Le procès des employés de l’abattoir du Vigan : le réquisitoire

Jeudi 23 et vendredi 24 mars, s’est ouvert au tribunal de grande instance d’Alès le procès de trois employés de l'abattoir du Vigan pour mauvais traitements et actes de cruauté sur animaux. Ces actes avaient été filmés par L214 entre juin 2015 et février 2016, et la vidéo diffusée en février 2016. La Communauté de communes du pays viganais, qui gérait l'abattoir, était également au rang des prévenus. Divers médias français ont rendu compte de ces deux journées d'audience. Les comptes rendus détaillés des audiences ont été publiés notamment dans Le Monde (1) et dans le Midi Libre (2).

mouton agneau

Nous retiendrons ici les réquisitions du procureur de la République qui a retenu à l'encontre des trois salariés 29 contraventions et 2 délits. Si pour deux d’entre eux, Gilles Esteves et Nicolas Granier, il a requis 150 et 600 euros d'amendes pour mauvais traitements, il a demandé l’application de peines plus sévères au troisième employé, Marc Soulier, à lui seul responsable des 2 délits et de 17 des 29 contraventions :

"La personne qui semble avoir la plus lourde responsabilité est Marc Soulier. Il s’agit d’actes de cruauté, pas seulement de maltraitance. Elles ont un aspect gratuit, qui distingue particulièrement ce délit de la contravention. Les rires, que l’on a entendus dans la vidéo, accréditent le caractère sadique de ces actes. Repensez à cette brebis qui se recroqueville dans le restrainer déjà étroit, pour ne pas subir à nouveau les décharges. Les actes commis par Marc Soulier n’ont aucune justification."

"Marc Soulier a un positionnement de défense de délinquant. Et il a des circonstances aggravantes, à travers des actes de maltraitance, en plus des sévices qu’il a commis. Ces actes interrogent sur la capacité de M. Soulier à travailler avec des animaux à l’avenir."

"Je demande 12 mois avec sursis, à titre d’avertissement suffisamment sévère pour éviter toute réitération. Ainsi que l’interdiction de travailler dans un abattoir pendant cinq ans. Je vous demande aussi d’interdire à M. Soulier de détenir des animaux de rente. Enfin, je demande 200 euros par infraction, soit 3 400 euros d’amende."

Quant à la Communauté de communes gérant l'abattoir, elle fait l'objet d'une réquisition de 6 000 euros d'amendes cumulées, pour des infractions comme abattage sans précaution, équipements non conformes, ou saignée tardive.

L'abattoir du Vigan était un des plus petits abattoirs de France, spécialisé dans la vente directe et certifiée BIO. On y traitait chaque année seulement 300 tonnes de viande, provenant d’animaux d’une petite centaine d’éleveurs en circuit court. Ses locaux avaient été modernisés en 2010 et en 2014. Non seulement l'entreprise n'était pas rentable, mais elle était déficitaire, ce qui pose le problème des abattoirs de proximité. En tout cas cela rend risible la justification des écarts de Soulier par les cadences imposées. La présence d’un responsable protection animale (RPA) n’y était pas obligatoire, en raison du faible nombre d’abattages. Cependant un RPA avait quand même été nommé, sans doute pour rassurer les éleveurs.

L’inimaginable est que Marc Soulier était le RPA de l'abattoir, reconnu apte par une formation et un certificat conformément à un arrêté du ministre de l'Agriculture en date du 31 juillet 2012. Il a déclaré qu'on lui avait imposé ce statut : sur ce point il est pour une fois crédible. Le cas Marc Soulier illustre on ne peut mieux le caractère illusoire d'un contrôle opéré « de l'intérieur » par un employé de l'abattoir. Et le caractère tout aussi illusoire et faussement rassurant de la formation professionnelle imposée au personnel.

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 28 avril prochain. Soit cinq jours après le premier tour des présidentielles : il est douteux que l’entre-deux tours de l’élection présidentielle laisse une place à l’annonce du jugement.

Jean-Paul Richier

(1) Maltraitance animale : le premier procès d’un abattoir s’ouvre à Alès ; A la barre, les « tueurs » des abattoirs invoquent cadences et matériel défaillant ; Abattoir du Vigan : un an de prison avec sursis requis pour cruauté animale

(2) Maltraitance à l'abattoir du Vigan : "une décision qui peut entrer dans l'Histoire" ; Maltraitance à l'abattoir du Vigan : un an avec sursis requis contre un employé

Voir aussi : Le procès des employés de l'abatoire du Vigan : le jugement

Article publié dans le numéro 93 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

ACTUALITÉS