Les ONG à nouveau mobilisées pour les cétacés captifs en France

Il y a du nouveau concernant la captivité des cétacés dans les delphinariums métropolitains. Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a entendu l’appel des huit organisations de protection animale qui l’interpellaient en février et en mars pour prendre un nouvel arrêté réglementant l’activité des delphinariums. Il a décidé de se saisir de la question et a souhaité nous rencontrer à ce sujet.

Pour rappel, l’arrêté interdisant la reproduction des orques et des grands dauphins dans les delphinariums en France pris par l’ancienne ministre de l’Environnement le 3 mai 2017 avait été porté devant le Conseil d’État par Marineland, le Parc Astérix et Planète Sauvage. Cette institution avait décidé d’annuler l’arrêté le 29 janvier dernier, au motif que la procédure d’adoption de cette réglementation était irrégulière.

Immédiatement après la décision du Conseil d’État, les organisations La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA), C’est Assez !, Association pour la protection des animaux sauvages, Fondation Assistance aux Animaux, Fondation Brigitte Bardot et Fondation 30 Millions d’Amis avaient écrit une lettre ouverte au ministre pour demander à discuter des solutions possibles. Au milieu du mois de mars, ces organisations, auxquelles se sont ajoutées Ensemble pour les animaux et Code Animal, ont envoyé un courrier au ministre pour lui demander une audience afin de lui remettre des pétitions contre la captivité des cétacés en France ayant récolté plus de 200 000 signatures.

Face à cette pression de la part des ONG et du public et en tenant compte de ses convictions personnelles, le ministre a décidé de recevoir six représentants de nos ONG pour discuter de la captivité des grands dauphins et des orques. Lors de cette réunion au ministère le 23 avril dernier, nous avons eu l’occasion d’exposer nos arguments scientifiques et éthiques en faveur de la fermeture des delphinariums, et de proposer à Nicolas Hulot une nouvelle version de l’arrêté, qui reprend la mesure principale et essentielle de celui annulé, à savoir l’interdiction de détenir des cétacés autres que ceux actuellement captifs (et donc l’interdiction de leur reproduction). Nicolas Hulot s’est montré intéressé et déterminé à agir sur la question.

Liste non exhaustive de nos arguments

Dans un document envoyé par la suite au ministère pour appuyer nos demandes, nos ONG ont avancé divers arguments éthiques et scientifiques, toujours appuyés par des publications scientifiques. Voici quelques-uns de ces arguments :

  • Aucune étude ne démontre que l’espérance de vie des cétacés en captivité est supérieure à celle des cétacés dans leur milieu naturel. Plus de la moitié des grands dauphins dans les parcs français sont morts à un âge très jeune (entre 6 et 14 ans en moyenne) alors que l’espérance de vie des grands dauphins est d’environ 45 ans. Surtout, plusieurs études montrent que le taux de mortalité en captivité est supérieur à celui en milieu naturel.
  • Si les tours effectués par les cétacés sont supposés essentiels à un état psychologique positif de ces animaux en bassin, cela signifie que la captivité est intrinsèquement source de mal-être, puisqu'il faut les occuper !
  • Le régime alimentaire des dauphins captifs est sensiblement différent de leur régime alimentaire naturel car, d’une part, ils mangent du poisson mort congelé, en portion plus grosse puisque seulement à quelques moments de la journée et, d’autre part, les espèces de poissons fournies sont différentes et moins diversifiées que les espèces chassées et mangées dans leur milieu naturel. Ces différences entraînent des calculs rénaux et un risque plus élevé de diabète pour les spécimens vivant en bassin.
  • Le chlore peut causer des lésions cutanées ou oculaires et des maladies digestives et respiratoires. Si aucun autre moyen n’est utilisable (pour des raisons d’ordre sanitaire, pratique et économique), cela montre encore une fois que le seul endroit où devraient être ces cétacés est dans leur environnement naturel.
  • Les delphinariums ne participent pas à la conservation des grands dauphins et des orques car les animaux nés en captivité ne peuvent pas être relâchés dans leur environnement naturel. Seuls les animaux capturés le pourraient, au prix d’intenses efforts de rééducation à la vie en liberté (chasse, etc.). Mais cela coûterait bien trop cher aux parcs qui n’y trouvent pas un intérêt économique. Des études scientifiques sur les dauphins en milieu naturel soulignent un impact négatif des activités humaines sur les populations sauvages : elles ne mentionnent pas la captivité comme moyen de conservation des espèces. De plus, une partie de la communauté scientifique reconnaît l’observation et l’expérimentation en milieu naturel comme étant une source d’innovations méthodologiques concernant la recherche sur ces espèces.
  • Les delphinariums ne permettent pas non plus d’éduquer à la conservation de la biodiversité marine car le public ne vient pas pour « apprendre » mais pour se divertir en famille. De plus, les spécimens exhibés dans les parcs ne sont qu’une pâle copie de leur congénère en liberté : ils ont des comportements artificiels et souvent pathologiques à cause de la captivité. Enfin, on montre aux visiteurs que, puisqu'ils peuvent se reproduire en captivité, l’environnement naturel de ces espèces n’a pas besoin d’être préservé, donc cela est contraire à l’effet recherché.
  • Empêcher la reproduction des animaux n’est pas source de mal-être supplémentaire pour les dauphins captifs si cela est réalisé correctement, c'est-à-dire en administrant un contraceptif réversible aux animaux afin qu’ils puissent continuer à avoir un comportement naturel d’accouplement, ou bien en séparant les mâles des femelles dans des parcs différents : en effet, dans la nature, ils ne vivent généralement pas ensemble mais se retrouvent seulement pour s’accoupler.

La question du sort des spécimens d’orques et de grands dauphins actuellement captifs a également été mise sur la table, dans le cas où les parcs mettraient un terme à leur activité de manière précoce. Nous avons fourni des éléments pour appuyer la création d’une baie de réhabilitation pour les animaux, tout en soulignant l’indispensable réflexion à mener avant de se lancer dans un tel projet, pour ne pas contrevenir à nouveau au bien-être des animaux.

Nous sommes maintenant dans l’attente d’une décision. Nous espérons que le ministère tiendra compte de nos arguments qui avaient déjà convaincu le ministère précédent, et qu’il choisira, dans les toutes prochaines semaines, de prendre un arrêté en faveur du bien-être des animaux et du respect que nous leur devons.

Nikita Bachelard

Article publié dans le numéro 98 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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