Hommage à Mme Antoine, magistrate au service des animaux

La LFDA rend hommage à Madame Suzanne Antoine, magistrate ayant œuvré, à faire évoluer le droit animal.

La LFDA rend hommage à Madame S. Antoine, magistrate ayant œuvré, à ses côtés, à faire évoluer le droit animal.
© Michel Pourny / LFDA

La magistrate Suzanne Antoine, figure majeure de la LFDA, nous a quitté le 11 mars 2022. Entrée au conseil d’administration de la LFDA en 1995, sa détermination et son intelligence ont accompagné la fondation pendant plus de 20 ans.

Parmi ses contributions à la cause animale, nous citerons bien sûr le rapport sur le régime juridique de l’animal qu’elle rédigea à la demande du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et remit en 2005 au ministre de la Justice Dominique Perben. Ce texte, rédigé notamment après des entretiens avec plusieurs juristes et des représentants d’associations et de fondations, proposait de sortir les animaux de la catégorie des biens meubles dans le code civil. Cela faisait déjà deux décennies que la LFDA souhaitait faire progresser le régime juridique des animaux afin de les doter de statuts cohérents et adaptés à leur nature particulière : non humains, mais pas des objets. D’ailleurs, la LFDA avait obtenu par la loi du 6 janvier 1999 qu’ils ne soient plus qualifiés d’objets. Ce n’était qu’une première étape.

Mme Antoine écrivait en 2003 (Recueil Dalloz n° 39) :

« Il est pratiquement impossible, en raison des classifications rigides qui structurent le droit civil français, d’établir les bases d’un régime juridique qui correspondrait à la nature particulière de l’animal. […]

On a le sentiment d’être en face d’une construction à laquelle il manque une pièce : il n’y a aucune place disponible pour y faire entrer l’animal. Cet être, à la fois si proche de l’homme par leur commune appartenance au monde des vivants, si loin aussi par la diversité de ses aspects physiques et des formes de son intelligence, ne peut être inclus dans les actuelles classifications du droit. Qu’il ne soit pas, même s’il est objet de commerce, un bien comme les autres, c’est l’évidence même ; qu’il ne soit pas une personne à laquelle on puisse appliquer les droits de l’être humain, cela est non moins évident. »

Le droit français est basé sur la summa divisio : d’un côté, il y a les personnes, de l’autre, les biens. Octroyer la personnalité juridique aux animaux revient pour beaucoup à détruire ce principe sacro-saint. Mme Antoine arguait qu’il était possible de retirer les animaux de la catégorie des « meubles » sans nécessairement devoir doter l’animal de la personnalité juridique.

« Pour faire cesser les contradictions des textes qui traitent l’animal tantôt comme un meuble ordinaire, tantôt comme un bien protégé, pour qu’il cesse, comme le dit le professeur Marguénaud, « de naviguer entre les personnes et les biens », la seule solution logique est de créer une nouvelle sorte de bien. […]

L’intérêt de cette extension consisterait surtout à ne pas laisser le vivant en dehors du champ de l’éthique. Actuellement, le juridique occulte l’éthique. Si la loi de bioéthique introduit, dans le droit relatif au corps humain, des notions de morale, force est de constater que les animaux restent « hors du champ de l’éthique » et qu’il n’existe pas pour eux de statut moral. »

Parmi ses questions soumises aux candidats aux présidentielles depuis des dizaines d’années, la LFDA avait d’ailleurs inclus cette demande de mise en cohérence : le droit civil n’était pas en ligne avec le code rural, qui reconnait la nature sensible de l’animal depuis la loi du 10 juillet 1976. Invitant d’autres associations et fondations à cosigner ces demandes, la LFDA a parié sur une action soutenue et de longue haleine qui a fini par payer lorsque l’amendement dit « Glavany » a été adopté et inscrit dans la loi du 16 février 2015. Il a permis de reconnaître la nature sensible de l’animal dans le code civil.

En 2016, pour les 40 ans de la loi de 1976, Mme Antoine nous expliquait :

« Il a fallu beaucoup de temps pour parvenir à insérer dans notre code la particularité essentielle de l’animal, qui est celle d’un être sensible. On a du mal à comprendre les hésitations qui ont précédé la rédaction de ce nouvel article, car l’existence d’une sensibilité de l’animal a été maintes fois démontrée. […] Cette loi est malgré tout insuffisante, mais on a posé le principe de la sensibilité de l’animal dans un texte qui n’est pas fait uniquement pour les symboles, mais qui est fait pour donner les fondements d’une législation suivante.

Vous me demandez si je suis fière du travail que j’ai accompli en faveur des animaux. Je ne pense pas qu’il y ait lieu de faire référence à la notion de fierté. Dans le travail que j’ai accompli, j’ai été aidée et soutenue par de nombreux défenseurs des animaux, aussi passionnés que moi par la cause animale. Ils m’ont apporté leurs compétences diverses. Le sentiment que je ressens est celui de la satisfaction d’avoir pu, avec d’autres, contribuer pour une petite part à l’amélioration du sort des animaux. Mais il reste encore tellement à faire… Quels que soient les textes, les animaux sont toujours soumis à des conditions matérielles difficiles, mais je sais que d’autres continueront à travailler à l’amélioration de leur sort. »

Nous regretterons Suzanne Antoine, son esprit, sa bienveillance, son humour… Nos pensées vont à sa famille, ses amis, ses collègues, qui comme nous ont eu le privilège de la côtoyer et d’apprendre à ses côtés.

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