Quinquennat d’Emmanuel Macron: un bilan mitigé sur la condition animale

Le premier mandat du président de la République Emmanuel Macron étant arrivé à son terme, quel bilan peut-on tirer de ses cinq années au pouvoir concernant la protection animale ? Retour sur les progrès effectués, les promesses non tenues et les entraves constatées lors du quinquennat qui s’achève.

Le premier mandat d'E. Macron arrivant à son terme, quel bilan peut-on tirer de son quinquennat concernant la protection animale ?
Emmanuel Macron et Némo

Les actions ayant fait avancer la cause animale

Incontestablement, des progrès majeurs ont pu être réalisés ces dernières années grâce à l’action coordonnée des organisations de protection animale et à la mobilisation des parlementaires sensibilisés à leurs demandes. En résultent des mesures concrètes pour les animaux.

Loi du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale

À l’initiative des députés de la majorité, la première loi de protection animale de la Ve République a pu être promulguée. Sous la pression de ces parlementaires et de l’opinion publique, le gouvernement a soutenu cette procédure législative permettant, in fine, l’adoption de mesures demandées par les ONG depuis de nombreuses années, à savoir :

  • l’interdiction de la vente de chiens et de chats en animalerie ;
  • la création d’un certificat de connaissance à obtenir avant toute première acquisition d’un animal de compagnie pour lutter contre l’achat impulsif et l’abandon ;
  • l’augmentation des peines pour les cas de maltraitance les plus graves (passant de 2 ans et 30 000 € d’amende à 5 ans et 75 000 € en cas de mort de l’animal) ;
  • la pénalisation de la zoophilie et de la zoopornographie ;
  • l’introduction de l’éducation à l’éthique animale dans les programmes scolaires ;
  • l’interdiction des spectacles de tous les animaux sauvages dans les cirques d’ici 7 ans et l’interdiction de la reproduction, de l’acquisition ou de la vente de ces animaux d’ici 2 ans ;
  • l’interdiction des spectacles de montreurs d’ours et de loups d’ici 2 ans ;
  • l’interdiction des spectacles, de la détention et de la reproduction des cétacés dans les delphinariums d’ici 5 ans ;
  • l’interdiction de l’utilisation d’animaux sauvages en discothèques et, d’ici 2 ans, dans les émissions de télévision ;
  • l’interdiction de tout élevage d’animaux pour leur fourrure.

Cette loi représente un tournant majeur pour la protection animale en France. Elle est révélatrice de l’aboutissement du processus de politisation de la condition animale impulsé par les ONG et l’opinion publique et légitimé par cet exécutif et sa majorité. Bien que cette loi soit loin de répondre à toutes les problématiques liées à la condition animale, elle ouvre la voie à de nouvelles avancées pour les années à venir.

Un plan de relance économique intégrant la protection animale

À l’été 2020, ONG de défense des animaux, parlementaires et personnalités avaient signé une tribune pour demander l’intégration de la protection animale dans le plan de relance de l’économie à la suite de la crise de la Covid-19. En parallèle, des ONG avaient fait part au gouvernement de 57 propositions en la matière. Leur appel a été en partie entendu. Sur le plan financier, ce plan a débloqué :

  • 20 millions d’euros pour venir en aides aux refuges ;
  • 100 millions d’euros pour le « plan protéines végétales », permettant de favoriser la production française d’aliments à destination des animaux d’élevage et ainsi réduire la déforestation importée ;
  • plus de 100 millions d’euros pour la modernisation des abattoirs.

L’interdiction de la chasse à la glu

Le 28 juin 2021, le Conseil d’État a définitivement interdit la chasse à la glu après des recours déposés par la Ligue pour la protection des oiseaux et One Voice. Tenant tête face aux chasseurs, la ministre Barbara Pompili avait soutenu l’interdiction de cette pratique de chasse non sélective, qui violait le droit européen (directive Oiseaux) et que la France était le seul pays à pratiquer en Europe.

