Le Conseil et le Parlement européen posent des limites à la déforestation importée

Le 5 décembre 2022, le Conseil et le Parlement européens ont trouvé un accord concernant les produits « issus de la déforestation » afin de limiter l’impact de l’Union européenne (UE) sur la destruction des forêts.

L’ampleur de la déforestation

Le WWF définit la déforestation comme la perte de surface forestière au profit d’autre surface. La dégradation des forêts consiste, elle, en l’altération de la qualité des forêts, c’est-à-dire une perte de la biodiversité. Celle-ci entraîne la destruction d’écosystèmes précieux et uniques.

La FAO précise que l’expansion agricole est responsable de quasiment 90 % de la déforestation dans le monde.  Depuis les années 1990, près de 420 millions d’hectares ont subi la déforestation. En Afrique, celle-ci est provoquée à 75 % par conversion des terres à un usage agraire. En Amérique du Sud, près des trois-quarts de la déforestation sont imputables au pâturage du bétail. Ainsi, le déboisement y est majoritairement lié à la consommation de produits d’origine animale.

En Europe, les forêts sont peu touchées par la déforestation. Toutefois, cela ne veut pas dire que l’UE possède une empreinte neutre sur celle-ci. En effet, par l’importation de marchandises issues de zones déforestées, telles que le soja et l’huile de palme, l’Europe contribue de manière indirecte à la destruction des forêt.

De plus, la déforestation impacte les populations autochtones vivant sur ces terres, qui doivent être relocalisées et qui n’ont plus accès aux mêmes ressources. Elle accroît aussi le nombre de catastrophes naturelles, telles que de grandes sècheresses du fait de la perte de qualité des sols. L’impact délétère de l’UE quant à la déforestation a ainsi conduit à la mise en place d’une législation contraignante pour l’atténuer, reflétant le début d’une prise de conscience des pouvoirs publics.

Une nouvelle législation pour lutter contre la déforestation importée

Ce projet de loi repose sur la volonté d’empêcher les entreprises de vendre, au sein du marché commun, des produits issus de terres déboisées.

La loi concerne, pour le moment, un nombre réduit de produits. Le texte originel comprenait le bœuf, le cacao, le soja, le bois, le café, l’huile de palme, ainsi que les marchandises qui en contiennent (chocolat, objet en cuir, meuble en bois…). Des députés ont réussi à y ajouter le caoutchouc, le papier imprimé et un certain nombre de dérivés de l’huile de palme.

Selon Eurogroup for Animals, le nombre limité de produits concernés est une des faiblesses du texte. L’accord trouvé entre le Conseil et le Parlement ne prend en compte que l’élevage de bœuf, alors même que les élevages de porcs, poulets, moutons et poissons peuvent aussi contribuer à la déforestation. Il convient de rappeler que la majorité des animaux d’élevages sont nourris au soja, souvent issu de pays où la dégradation des forêts est une pratique courante. Il conviendrait de prendre en compte l’intégralité des filières qui nourrissent des animaux d’élevage avec du soja issu de la déforestation.

De plus, l’accord souligne que, pour le moment, il s’appliquera uniquement aux écosystèmes forestiers. Or, l’agriculture intensive ne concerne pas uniquement les forêts, mais aussi les prairies, les savanes ou les mangroves, qui sont aussi victimes de dégradations. La Commission invoque le souhait de se donner le temps de mettre en place correctement les contraintes sur les forêts avant de l’étendre à d’autres écosystèmes.

Il faut noter que la Commission devra réévaluer le texte d’ici deux ans. Elle aura la possibilité d’étendre le champ d’application du texte à d’autres écosystèmes, mais aussi de prendre en compte de nouveaux produits.

Le rôle des personnes privées

La Commission veut mettre en place cette nouvelle loi afin que les consommateurs ne soient plus des acteurs passifs de la déforestation.

Cette nouvelle loi prévoit d’obliger les entreprises à vérifier l’origine de leurs marchandises et à remplir une déclaration de « diligence raisonnable », affirmant que leurs produits n’ont pas contribué à la dégradation des forêts dans le monde depuis le 31 décembre 2020. Elle oblige les entreprises concernées à fournir cette déclaration pour avoir le droit de commercialiser leurs produits sur le marché européen.

L’obligation qui incombe aux entreprises ne s’arrête pas là : elles doivent aussi vérifier que leurs fournisseurs respectent la législation en vigueur au sein du pays de production, notamment en matière de protection des droits humains et du droit des populations autochtones.

Les informations fournies par les entreprises concernant la contribution d’un produit à la déforestation seront soumises aux contrôles des autorités compétentes de l’UE afin de vérifier la véracité de ces informations.

La Commission classera les pays subissant le déboisement en trois catégories de risques : faible, standard et élevé, en fonction du degré de dégradation des forêts présentes dans ces pays.

Les produits provenant des zones avec les risques les plus élevés seront soumis à davantage de contrôles. Des sanctions pécuniaires seront fixées en cas d’absence de respect des normes et seront proportionnelles au montant du chiffre d’affaires de l’opérateur fautif. Ce projet démontre une volonté de limiter l’impact de l’Union sur la déforestation. C’est une loi intéressante et ambitieuse qui possède toutefois plusieurs lacunes notamment concernant les produits d’origine animale ayant contribué à la déforestation. Néanmoins, il sera intéressant de voir, une fois le texte entré en vigueur, l’impact de celui-ci, ou encore si les carences soulevées seront prises en compte lors de la révision dans deux ans.

Thaïs Giguet


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