X=3×2

Cette équation algébrique de niveau très élémentaire se révèle pourtant insoluble dans un cas précis ! C’est une étrangeté qui demande à être analysée. De quoi s’agit-il ?

La Commission nationale de l’expérimentation animale (CNEA) comporte, outre les représentants des divers ministères, douze membres dont neuf sont issus des milieux de la recherche, privée comme publique, et trois issus de la protection des animaux et de la protection de la nature.

Cette représentation est à l’évidence déséquilibrée. Elle peut entraîner des votes qui ne reflètent pas l’opinion de la population (portée par les ONG), et à coup sûr, lorsqu’il s’agit d’examiner des dossiers, elle aboutit à donner trois fois plus de travail aux représentants de la « protection », puisqu’ils sont trois fois moins nombreux, et cela aux dépens de la qualité de l’analyse des documents.

Cette situation a été dénoncée le 4 mars 2016 par courrier adressé au ministre de l’Agriculture, lequel a fait savoir en réponse que la démarche était légitime et que le nombre X des représentants de la « protection » des animaux et de la nature serait doublé, passant de 3 à 6. Nous posons X = 3 x 2. Depuis, et cela va faire bientôt deux ans, la décision réglementaire n’a toujours pas été publiée, bien que régulièrement réclamée et annoncée comme prochaine, voire très prochaine…

En somme, pour le moment, X = 3 x 2 = zéro.

La multiplication 3 par 2 ne pouvant avoir que 6 pour seul résultat, TSPCS (tout se passe comme si) un facteur étranger venait perturber les lois arithmétiques  : nous l’appellerons facteur Y. Nous pourrons ainsi énoncer :

X = (3 x 2) Y = 0.

De cela on doit déduire que Y = 0, puisque 3 multiplié par 2 ne peuvent donner que 6.

Quel est ce facteur Y ?

Il ne peut pas être le ministère de l’Agriculture, sauf à se déjuger lui-même. Une autre instance importante peut intervenir dans le processus administratif qui permet de passer d’une intention de texte réglementaire à un texte publiable : c’est le Conseil d’État. C’est l’hypothèse que nous retiendrons, ce que nous traduirons par :

Y = Conseil d’État.

L’équation X = (3 x 2) Y = 0 peut alors s’exprimer X = (3 x 2) Conseil d’État = 0, d’où un élève de 6e, même de niveau médiocre, peut tirer que :

Conseil d’État = 0.

CQFD (ce qu’il fallait démontrer). La difficulté de l’équation initiale est-elle en cause ? Elle aurait pu être formulée X = 3 + 3 (mutatis mutandis), l’addition étant plus facile à comprendre mentalement que la multiplication. Mais il n’est pas exclu que l’addition 3 + 3 ait été tout aussi perturbée par Y que la multiplication 3 x 2…

L’ironie amère de cet article exprime, on l’aura compris, l’agacement et la déception devant l’incroyable lourdeur de la machine administrative, y compris à son plus haut niveau, qui aboutit à priver une instance des moyens nécessaires à son meilleur fonctionnement, alors que les moyens en question sont offerts gratuitement à l’État par des ONG, et que l’instance en question, la CNEA, doit rendre au ministre un avis qui lui est nécessaire pour la validation de formations aux compétences. C’est tout de même inouï qu’il faille attendre deux années (et ce n’est pas fini !) pour publier un texte d’une ligne déclarant que les représentants des ONG à la CNEA seront six au lieu de trois !

Jean-Claude Nouët

Article publié dans le numéro 96 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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