L’interdiction du broyage et du gazage des poussins mâles

Le 5 février 2022, un décret visant à interdire le broyage et le gazage des poussins mâles provenant de la filière œufs a été publié. Les couvoirs ont jusqu’au 31 décembre 2022 pour s’équiper avec du matériel permettant l’ovosexage. Il s’agit de la détection du sexe de l’embryon, permettant de ne pas faire éclore les mâles (lire dans ce même numéro l’article : « Arrêt imminent du broyage des poussins »).

Notons que cette interdiction, repoussée d’un an par rapport à la date initialement annoncée, ne concerne que les poussins mâles et pas les canetons femelles (dont le foie est plus nervuré que les mâles, ce qui est indésirable pour les producteurs français), qui continueront d’être broyées par l’industrie du foie gras.

L’interdiction de la castration à vif des porcelets

Le précédent ministre de l’Agriculture s’y était engagé, la castration à vif (donc sans prise en charge de la douleur) des porcelets a bien été interdite au 1er janvier 2022. Cependant, l’anesthésie ou l’analgésie pratiquée par l’éleveur peut ne pas être suffisante pour éviter toute douleur aux porcelets, alors que des alternatives à la castration sont déjà opérationnelles.

Les promesses non tenues et les occasions manquées

L’élevage de poules pondeuses en cages persiste

Lors de sa campagne de 2017, Emmanuel Macron avait annoncé sur Twitter : « Bien-être animal : je prends notamment l’engagement d’interdire d’ici 2022 de vendre des œufs de poules élevées en batterie. » Il n’a pas tenu son engagement.

À l’initiative de CIWF France, plusieurs ONG dont la LFDA ont déposé une requête commune devant le Conseil d’État contre un décret paru en décembre 2021 qui, selon elles, limite en effet l’interdiction aux seuls bâtiments qui augmentent leurs capacités de production, les bâtiments existants pouvant être réaménagés à neuf en conservant les cages.

L’organe autonome dédié aux animaux n’a pas été créé

Auprès du collectif AnimalPolitique, Emmanuel Macron avait promis l’institution « d’un organe autonome dédié aux animaux et indépendant du ministère de l’Agriculture ». Cela n’a pas été fait.

La vidéosurveillance n’a pas été installée dans les abattoirs

Emmanuel Macron avait également promis « la mise en place de la vidéosurveillance dans les abattoirs, selon des modalités inspirées de la proposition de loi Falorni ». Seule une expérimentation volontaire a été instituée.

Une action insuffisante contre l’échouage des dauphins dans le Golfe de Gascogne

En 2020, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France, à qui elle intime de respecter la réglementation européenne de pêche. Les actions mises en place par le gouvernement sont également jugées insuffisantes par France Nature Environnement et Sea Shepherd, qui ont déposé un recours contre le plan gouvernemental auprès du Conseil d’État.

Certaines questions passées complètement sous silence

Alors que 90 % des Français sont favorables à l’interdiction de l’expérimentation animale si des méthodes substitutives existent (IFOP 2022), que 81% des Français s’opposent à la corrida (IFOP 2021) et que 77 % sont pour l’abolition de la chasse à courre (IFOP 2022), ces sujets ont été complètement négligés par l’exécutif.

Les fautes politiques

Défaillance de l’État sur le contrôle des pratiques d’élevage et d’abattage

Tout au long du quinquennat, l’association L214 a révélé plusieurs enquêtes démontrant la défaillance des contrôles vétérinaires du ministère de l’Agriculture concernant les pratiques d’élevage et d’abattage. On pense notamment aux enquêtes sur l’abattoir de Boischaut condamné pour maltraitance animale, ou celui de Sobeval qui avait fait polémique à la suite de la déclaration de la préfecture de Dordogne disant qu’il n’y avait « pas de mise en évidence de non-conformité à la réglementation », alors que des mails internes au ministère de l’Agriculture laissaient entendre le contraire.

