Le « début d’une nouvelle ère » pour les animaux sauvages captifs

L’expression a été employée par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili lors de sa conférence de presse du 29 septembre 2020 au sujet des animaux sauvages captifs. Elle a annoncé des mesures attendues depuis plus d’un an à la suite de la concertation ministérielle sur le sujet à laquelle nous avons pris part. Ces mesures reflètent, selon les mots de la ministre, notre « rapport nouveau à l’animal sauvage » dans une « civilisation mature ».

Des annonces inespérées

Voici les mesures annoncées par la ministre :

  • la fin progressive des animaux sauvages dans les cirques itinérants ;
  • la fin progressive des orques (d’ici 2 ans) et des dauphins (d’ici 7-10 ans) dans les delphinariums et une réflexion sur la création d’un refuge pour dauphins captifs ;
  • l’interdiction de l’élevage des visons pour leur fourrure d’ici 5 ans ;
  • un encadrement des spectacles d’animaux et de nouvelles normes d’hébergement par espèce dans les zoos.

Les mesures sur les cirques concernent les établissements itinérants détenant des animaux d’espèces sauvages : cirques, ménageries, montreurs d’ours et dresseurs de loups. L’interdiction des animaux sauvages de ces établissements s’opérera par vague : d’abord les espèces jugées les moins adaptées à l’itinérance par le ministère : hippopotames, éléphants, puis suivront les fauves, qui sont les plus nombreux dans les cages des cirques français. Des mesures d’accompagnement visant à replacer les animaux et à reconvertir les professionnels qui le souhaitent seront mises en place.

Concernant les delphinariums, les mesures proposées par la LFDA et l’association C’est Assez ! ont été retenues, c’est-à-dire l’interdiction de reproduction des orques et des dauphins actuellement captifs et d’acquisition de nouveaux spécimens. Le ministère va continuer ses réflexions sur la création d’un refuge marin en France pour permettre d’arrêter les spectacles de cétacés le plus rapidement possible et rendre un environnement plus naturel aux dauphins.

Les élevages de visons seront fermés d’ici 5 ans. Il en reste seulement 4 sur le territoire français. Comme pour les professionnels du cirque et des delphinariums, les éleveurs seront accompagnés par l’État pour sortir progressivement de cette activité.

Les mesures concernant les parcs zoologiques sont moins ambitieuses et plus floues : « encadrer les spectacles » dans les zoos, instaurer des nouvelles normes pour certaines espèces, une meilleure application des règles existantes et un soutien aux parcs zoologiques « exemplaires ». Dans la foulée de ces annonces, la ministre s’est rendue au Parc zoologique de Paris, qu’elle juge exemplaire. Nous sommes en désaccord…

Des combats sans relâche de la LFDA

La LFDA dénonce la captivité des animaux sauvages depuis plus de quarante ans. Concernant les animaux sauvages dans les cirques, nous avons rédigé des articles et organisé des tables rondes pour sensibiliser sur le sujet. Nous avons fait parvenir un rapport intitulé La condition des animaux dans les cirques aux pouvoirs publics et à de nombreuses ONG en 2000. En 2001, nous avons édité un petit dépliant Vive le cirque… sans animaux ! Cinq ans plus tard, via le Journal des Maires, la LFDA avait porté à la connaissance des maires de France son document Un cirque ou un montreur d’ours dans une commune : le Maire veille au respect de la réglementation. En 2008, nous avons participé aux travaux de révision de l’arrêté de 1978 sur les installations fixes ou mobiles des établissements présentant des spécimens d’espèces sauvages au public, mais nos revendications n’avaient pas été retenues à l’époque. Enfin, nous avons participé au groupe de travail sur les cirques dans le cadre de la concertation ministérielle sur la faune sauvage captive en 2019.

C’est donc un travail de longue haleine, sur la captivité des cétacés en particulier. En 1981, nous avons obtenu la renonciation au projet de création d’un aquarium et d’un delphinarium géant dans le Trou des Halles par la Mairie de Paris. En 2007, avec deux autres ONG, nous avons tenté d’empêcher l’installation du delphinarium de Planète sauvage. En 2016 et 2017, nous avons participé à l’élaboration d’un nouvel arrêté avec le ministère de l’Ecologie, dont la Secrétaire d’État n’était autre que Mme Barbara Pompili, et les représentants des parcs. Conjointement avec C’est Assez ! et l’ASPAS, nous avons défendu l’arrêté adopté en mai 2017 devant le Conseil d’État lorsqu’il a été attaqué. Puis, nous avons maintenu la pression sur les ministres successifs après l’annulation de cet arrêté. Nous avons pris part au groupe de travail sur les cétacés captifs dans le cadre de la concertation ministérielle de 2019 et nous avons participé à des discussions avec le ministère sur la création d’un refuge marin pour dauphins.

Nous avons aussi mené des actions contre la captivité des animaux sauvages dans les zoos : contre le zoo de Marseille dans les années 1980 et la Ménagerie du Jardin des Plantes à Paris dans les années 1970 et 2000. Nous avons obtenu la fermeture de la fosse aux ours du Jardin des Plantes en 2004. Nous avons également largement dénoncé le projet de rénovation du zoo de Vincennes, devenu Parc zoologique de Paris, qui tombait en décrépitude, ce qui avait entraîné sa fermeture en 2008. Le Parc zoologique de Paris est désormais géré par un partenariat public-privé et est un véritable gouffre financier, payé par les contribuables et dont pâtissent les animaux, malgré nos avertissements. Depuis notre création, nous n’avons cessé de dénoncer les prétendus rôles de conservation des espèces, d’éducation du public et de recherche prêtés aux parcs zoologiques.

Vigilance sur la mise en œuvre de ces annonces

Nous sommes ravis de l’annonce de ces mesures, même si nous aurions souhaité qu’elles soient plus ambitieuses pour les animaux des zoos. Nous surveillerons de près la traduction de ces décisions dans les textes réglementaires et leur application. Nous resterons également très vigilants sur les actions qui seront mises en œuvre par les professionnels concernés pour affaiblir ou revenir sur ces décisions. Le combat n’est pas terminé mais nous avons emporté une bataille.

Nikita Bachelard

 

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