La zoophilie: une enquête brise le tabou de cette pratique sexuelle illégale mais répandue sur Internet

Elle est taboue mais surtout interdite. La zoophilie, qui désigne une pratique sexuelle entre les animaux et les humains, est une réalité souvent ignorée. Son caractère déviant dérange et bouscule les mœurs, mais n’est pourtant pas suffisamment condamné.

[La rédaction informe le lecteur que cet article comporte des informations pouvant choquer sur des abus dont sont victimes les animaux.]

Fin 2019, l’association Animal Cross a rédigé un rapport intitulé « La zoophilie : les animaux, les nouveaux sex toys » pour dénoncer cette maltraitance et les souffrances infligées aux animaux victimes de prédateurs sexuels. Avec l’aide d’un lanceur d’alerte et le soutien de différents acteurs du monde juridique, scientifique et politique, l’association alerte sur le manque de répression de cette pratique répandue sur internet. Ainsi, Animal Cross s’attaque à un sujet peu considéré et donne une parole à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer.

Le constat alarmant de la zoophilie sur Internet

Grace à des outils statistiques, l’association révèle l’étendue du phénomène. Le nombre de visionnages de vidéos zoophiles sur internet est édifiant. Les sites pornographiques spécialisés dans la zoophilie totaliseraient environ 1,6 million de visites mensuelles en France. Sont exclus les sites pornographiques dits classiques qui comportent des rubriques consacrées aux animaux. De ce fait, l’enquête considère que cette estimation est en-deçà de l’ampleur de cette pratique.

Anil Aggrawal, professeur de médecine légale à New Delhi, a réalisé, en 2011, une classification des zoophiles. Ainsi, le niveau 1 concerne les personnes ayant des fantasmes zoophiles sans passer à l’acte. La consommation massive de la zoo-pornographie s’adresse principalement au voyeur zoophile de cette catégorie.  Le niveau 2 s’applique aux personnes dites tactiles puisque leur excitation se concrétise par un contact des animaux. Le niveau 3 vise les personnes ayant des rapports sexuels avec des animaux. Les personnes pratiquant des activités sadiques, telles que la torture voire la mort de l’animal, pour leur plaisir sexuel avec ou sans rapport appartiennent au niveau 4.

Facilitant la prise de contact et la mise en relation de zoophiles parfois isolés, Internet favorise le passage à l’acte dans l’indifférence la plus totale via petites annonces, forums et certains réseaux sociaux. De façon assumée, ces sites permettent aux zoophiles d’échanger, de rechercher et de proposer des animaux pour des activités de nature sexuelle. L’association recense, grâce aux indicateurs de trafic, environ 10 000 personnes actives sur ces sites de rencontres. Par exemple, un forum que nous ne préférons pas citer, prônant le bien-être animal sous couvert d’apologie de la zoophilie, comptait en septembre 2019 près de 8 000 membres.

En effet, la plupart des zoophiles justifient leurs actes en revendiquant une relation amoureuse avec les animaux. Pour eux, la zoophilie est une orientation sexuelle comme une autre. Le site internet zoophile de l’association ZETA (Zoophiles for Ethical Treatment of Animals) décrit la zoophilie comme « une autre manière de considérer les animaux, (…) ce qu’une partie de la société n’est pas prête à accepter ».

En ce sens, le philosophe australien Peter Singer, défenseur de l’antispécisme (1), estime que la zoophilie dérangerait la plupart d’entre nous dans la mesure où cette pratique nous rabaisserait à l’animal. Selon lui, « la zoophilie menace l’idée de notre supériorité sur les animaux ». Il aborde alors le sujet du consentement de l’animal. Dès lors que l’animal est libre de partir, il considère que la « zoophilie est un crime sans victime ».

Or, la zoophilie est bien une pratique fondée sur la domination de l’homme sur l’animal. En effet, les victimes ciblées sont les animaux domestiques. Le profil du partenaire animal est sélectionné selon les « projets » du zoophile. L’animal doit être suffisamment docile pour ne pas être dangereux en cas de violence. L’enquête révèle que les animaux les plus recherchés par les zoophiles restent les chiens et les chevaux.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié, en 2018, la dernière version de sa classification internationale des maladies (CIM-11). Ainsi, elle classe les pensées, fantasmes, pulsions ou comportements sexuels impliquant les animaux comme une maladie catégorisée dans les troubles paraphiliques (ou déviance sexuelle) en lien avec des individus qui ne veulent pas ou ne peuvent pas consentir (2).

De plus, cette nomenclature référence la zoophilie dans la même catégorie que la pédophilie ou le sadisme. Effectivement, l’association a collecté les différents jugements condamnant la zoophilie. De façon récurrente, l’enquête constate que les actes zoophiles s’accompagnent d’actes pédophiles, tous deux prédisposés à la violence.

La conduite de ces prédateurs sexuels reste donc la même. Les victimes sont choisies pour leur vulnérabilité et leur incapacité à exprimer leur consentement. Comme toute déviance sexuelle, il s’agit d’une véritable prédation choisie et guidée par la recherche d’une expérience sexuelle nouvelle et hors normes. Généralement intégrés dans la société et appartenant à toutes les classes sociales, les zoophiles demeurent difficilement détectables.