Le ministère n’a pas non plus jugé bon d’agir contre le claquage des porcelets, pratique d’élevage courante et, dans certains cas, illégale, qui avait suscité l’émotion de l’opinion publique à la suite de la diffusion d’un reportage d’Hugo Clément.

Soutien assumé au lobby de la chasse

Le président de la République n’a pas caché son soutien au lobby de la chasse.

Malgré l’opposition d’une majorité de Français à la chasse, le Président s’est personnellement impliqué pour répondre à de nombreuses demandes de la Fédération nationale des chasseurs :

  • autorisation des réducteurs de son sur les carabines ;
  • allongement – dérogatoire – de la période de chasse à l’oie ;
  • baisse du prix du permis national de chasse de 400 à 200 euros ;
  • pendant la crise sanitaire, des chasseurs et gardes-chasse ont été autorisés à patrouiller pour vérifier que les mesures de confinement étaient bien respectées. Les deux premiers jours du confinement, les chasseurs ont même pu sortir chasser munis d’une attestation dérogatoire, avant que le gouvernement ne fasse marche arrière face à l’indignation citoyenne.

Le gouvernement s’est aussi opposé à l’interdiction d’autres chasses traditionnelles comme la chasse aux pantes ou la tenderie, non sélectives, que le Conseil d’État a fini par interdire en août 2021. Sous la pression des chasseurs, le gouvernement a alors déposé des arrêtés ministériels réautorisant ces chasses. Ces arrêtés ont été suspendus dix jours plus tard par le Conseil d’État qui les a jugés contraires au droit européen. Le Conseil d’État a joué, ici, un rôle de garde-fou institutionnel face à la politique pro-chasse abusive du gouvernement, en interdisant les pratiques illégales qu’il souhaitait défendre.

Augmentation du quota de tirs de loups

En 2020, le gouvernement a fait passer le quota du nombre de loups pouvant être abattus en France chaque année de 12 % à 21 % de l’effectif de l’espèce. L’Office français de la biodiversité estime à 620 le nombre d’individus en France. Ce sont donc 130 loups qui pourront être abattus en 2022. En 2021, 106 loups ont ainsi été tués légalement.

Criminalisation des lanceurs d’alerte au profit du lobby de l’élevage intensif

De la reprise des éléments de langage de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles qui parle d’« agribashing », à la création de la cellule Demeter chargée de lutter contre les « actions de nature idéologique », il n’y a eu qu’un pas. Cette police de la pensée a notamment servi à empêcher le travail des lanceurs d’alertes sur les pratiques d’élevage et d’abattage en jetant le discrédit sur leurs actions et en les menaçant de poursuites.

Le 1er février 2022, le Tribunal administratif de Paris a jugé illégales les actions de cette cellule et a enjoint le gouvernement à cesser de les conduire. Le gouvernement a décidé de faire appel de ce jugement.

Conclusion

C’est donc un bilan en demi-teinte que l’on peut dresser du premier quinquennat d’Emmanuel Macron sur le sujet de la condition animale. L’action de l’exécutif et de sa majorité parlementaire est allée dans le sens des attentes sociétales sur la protection des animaux de compagnie et des animaux captifs sauvages, grâce à l’adoption d’une loi historique sur la protection animale. Et, en même temps, elle a été très insuffisante, voire rétrograde, sur des sujets comme l’élevage intensif ou la chasse. Dans ces conditions, il est difficile de juger de ce que pourra donner le second mandat du Président sortant en terme de protection animale.

Lors de ce nouveau mandat, les ONG continueront leur action politique en faveur de changements législatifs pour les animaux. Forts d’une opinion publique convaincue de la justesse de cette cause, nous pouvons être confiants dans le fait que de nouvelles avancées viendront dans les mois et les années qui arrivent. L’association Convergence Animaux Politique et ses partenaires, dont la LFDA, resteront particulièrement mobilisées pour accompagner les décideurs politiques qui voudront agir pour les animaux.

Milton Federici

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