Arrêt imminent du broyage des poussins

Après des années de combat, la fin de l’élimination des poussins mâles est proche. C’est une belle victoire qui attend la fin 2022 !

Après des années de combat, la fin de l’élimination des poussins mâles est proche. C’est une belle victoire qui attend la fin 2022 !

Les poules élevées pour la production d’œufs sont, sans surprise, des femelles. Pourtant, lorsqu’un poussin naît, une fois sur deux, il s’agit d’un mâle. Les couvoirs, ces entreprises chargées de faire éclore les œufs pour que les poussins femelles d’un jour soient ensuite livrées aux élevages, s’emploient alors à trier les poussins en fonction de leur sexe. Les mâles sont éliminés, généralement par broyage ou gazage. Attendue initialement pour la fin de l’année 2021, l’interdiction de l’élimination des poussins mâles de la filière œufs entrera finalement en vigueur le 31 décembre 2022.

Un décret interdisant l’élimination des poussins attendu

Le ministre de l’Agriculture a pris un décret paru au Journal official le 8 février 2022 : décret n° 2022-137 du 5 février 2022 relatif à l’interdiction de mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation et à la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort en dehors des établissements d’abattage. Il interdit la mise à mort des poussins.

La mise en conformité des couvoirs avec cette interdiction se fait selon plusieurs étapes :

  • au 1er mars 2022, les couvoirs ont dû justifier de la commande de matériels permettant un sexage dans l’œuf des poussins, ou bien de tout autre technique permettant de ne pas tuer les poussins mâles,
  • au 1er juin 2022, les couvoirs devront justifier de l’engagement des travaux pour installer les machines d’ovosexage,
  • au 31 décembre 2022, les couvoirs devront justifier de la mise en place effective et opérationnelle des techniques permettant de ne plus éliminer les poussins.

La technique de l’ovosexage

Pour les couvoirs, trois solutions peuvent être mises en place. La solution privilégiée est celle de l’ovosexage, qui est une technique permettant de déterminer le sexe du futur poussin dans l’œuf. Ainsi, l’œuf renfermant un embryon masculin pourra être écarté et éliminé, et l’œuf abritant un embryon femelle sera mené à l’éclosion. Il existe des méthodes invasives qui consistent à faire une petite incision dans l’œuf pour y récupérer du liquide amniotique et déterminer le sexe grâce à la présence d’hormone. D’autres méthodes ne sont pas invasives, comme celle permettant de voir l’intérieur de l’œuf et de déterminer le sexe grâce à la couleur des plumes en formation. L’éclosion intervenant au 21e jour de l’œuf, l’arrêté prévoit que la détection du sexe de l’embryon dans l’œuf puisse être effectuée jusqu’au 15e jour d’incubation. Cependant, des incertitudes et craintes persistent quant à la possibilité qu’un embryon ressente la douleur dès le 7e jour de l’œuf. Le plus tôt est donc le mieux.

Le décret dispose que les techniques d’ovosexage utilisées dans les couvoirs ne pourront pas être considérées obsolètes avant cinq ans, pour laisser le temps aux entreprises d’en amortir le coût.

Les autres techniques permettant de ne pas éliminer les poussins mâles

D’autres solutions peuvent être mises en place par les producteurs. Ils peuvent élever tous les poussins, c’est-à-dire les poules pondeuses, mais aussi les « frères » des poules. C’est notamment ce qu’aurait prévu de faire l’Allemagne dans le cas de « ratés », autrement dit une erreur de détection du sexe. La problématique, pour la filière, est de trouver une valorisation aux frères des poules, qui n’ont pas encore de marché en France. Dans ce cas, le gouvernement français a donc préféré laisser la possibilité aux entreprises de déroger à l’interdiction de l’abattage des poussins.

La dernière solution est d’élever des souches de poulets dites « duales », c’est-à-dire des souches de Gallus gallus dont les femelles seront performantes pour la production d’œufs et les mâles pour la production de viande. Bien que cette solution soit idéale d’un point de vue éthique, elle n’est pas encore bien utilisée en France, faute de marché, mais aussi parce que les performances dans la production d’œufs et de viande de ces poulets n’égales pas celles des souches spécialisées.

D’autres cas de dérogations existent, dans le cas d’animaux utilisés à des fins scientifiques, ou encore pour les poussins élevés pour l’alimentation d’animaux. Par exemple, les reptiles captifs peuvent être nourris des poussins mâles éliminés. Il faut noter que les canetons femelles, qui sont aussi éliminées dans l’industrie du foie gras, ne sont pas concernées par cette interdiction. Toutefois, selon les informations fournies par l’administration, les couvoirs de canetons auraient décidé de suivre le pas des autres couvoirs et de ne plus éliminer les femelles dans un avenir proche. À suivre.

Conclusion

Les dispositions de ce décret s’accompagnent de sanctions. Dans le cas où les couvoirs ne respecteraient pas ces dispositions, ils s’exposent à une amende prévue pour les contraventions de 5e classe, soit 1 500 euros minimum. D’après le ministère de l’Agriculture, tous les couvoirs se sont à ce jour conformés à la première étape de l’interdiction qui est la commande des machines. La fin de l’élimination des poussins est donc proche. C’est une belle victoire.

Nikita Bachelard

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