Le respect du bien-être animal dans la déclaration de performance extra-financière : une obligation depuis la loi Egalim de 2018

Les entreprises ont des obligations sociales et environnementales. L’article 55 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 (loi Egalim 1) comporte une obligation pour les entreprises soumises à déclaration de performance extra-financière (DPEF) de fournir des informations relatives au respect du bien-être animal et d’une alimentation responsable, équitable et durable.

Ces ajouts complètent la liste des sujets à prendre en compte et énumérés à l’article L225-102-1 du code de commerce, notamment le réchauffement climatique, le développement durable, l’économie circulaire ou encore la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La loi Egalim et le bien-être animal

La loi Egalim 1 comporte de nouvelles obligations et changements pour renforcer le bien-être animal pour de nombreux acteurs de la vie économique que sont les agriculteurs, les organisations interprofessionnelles, les distributeurs de produits alimentaires, les industries agroalimentaires et les collectivités territoriales.

Sur son site, le ministère de l’Agriculture liste 6 mesures en ce sens :

  • l’extension du délit de maltraitance animale en élevage aux activités de transport et d’abattage ;
  • le doublement des peines relatives à la maltraitance animale ;
  • la possibilité de se constituer partie civile pour les associations de protection animale à la suite des contrôles officiels ;
  • la désignation d’un responsable de la protection animale dans chaque abattoir ;
  • l’expérimentation de la vidéo-surveillance dans les abattoirs volontaires ;
  • l’interdiction de mise en production de bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cage.

Le nouveau champ de la DPEF, relatif au respect du bien-être animal, n’est donc pas mis en avant dans les communications du ministère de l’Agriculture.

Pour autant, les conséquences de cette mesure sont-elles moins importantes ? 

La DPEF : contenu et entreprises concernées

C’est depuis 2017 que les grandes entreprises ont l’obligation d’établir et de publier leur DPEF.Cette obligation est née d’une directive de 2014 dans l’idée d’obliger les grandes entreprises à prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.

L’obligation concerne les entreprises les plus importantes (entreprises dont le bilan total est supérieur à 100 millions d’euros, ou encore les entreprises cotées sur un marché réglementé et dont le bilan est supérieur à 20 millions d’euros), soit moins de 4000 aujourd’hui en France.

Concrètement, la DPEF est un rapport annuel sur la politique environnementale, sociale, sociétale et de gouvernance de la société et sur ses résultats, sous la forme d’indicateurs de performance.

Ce rapport doit comporter :

  • une description des risques liés à l’activité de l’entreprise ;
  • une description des politiques mises en place pour « prévenir, identifier et atténuer la survenance de ces risques » ;
  • les résultats de ces dernières (appuyés par des indicateurs clés de performance).

L’article R225-105 du code de commerce, qui liste les informations devant être contenues dans la DPEF, n’a malheureusement pas été complété par les nouvelles rubriques ajoutées par la loi Egalim, dont le bien-être animal : il est à craindre des « loupés » concernant ce sujet, faute de cohérence juridique.

L’utilité au regard du bien-être animal : portée de la mesure de la loi Egalim 1

Parmi les quelques milliers d’entreprises soumises à la DPEF, seules les plus grandes (dépassant les seuils de 100 millions d’euros de bilan ou de chiffres d’affaires et comportant plus de 500 salariés) voient leur DPEF vérifiée par un organisme tiers indépendant (OTI). Même dans ce cas, il s’agit de rendre compte de leur prise en compte du respect du bien-être animal, sans obligation de résultat, mais seulement de moyen.

Néanmoins, cette nouvelle contrainte n’est pas sans conséquence : rendre obligatoires, pour les plus grandes entreprises, les informations relatives à la prise en compte du bien-être animal a le mérite, a minima, de pointer la responsabilité des grandes entreprises sur le sort des animaux qu’ils utilisent, directement ou indirectement.

