Le nouveau plan loup menace la population lupine

Après avoir divisé pro et anti-loups durant des mois, être passé par une concertation et une consultation publique, la version finale du plan national d’action 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage (plan loup), publiée le 19 février, a su mettre tout le monde d’accord… sur le fait qu’elle ne satisfait personne, et encore moins les principaux intéressés, qui seront 40 à pouvoir être abattus, pour la seule année 2018.

loup

Les nouveautés par rapport à l’ancien plan loup

Ce nouveau plan contient quelques nouveautés et avancées pour les loups :

  • L’indemnisation des éleveurs en cas d’attaque sera conditionnée à la mise en place au préalable de mesures de protection des troupeaux (une mesure demandée par les organisations de protection animale) ;
  • les tirs de défense, c’est-à-dire « réalisés avec des armes létales par un tireur autour d’un troupeau sur des loups théoriquement en situation d’attaque » seront privilégiés sur une période de janvier à septembre ;
  • les tirs de prélèvement, qui ne protègent pas un troupeau précis, mais visent à la « destruction » de spécimens sur une zone définie, seront restreints de septembre à octobre.

Ces tirs peuvent également être « renforcés », autrement dit « 10 tireurs peuvent être déployés simultanément autour du troupeau » pour le tir de défense, et pour les tirs de prélèvements renforcés, « ils peuvent être autorisés même en l’absence de troupeau dans la zone, être mis en œuvre pendant 6 mois » et y compris par des chasseurs.

Une mesure de gestion des chiens errants, qui peuvent également causer des dommages aux troupeaux, a été adoptée à la suite de la consultation publique.

Des mesures à l’encontre de la science et du droit

Le loup est une espèce protégée par des conventions internationales et la directive européenne Habitats, qui prévoit cependant des mesures dérogatoires à l’interdiction de capture ou de « destruction ».

Ces mesures, transposées en droit français dans les articles L411-1 et L411-2 du code de l’environnement, sont perpétuées dans ce nouveau plan loup, avec le recours aux tirs qui demeure la solution unique du Gouvernement face à la prédation.

Exigés par les éleveurs et leurs représentants, leur efficacité est pourtant remise en cause par des études scientifiques. Une de ces études, menée aux États-Unis et publiée en janvier dernier, affirme notamment que tuer les loups peut permettre de sauver un élevage à un temps t, mais aux dépens de la sécurité des élevages voisins. Une autre étude parue en septembre  2016 constate que l’abattage des loups n’a pas d’effet sur la prédation des brebis, voire l’accroîtrait, car les meutes se désorganisent et le nombre de loups solitaires qui se retrouvent à devoir chasser des proies faciles augmente (voir article « Il ne faut pas tuer les prédateurs ! » de Jean-Claude Nouët, paru dans le n°  91 de la revue). On retrouve également ce constat dans le nouveau rapport de la Commission pétitions du Parlement européen sur la gestion des grands carnivores en Europe, publié en février.

Des mesures de « destruction » et d'« effarouchement »

Deux arrêtés qui fixent le cadre et le plafond des « destructions » de loups, ont été publiés au lendemain de la présentation du plan. Ils fixent au nombre de 40 le nombre de loups autorisé à être abattus pour l’année 2018, en attendant la prochaine publication de l’effectif moyen de loups. Le nombre de « destructions » autorisées correspondra alors à 10  % de cet effectif, qui sera actualisé chaque année. Il pourra atteindre jusqu'à 12 % et au-delà sur autorisation préfectorale dans le cadre de la mise en œuvre de tirs de défense, en cas de « situation exceptionnelle ». La campagne de tirs a été allongée et se cale désormais sur l’année civile (1er janvier au 31 décembre). Avant cela, elle s’étendait du 1er juillet de l’année au 30 juin de l’année suivante.

Le plan précise également que dans le cadre de tirs de défense, le recours préalable à des tirs d’effarouchement (avec munitions non létales) « est à privilégier », mais « n’est pas indispensable ». Certaines zones seront autorisées à procéder à des tirs de défense et de prélèvement sans que les troupeaux bénéficient de mesures de protection (chien, berger, clôture électrique…), en cas d’attaques multiples par exemple. L’accès des éleveurs à la formation et au permis de chasse sera également simplifié.

Le loup un nouveau défi français
Voir le compte-rendu de lecture de l'ouvrage "Le loup : un nouveau défi français" publié dans le numéro 97 de la revue

Un seuil de population trop bas

L’un des objectifs du plan est d’atteindre un seuil de 500 loups d’ici la fin du quinquennat (contre 360 aujourd'hui), alors que l’Expertise scientifique collective sur le devenir de la population de loups en France, coordonnée par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et commanditée par le ministère de l’Environnement du gouvernement précédent, estime que la viabilité de l’espèce à long terme nécessite 2 500 à 5 000 individus.

L’implication des chasseurs

Quant à l’implication des chasseurs et des lieutenants de louveterie dans les campagnes de tirs, elle est maintenue et renforcée, notamment lors des actions dérogatoires (tirs de défense et prélèvement). Une « habilitation nationale » sera proposée à tout chasseur ayant participé à une action de formation. Le plan souhaite également promouvoir le suivi de l’espèce au travers du réseau loup au sein des associations communales de chasse et une communication spécifique sur le rôle et l’intervention des chasseurs sera menée auprès du grand public. Les conditions de défraiement des lieutenants de louveterie seront améliorées.

Depuis la publication des arrêtés, trois animaux tués ont été décomptés ; deux ont été abattus « légalement », et un troisième a été victime de braconnage. Huit autres loups ont été trouvés morts, sans détermination exacte de la cause pour le moment.

L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a décidé d’attaquer les deux arrêtés de février devant le Conseil d’État car les dispositions de ce plan, pour la plupart non acceptables éthiquement et inefficaces pour régler les problèmes de prédations sur les troupeaux de brebis, menacent la conservation en France de cette espèce protégée.

La Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA) soutient cette décision et espère que la justice se pliera au respect du droit et des connaissances scientifiques pour qu’un vrai débat soit mené sur la gestion du loup, aboutissant à des solutions réfléchies, viables et bénéfiques pour toutes les parties concernées, en particulier l’espèce lupine.

Nikita Bachelard et Camille Col

Article publié dans le numéro 97 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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