Une condamnation exemplaire pour des sévices sur un chat

Le bimensuel Le Monde des ados du 12 février et le quotidien Le Monde  du 3 février, qui ont publié deux  articles consacrés à la condamnation à un an de prison ferme d’un marseillais ayant diffusé sur Internet les sévices qu’il avait commis sur un chaton,  ont rapporté les commentaires de Jean-Marc Neumann,  vice-président de la LFDA, sur cette affaire.

  • Dans Le Monde des ados, Jean- Marc Neumann, répondant aux questions de Marion Gillot déclare notamment: 

« En général, les tortionnaires d’animaux sont condamnés à de faibles amendes ou de la prison avec sursis » note Jean-Marc Neumann, vice-président de la Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences. […] Une affaire qui concerne un animal n’est pas prioritaire pour les juges face à une agression de personne. S’ils ont prononcé une si lourde peine, c’est aussi parce que Farid Ghilas a déjà été condamné à huit reprises pour des faits de violence sur des personnes. […]Je ne suis pas sûr qu’il y ait d’autres condamnations aussi sévères. La bonne nouvelle c’est que des gens se sont mobilisés pour un animal. C’est déjà une grande avancée. »

  • Dans Le Monde, Jean-Marc Neumann, répondait de manière plus développée aux questions d’Audrey Garric.

[…] « Cette condamnation est exemplaire, estime Jean-Marc Neumann, juriste et vice- président de la Fondation Droit Animal, éthique et sciences, qui dit toutefois craindre qu’elle reste « un cas isolé et exceptionnel »[…]

-Que pensez-vous de la condamnation de Farid Ghilas, filmé en train de lancer un chat contre un mur?

 » Cette décision du tribunal de Marseille est exemplaire. Elle tranche avec les précédentes décisions en matière de maltraitance animale, bien plus légères. Le code pénal sanctionne gravement les actes de cruauté ou les sévices à l’encontre des animaux qui sont considérés comme des délits. Depuis 1999, l’article 521-1 condamne ainsi à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité. Le législateur veut ainsi sanctionner les comportements sadiques. Mais jusqu’à présent, les juges ont toujours été cléments, n’appliquant jamais le code pénal dans toute sa rigueur: ils se sont toujours contentés d’amendes peu élevées (de l’ordre de 500 € ou 1000 €) et jamais de prison ferme (le plus souvent quelques mois de sursis). Nombre d’affaires sont également classées sans suite ou se soldent par des non-lieux. Enfin, en cas d’atteinte volontaire à la vie d’un animal, l’auteur n’est sanctionné que par une simple contravention, qui peut atteindre au maximum 1500 €, selon l’article R.655-1. Au final, l’animal n’a pas encore trouvé la place qu’il mérite dans le droit en France.
La condamnation de Farid Ghilas, bien plus forte, est sans doute due, au delà du fait qu’il soit multirécidiviste, à la forte mobilisation des internautes sur Facebook et Twitter, réclamant une condamnation exemplaire du jeune homme, qui a rassemblé 258 000 signatures. Farid Ghilas peut toutefois encore faire appel. Il est alors possible que sa condamnation soit plus mesurée lorsque la pression sera retombée. Je crains que cette condamnation reste un cas isolé et exceptionnel, à moins d’une mobilisation systématique des internautes pour chaque cas de maltraitance. »

-Comment expliquer la clémence des juges en matière de droit de l’animal?

« Il s’agit d’abord d’un problème de formation: Les juges ne reçoivent pas d’enseignement spécifique, à l’école de la magistrature, sur le régime applicable à l’animal. Ils ne sont donc pas formés de manière à correctement examiner les cas de cruauté animale. Ensuite, la justice est totalement débordée. Sauf quelques cas particuliers, les animaux sont à la fin de la pile des dossiers en attente. Enfin, il y a un problème de sensibilité et de mentalité, tant des autorités que de la population. Dans le cas du chat Oscar, la police ne s’est ainsi saisie du dossier qu’après avoir été plusieurs fois interpellée par des habitants du voisinage. Et si la mobilisation des internautes a été forte cette fois-ci, la compassion à l’égard des animaux n’est pas encore très développée en France en comparaison des pays nordiques ou de l’Allemagne. N’oublions pas qu’on est un pays qui aime des pratiques et traditions qui portent atteintes à la dignité de l’animal, comme la corrida ou le foie gras.

– Faut-il alors changer le code civil et le statut de l’animal en France?

Le code civil par ses articles 522, 524 et 528 considère les animaux comme des biens, immeubles ou meubles selon les cas. L’animal est donc cessible: on peut l’acheter, le vendre, le consommer ou l’exploiter. Modifier le code civil permettrait d’améliorer le statut de l’animal d’un point de vue symbolique: on l’y reconnaîtrait comme un être sensible, ainsi que le fait le code rural, ce qui pourrait permettre à la société d’être davantage consciente de ses particularités.
Mais sans lui appliquer des règles spécifiques, et des droits propres, l’animal resterait dans le fond une chose, que l’on peut vendre ou acheter. Son statut ne peut évoluer dans les faits que par un changement de société et de mentalité: par exemple en refusant de manger des animaux ou de les utiliser dans les sports et les loisirs. Seul ce changement de comportement peut induire un réel changement au niveau de la réglementation. » 

Des extraits de ces commentaires ont été repris par les quotidiens Var Matin du 4 février,  Nice Matin du 8 février  et sur 4 sites Internet autres que ceux de ces quotidiens : actualite.portail.free,  gizmodo.fr, arretsurimages.ne,  et  fr.news.yahoo.com

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