L’enquête dresse finalement un constat accablant de la zoophilie. Pour cela, l’association préconise le renforcement de la réglementation actuelle.

La nécessité de renforcer la protection des animaux contre les prédateurs sexuels

L’enquête confirme le manque de considération des animaux victimes de la zoophilie en France. L’indifférence générale, par méconnaissance ou par honte, laisse certaines personnes œuvrer librement. D’ailleurs, les propos de Peter Singer, qui assimile la zoophilie à une pratique sexuelle ordinaire, ne sont pas sans rappeler ceux d’un autre auteur : Gabriel Matzneff qui, dès 1974, revendiquait son attirance pour « Les Moins de seize ans ». Étant tous deux influents mais controversés, ces auteurs minimisent la gravité de ces pratiques déviantes.

Pourtant, la zoophilie est illégale en France. Le code pénal définit, dans son article 521-1, la maltraitance sexuelle comme « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle (…) envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité » (2). La zoophilie est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Bien qu’elle soit prévue, la condamnation pour zoophilie reste rare (environ 11 cas entre 2001 et 2019) par manque de preuves.

Pour cela, à la demande de l’association et à l’instar de la députée Muriel Marland-Militello, le député de la majorité, Dimitri Houbron devrait déposer prochainement une proposition de loi dans laquelle il consacrera une partie sur le renforcement de la répression des sévices sexuels commis sur les animaux. Ainsi, il soumettra au Parlement la création de plusieurs nouveaux articles du code pénal.

Sa première disposition vise à réprimer la production et la diffusion, quel qu’en soit le support, d’une représentation à caractère zoophilique. Également, il propose d’inclure la zoopornographie aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal relatifs au visionnage d’images pornographiques par un mineur et aux contenus pédopornographiques. Le juge a déjà condamné, en ce sens, la diffusion d’images zoophiles sur un site internet en raison du fait qu’elles étaient susceptibles d’être vues par un mineur.

La deuxième disposition interdit, quant à elle, l’exploitation, directe ou indirecte, de l’activité zoophile. Il s’agit de rompre les réseaux de zoophiles favorisés par les petites annonces sur Internet.

La dernière disposition consacre un article distinct dédié à l’interdiction des sévices graves ou actes de cruauté à caractère sexuel envers un animal, et un autre article pour y préciser sa définition. À ce titre, des sévices graves ou un acte de cruauté à caractère sexuel envers un animal sont constitués « sans nécessaire condition de violence, contrainte, menace ou surprise. » Cette définition s’aligne avec la position de la Cour de Cassation. Cette dernière avait confirmé, en 2007, un arrêt de la cour d’appel prononçant la condamnation d’un homme en raison de « l’existence de sévices de nature sexuelle du seul acte de sodomie, sans avoir aucunement constaté la violence, la brutalité ou les mauvais traitements avec lesquels le prévenu aurait commis l’infraction. »

L’objectif est donc de durcir l’arsenal répressif contre la zoophilie envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité et d’y ajouter des circonstances aggravantes.

Cependant, la constatation de dommages physiques par le vétérinaire est nécessaire pour détecter la maltraitance sexuelle de l’animal. Ces lésions physiques peuvent concerner les parties génitales mais aussi celles atteintes du fait que l’animal se débatte ou soit maintenu. Toutefois, la violence peut ne pas être visible et les atteintes psychologiques de l’animal ne sont pas mesurables pour l’instant. Enfin, la zoophilie constitue un risque de transmission sexuelle de maladies et infections entre les hommes et les animaux.

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Les vétérinaires jouent donc un rôle essentiel dans la protection de l’animal et la santé publique. Les articles L242-1 et R242-33 du code rural et de la pêche maritime prévoient que le vétérinaire est tenu au secret professionnel. Tel que défini dans l’article 226-13 du code pénal et confirmé par le code de déontologie de la profession vétérinaire, le secret professionnel peut être levé en cas de sévices sexuels. À l’instar des pédiatres et médecins généralistes lorsque la pédophilie était peu portée devant l’actualité, le vétérinaire demeure le premier palier à la fois de prévention mais aussi de signalement contre les sévices sexuels envers les animaux.

Si la zoophilie est aujourd’hui un délit, elle devra être plus sévèrement punie pour rappeler qu’elle « n’est ni commune, ni banale et ni légale. »

Fanny Marocco

  1. Selon le dictionnaire Larousse, « l’antispécisme est une idéologie qui récuse l’idée d’une hiérarchie entre les espèces animales et, en particulier, la supériorité de l’être humain sur les animaux. »
  2. En 1997, la LFDA alerta le président Chirac sur le développement de vidéos à caractère zoopornographiques et sur le besoin d’une répression des actes zoophiles. Après de longues années et de nombreux échanges avec le ministère de la Justice, la loi 2004-204 du 9 mars 2004 permit d’introduire des sanctions contre les sévices de nature sexuelle ; le garde des Sceaux Dominique Perben remercia dans un courrier la LFDA, « à l’origine de cette avancée juridique» pour « [son] courage et [sa] détermination».

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