Anniversaires de la création de l’OABA et de la LFDA

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, on assiste au développement d’un élevage intensif dont la finalité est de produire plus, plus vite, moins cher, au détriment des animaux et de l’environnement. Mais petit à petit, émerge une prise de conscience sur la nécessité de respecter le bien-être des animaux, de l’élevage à l’abattoir. C’est dans ce contexte que sera créée l’OABA qui se consacre à la protection des animaux que l’homme destine à sa consommation, alors que les associations existantes étaient essentiellement orientées vers les animaux de compagnie.

OABA

L’appel de Jacqueline Gilardoni en 1957

Tout a commencé lorsqu’une ânesse échappée d’un abattoir se mit sous la protection d’une femme et de sa fille dans une rue de Menton. C’est ainsi que Jacqueline Gilardoni découvre le monde des abattoirs. Elle achète cette ânesse, qu’elle nomme Amigo, qui connaîtra enfin le repos et l’affection. Cet animal deviendra le point de départ et le symbole de toute une vie consacrée à la cause animale.

En automne 1957, Jacqueline Gilardoni assiste à l’abattage de chevaux. Ce fut un choc qui la conduisit à lancer un appel pour la création d’un mouvement qu’elle nomme l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, avec de nombreuses personnalités scientifiques, juridiques, politiques et des associations internationales de protection animale. Les statuts de l’OABA seront déposés en 1961 et l’association reconnue d’utilité publique en 1965.

Pour célébrer le 60e anniversaire de cet appel lancé en 1957, l’assemblée générale de l’OABA se tenait, en mars dernier, au siège de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE).

L’appel de 1957 (extraits)

En quelques lignes je voudrais vous donner un aperçu du très vaste et si douloureux problème des abattoirs de France. Ici et dans beaucoup de pays, hélas, une bête c’est de la « viande sur pieds », tel est le terme consacré. Or, il faut que vous sachiez ce que représente en souffrance le transport d’un animal destiné à la boucherie, son attente et son abattage.

Il faut que vous sachiez, que vous voyiez comme je l’ai vu, l’expression de ces malheureuses victimes, regardant, à travers les barreaux de la cabine où elles attendent la mort, leur compagnon de misère sacrifié devant elles…

Il faut que vous sachiez aussi que les progrès apportés dans quelques abattoirs représentent bien peu de chose, en comparaison du nombre d’abattoirs toujours encroûtés dans des méthodes aussi primitives qu’inhumaines.

Oui sachez, sachez bien que de nos jours encore on ouvre des gorges à des animaux vivants, que des tueurs ivres tapent de toutes leurs forces sur des fronts innocents, que des crimes (le mot n’est pas trop fort) se perpétuent chaque jour, parce que la force de l’inertie, de la routine et l’indifférence sont plus forts que le sens du bien et de la justice.

Eh bien non, vous qui avez lu cet appel, vous qui savez maintenant la vérité, vous ne permettrez plus cela. Ensemble nous allons lutter.

Les abattoirs aujourd’hui

Beaucoup de choses ont changé en 50 ans grâce à l’OABA et à la ténacité de sa présidente fondatrice. Les animaux étaient saignés sans étourdissement, d’autres étaient étourdis avec une masse et les ratés, très nombreux, entraînaient d’atroces souffrances. Grâce à l’OABA, l’étourdissement au pistolet d’abattage est rendu obligatoire pour les animaux de boucherie en 1964, mais avec une dérogation pour l’abattage rituel…

Les conditions d’abattage des animaux ont évolué en matière d’hygiène et de sécurité du personnel, mais de nombreux problèmes persistent comme l’ont montré de récentes vidéos en caméra cachée, et comme le dénonce régulièrement l’OABA.

Les organisations de protection animale se sont mobilisées contre les violences en abattoirs, aboutissant à une prise de conscience des politiques. Pour la première fois en France, une loi sur les conditions d’abattage était débattue et adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, au début de cette année 2017, soit exactement 60 ans après l’appel de Jacqueline Gilardoni. Cette loi doit désormais poursuivre son parcours législatif au Sénat.

Une étroite relation entre l’OABA et la LFDA

Dans les années 1970, des personnalités scientifiques et des intellectuels mettent leur notoriété au service de la condition des animaux, et participent au développement de l’OABA et à la création de la LFDA. Ainsi, le Pr Alfred Kastler, prix Nobel de Physique, vice-président de l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs sera l’un des membres fondateurs de la Ligue française des droits de l’animal, en 1977.

Le Pr Jean-Claude Nouët assurera, en 1977, la diffusion de la Déclaration universelle des droits de l’animal, un texte remanié à partir de celui proposé en 1973 par Georges Heuse, membre de l’OABA. La Ligue organisera le 15 octobre 1978 un événement qui marquera un tournant pour le respect de l’animal avec la proclamation solennelle de ce texte à l’Unesco.

Une collaboration étroite entre les deux associations s’installe en 1982 avec la création, à l’initiative de Jean-Claude Nouët, de la Coalition des consommateurs contre l’élevage en batterie. Plusieurs organisations de protection animale, mais aussi de consommateurs, rejoindront cette coalition. Le but est de lutter contre l’élevage hors-sol et de promouvoir l’élevage en liberté. L’objectif d’obtenir un étiquetage sur les boîtes d’œufs du mode d’élevage des poules est atteint avec la publication d’un règlement européen, en juillet 1985, autorisant cette mention. Puis en 2002, une directive impose le marquage des œufs pour distinguer les modes de production.

Cette collaboration se poursuit de nos jours entre l’OABA et la LFDA, devenue Fondation Droit animal, Éthique et Sciences, mettant à profit les compétences scientifiques et juridiques sur lesquelles ces deux organisations peuvent s’appuyer.

Jean-Pierre Kieffer

Parmi les missions de l’OABA, il en est une à laquelle l’association est particulièrement attachée : secourir, accueillir et héberger des animaux de ferme, victimes de mauvais traitements ou d’abandon de soins. Au cours de l’année écoulée, ce sont plus de 1 000 bovins, ovins et caprins qui ont été retirés à leur éleveur pour les confier à l’association afin de les placer dans de bonnes conditions de vie. Il est ainsi mis fin à un calvaire qui dure souvent depuis très longtemps. L’OABA doit faire face seule à la charge de ces sauvetages, en y consacrant une part très importante de son budget.

Article publié dans le numéro 93 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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