Lien entre violence domestique et violence sur animaux

Un nombre important d’articles scientifiques indiquent que la violence domestique est liée aux abus ou violences sur animaux domestiques (pour une étude récente voir Newberry, 2017). En effet la moitié des victimes de violence domestique témoignent également de menaces ou d’abus sur l’animal de compagnie de leur foyer 1,2

Ces recherches mettent également en avant le fait que les abus aux animaux de compagnie sont une tactique coercitive utilisée par les abuseurs pour contrôler les partenaires3,4,6. 92 % des victimes de violence domestique avouent elles-mêmes que les abus sur animal domestique sont un moyen de pression et de contrôle des abuseurs sur elles-mêmes ou leurs enfants1. La plupart des femmes victimes de violences décrivent les maltraitances de leur compagnon sur l’animal de compagnie comme un moyen de passer sa colère, de se venger ou de punir la femme en tant que telle. McDonald et al. (2015) décrivent que les enfants voient les maltraitances faites aux animaux dans leur foyer comme un moyen de maintenir et de créer la peur au sein de ce foyer, d’isoler la mère ou de l’empêcher de quitter le foyer. Loring and Bolden-Hines (2004) suggèrent également que les abuseurs peuvent menacer de violenter les animaux domestiques afin de forcer les membres du foyer à commettre des actes illégaux ou les empêcher de témoigner d’actes illégaux. Un nombre important de victimes affirme que l’une de leurs sources de soutien (physique ou psychologique) est leur animal de compagnie et un nombre important demeure à son foyer malgré les violences car les foyers d’accueil n’acceptent pas les animaux de compagnie14.

Les enfants victimes ou même seulement observateurs de telles violences domestiques ou sur animal de compagnie montrent plus de problèmes émotionnels et comportementaux que des enfants éduqués dans des foyers sans violence 5,6 . Être témoin de tels abus et de telles violences peut désensibiliser un enfant à ces derniers et les mener à commettre des similaires violences plus tard sur animaux et mêmes sur humains 7,8. D’ailleurs, les violences d’enfants sur animaux ont été indiquées comme marqueurs de violence sur ces enfants même, les enfants ne reproduisent que ce qu’ils subissent chez eux 9. De manière générale, les enfants ayant subi des violences ou ayant été témoins de violences montrent en moyenne 1,5 fois plus de comportements violents envers les animaux et envers les humains 10. En particulier, les enfants vont exercer des violences sur animal surtout si un membre de la famille est également violent, et non si ces comportements violents sont le fait d’un « étranger » 11. Des études plus approfondies montrent que les abus d’enfants sur animaux domestiques sont le symptôme de désordre psychologique provoqué par des événements perturbateurs et pouvant mener à une inhibition ou une distorsion de l’empathie 12. Le lien entre violence aux animaux et violence aux humains est donc évident, et mettre fin aux violences sur animaux est une étape cruciale pour mettre fin à toute violence 12. De nombreuses études montrent que ces violences sont graduelles : les personnes violentes vont d’abord commettre des abus sur animaux lors de leur enfance avant de commettre de tels abus sur les membres de leur famille voire d’autres humains si le problème n’est pas pris en compte. Lockwood and Church (1996) 13 rapportent dans leur étude que 36 % des tueurs en série ont exercé des violences sur des animaux lors de leur enfance et 46 % lors de leur adolescence. Ceci s’appelle l’hypothèse de la graduation (graduation hypothesis) où les violences sont de plus en plus sévères et passent sur des sujets de plus en plus proches de l’humain (souris > lapin > chien > humain par exemple).

À cette fin, il est important de mettre en place dans les classes, et dès le plus jeune âge, des cours ou des ateliers pratiques sur la gestion des émotions, sur la pleine conscience, mais également des enseignements sur l’empathie, dont l’empathie aux animaux (Ricard, 2014). Cet enseignement doit passer par un enseignement en éthique (quelle est la place des animaux dans notre société ?) et par un enseignement en éthologie (quelles sont les capacités sensorielles, émotionnelles et cognitives des espèces animales ?), adaptés à chaque classe et à chaque âge. Il est surtout important de ne pas stigmatiser les enfants qui présentent de tels comportements mais bien de réduire par l’éducation le nombre de comportements violents et de développer l’empathie envers les animaux.

Cédric Sueur, Marie Pelé

Consulter aussi le rapport "Violence domestique et maltraitance animale" par Bénédicte de Villers, commandité par la Fondation A et P Sommer.

  1. Allen, M., Gallagher, B., Jones, B., 2006. Domestic violence and the abuse of pets: Researching the link and its implications in Ireland. Practice 18, 167–181. doi:10.1080/09503150600904060
  2. Carlisle-Frank, P., Frank, J.M., Nielsen, L., 2004. Selective battering of the family pet. Anthrozoös 17, 26–42. doi:10.2752/089279304786991864
  3. Faver, C.A., Strand, E.B., 2007. Fear, guilt, and grief: Harm to pets and the emotional abuse of women. J. Emot. Abuse 7, 51–70.
  4. FLYNN, C.P., 2000. Woman’s Best Friend: Pet Abuse and the Role of Companion Animals in the Lives of Battered Women. Violence Women 6, 162–177. doi:10.1177/10778010022181778
  5. Girardi, A., Pozzulo, J.D., 2015. Childhood experiences with family pets and internalizing symptoms in early adulthood. Anthrozoös 28, 421–436.
  6. McDonald, S.E., Graham-Bermann, S.A., Maternick, A., Ascione, F.R., Williams, J.H., 2016. Patterns of adjustment among children exposed to intimate partner violence: A person-centered approach. J. Child Adolesc. Trauma 9, 137–152.
  7. Ascione, F.R., 1993. Children who are cruel to animals: A review of research and implications for developmental psychopathology. Anthrozoös 6, 226–247.
  8. Levitt, L., Hoffer, T.A., Loper, A.B., 2016. Criminal histories of a subsample of animal cruelty offenders. Aggress. Violent Behav., U.S. Marshals Service and FBI 30, 48–58. doi:10.1016/j.avb.2016.05.002
  9. Becker, F., French, L., 2004. Making the links: Child abuse, animal cruelty and domestic violence. Child Abuse Rev. 13, 399–414.
  10. Currie, C.L., 2006. Animal cruelty by children exposed to domestic violence. Child Abuse Negl. 30, 425–435.
  11. Thompson, K.L., Gullone, E., 2006. An investigation into the association between the witnessing of animal abuse and adolescents’ behavior toward animals. Soc. Anim. 14, 221–243.
  12. Flynn, C.P., 2011. Examining the links between animal abuse and human violence. Crime Law Soc. Change 55, 453–468.
  13. Lockwood, R., Church, A., 1996. Deadly serious: An FBI perspective on animal cruelty. HSUS News 27–30.
  14. Newberry, M., 2017. Pets in danger: Exploring the link between domestic violence and animal abuse. Aggress. Violent Behav. 34, 273–281. doi:10.1016/j.avb.2016.11.007

Article publié dans le numéro 96 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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