, justement, quel est le propre de l’homme! »

  • Le bimestriel Regard animal n°4 de mars-avril 2011, publie sur 4 pages un grand interview de Thierry Auffret Van Der Kemp, directeur de La Fondation Droit Animal, éthique et sciences (LFDA).

Ce biologiste marin et ancien chef du département des sciences de la vie du Palais de la découverte a accepté de répondre à quelques questions personnelles concernant sa formation professionnelle, les motivations qui l’ont conduit à s’intéresser à la protection animale, son parcours au sein de la LFDA, les réactions ou réflexions qui l’ont le plus touché. Il présente les particularités de la LFDA, tant dans son organisation, son fonctionnement, sa composition, que dans ses objectifs, ses modalités d’actions et ses grandes réalisations.

« Regard animal: Pourriez vous nous indiquer ce qui distingue particulièrement la LFDA des autres ONG de protection des animaux ou de préservation de la faune sauvage?

Thierry Auffret : […] C’est à ma connaissance, la seule organisation à agir pour le bien-être des animaux et la préservation des espèces, exclusivement selon la triple démarche rationnelle qui va de la science au droit en passant par l’éthique.

Comment fonctionne la LFDA?

[…] grâce aux dons et legs de ses sympathisants dont les 2/3 sont des enseignants (universitaires, professeurs de lycée et d’école) et des scientifiques (médecins, chercheurs biologistes, ingénieurs) [….]

Pour 2011, quelles seront les grandes actions de la LFDA?

Dans le domaine juridique: la LFDA poursuivra son action, entreprise depuis 7 ans, pour réformer le code civil et le code de l’environnement afin que l’un et l’autre accordent à tous les animaux aptes à ressentir la douleur ou à éprouver des émotions, un  statut juridique reconnaissant leur nature d’être sensible ;
elle a également prévu de proposer à des parlementaires et aux ministères concernés plusieurs  textes juridiques visant à améliorer la protection des animaux dans les différents codes:
-Dans le code rural,  interdire la pratique  de la pêche  au vif ;
-Dans le code pénal, pénaliser autant que les acteurs de sévices sur animaux,  les producteurs, réalisateurs et diffuseurs de documents vidéos mettant en scène des actes de cruauté ou de maltraitance sur animaux ;
-Dans le code de la consommation, rendre obligatoire l’étiquetage informatif  des produits carnés sur le mode d’abattage (avec ou sans étourdissement préalable) des animaux dont ils sont issus ; 
-Dans le code du travail, créer une clause d’objection de conscience ou de retrait à la maltraitance animale ;
-Dans le code de l’action sociale et des familles, créer des dispositions de signalement de la maltraitance animale afin de prévenir la violence domestique étendue aux femmes et enfants ; 
Dans le domaine de l’enseignement et de la recherche: la LFDA recensera les méthodes alternatives à l’expérimentation sur animal vivant pour l’enseignement supérieur. Elle présentera une communication sur « Des sensibilités à la sensibilité animale en France » au colloque « L’animal souffre-t-il en droit ? », organisé à Ottawa par le Groupe de recherche international en droit animal de l’université du Québec à Montréal. »

ACTUALITÉS