Les entreprises agro-alimentaires ne peuvent ignorer le sujet du bien-être animal tant il est prégnant dans les enjeux sociétaux actuels, mais les entreprises dont les activités n’ont pas nécessairement de lien direct avec les animaux doivent également, avec cette disposition, faire l’exercice d’explorer les implications de leurs activités sur le bien-être animal (ou, a minima, justifier le choix de ne pas s’y référer dans leur DPEF). Concrètement, cela pourrait par exemple permettre de mener une réflexion sur les repas professionnels des collaboratrices et collaborateurs des entreprises, et éventuellement aboutir à de réels engagements à la clé.

Pour les entreprises agro-alimentaires, la publication de la DPEF rend visibles leurs efforts au regard du bien-être animal, et une certaine concurrence entre elles peut profiter aux animaux.

La DPEF 2021 du groupe Casino comporte ainsi trois pages consacrées à la rubrique « Veiller au bien-être animal » (pp. 66-68), où l’on peut lire : « La démarche initiée consiste à la fois à contrôler les conditions d’élevage, de transport et d’abattage, et à accompagner les filières vers de meilleures pratiques, plus respectueuses du bien-être animal. Le niveau d’engagement du groupe Casino a été reconnu par le Business Benchmark on Farm Animal Welfare (BBFAW) qui a octroyé au distributeur en 2020 le niveau 3 de performance (sur six niveaux), le positionnant ainsi parmi les meilleurs distributeurs français sur le sujet. »

Le bien-être animal rendu plus visible dans les considérations des entreprises

Cet article 55 de la loi Egalim 1 a également l’effet positif de rendre visible le sujet du bien-être animal pour les entreprises. Bien qu’il fasse partie intégrante du développement durable (selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA, ex-OIE)[1] et le Conseil de l’Union européenne[2] notamment), il n’est pas clairement identifiable parmi les 17 objectifs de développement durable établis par l’Organisation des Nations unies. Une tribune a d’ailleurs été signée en juin 2022 par des scientifiques pour y remédier.

Parfois relégué derrière les grandes préoccupations de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) que sont les dérèglements climatiques, les enjeux sociaux et la préservation de la biodiversité, avec lequel il est parfois mis en compétition (LVMH continue à proposer du cuir et de la fourrure car les « substituts synthétiques peuvent poser d’autres problèmes comme la pollution des océans par les microplastiques »), le bien-être animal alimente pourtant la vision systémique du développement durable, pour peu que l’on s’y intéresse réellement et en profondeur. Ainsi, une étude a été réalisée en 2019, afin de rendre visibles les liens entre chaque objectif de développement durable et le bien-être animal.

Au-delà d’une simple nouvelle contrainte additionnelle, cette prise en considération du bien-être animal peut constituer une focale des plus intéressantes pour proposer une politique RSE globale et inclusive des animaux, et donc des vivants.

Une obligation amenée à être renforcée

Une nouvelle réglementation va s’appliquer dans les années qui viennent avec la nouvelle directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Disclosure) : de nouvelles normes, plus contraignantes et s’adressant aux entreprises de plus de 250 salariés vont être mises en œuvre et remplaceront la DPEF.

À ce jour, le bien-être animal figure dans une seule des douze normes, la ESRS G1 dédiée à la conduite des entreprises. Ces normes seront complétées par d’autres dans les mois qui viennent. Dans l’attente de leur application, et considérant en outre les évolutions législatives et réglementaires de plus en plus contraignantes sur le traitement et l’utilisation des animaux, le respect du bien-être animal devrait émerger comme un sujet incontournable pour les entreprises.

Cela apparaît à la fois logique et nécessaire si l’on envisage la transition écologique et solidaire comme une transition également éthique.

Anne-Laure Meynckens


[1]             Décembre 2016 : https://www.oie.int/app/uploads/2021/03/f-recommendations-aw-guadalajara.pdf

[2]             16/12/2019, avis n°14975/19 : https://www.consilium.europa.eu/media/41863/st14975-en19.pdf

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