Commentaires sur le premier clonage réussi chez un primate

Depuis la réussite du clonage de la brebis Dolly (née le 5 juillet 1996 à Édimbourg ; Institut Roslin) publiée en février 1997 (Wilmut et al.,1997) de multiples expériences de clonage ont été réalisées avec succès chez vingt-trois espèces de mammifères ; certaines d’entre-elles ont été commentées ici (1).

clonage macaque
Zhong Zhong & Hua Hua – copyright Qiang Sun & Mu-ming Poo / Chinese Academy of Sciences

Les « coulisses » de la fabrication de Dolly ont été relatées à l’occasion du 20e anniversaire de l’événement. On y apprend qu’étant issue du noyau d’une cellule en culture à partir de glande mammaire, elle a été nommée Dolly en référence, avec un clin d’œil, à Dolly Parton, la célèbre chanteuse de country à la poitrine avantageuse.

Le clonage chez les primates

En dépit de nombreuses tentatives, les expériences effectuées chez les primates avaient jusqu'alors échoué. C’est le 24 février dernier que la revue Cell a rendu compte de cette réussite dont la presse scientifique et généraliste s’est largement faite l’écho. Les chercheurs Qiang-Sun et Mu-Ming et leur équipe de l’Institut de neuroscience de l’Académie des sciences de Shanghaï ont annoncé la naissance, en bonne santé, de deux macaques de l’espèce Macaca fascicularis. Ceux-ci ont été obtenus, selon la procédure habituelle, par le transfert dans des ovocytes, privés de leur propre noyau, de noyaux de fibroblastes prélevés, dans ce cas particulier, sur un fœtus de macaque qui a servi de donneur. Afin de vaincre les obstacles constatés lors des tentatives antérieures effectuées chez les primates, les opérateurs ont utilisé, de façon complémentaire, des traitements biochimiques favorisant la reprogrammation de l’ADN du noyau transféré et, par là-même, le développement de l’embryon après que l’ovocyte avait été activé artificiellement.

Comme lors de bien d’autres expériences de clonage décrites chez d’autres espèces, le « rendement » de la manipulation est plutôt faible. Ainsi, avec les cellules fœtales 109 embryons clonés ont été obtenus, dont près des trois-quarts ont été implantés dans 21 mères porteuses. Six gestations en ont résulté aboutissant à deux nouveau-nés en bonne santé. Ils ont été dénommés Zhong Zhong et Hua Hua, respectivement âgés, lors des articles cités (Nature, 24/01/2018 ; Le Monde, 24/01/2018) de 8 et 6 semaines (l’expression Zhong Hua signifie Nation chinoise…). Nul doute que leur croissance et leur longévité vont être l’objet d’une grande attention.

Carbon copy et snuppy, 1er chat et chien clonés

En effet, un doute a surgi au sujet de la bonne santé et de la résistance des sujets clonés après la mort en 2003, par euthanasie, de la brebis Dolly qui fut atteinte d’une grave affection pulmonaire. Dolly a vécu six ans et demi au cours desquels elle a donné naissance à plusieurs agneaux. Pourtant, d’autres données sont rassurantes. La chatte Carbon Copy, premier chat cloné en 2002, a eu une portée de trois chatons et elle vient de franchir son quinzième anniversaire (Dépêche vétérinaire,n°1394). Quant au lévrier afghan Snuppy (pour Seoul National University Puppy), premier chien cloné en 2005, il ne semble pas avoir été affecté d’un vieillissement précoce.

En effet, Snuppy a été comparé à Taï, le lévrier afghan mâle donneur de la cellule somatique qui fut à son origine ; après avoir vécu en bonne santé, l’un et l’autre ont succombé d’un cancer à 10 et 12 ans respectivement. Notons au passage que la durée de vie moyenne est de 11,9 ans chez les lévriers afghans. Le clonage de Snuppy est d’autant plus intéressant que des cellules souches mésenchymateuses dérivées de son tissu adipeux ont été utilisées pour, à nouveau, la production de quatre clones ! L’un d’eux est mort à l’âge de 4 jours, mais les trois autres manifestent une bonne santé (Dépêche vétérinaire, n°1417). Qu’en sera-t-il de la santé et de la longévité de cette « deuxième génération clonale » du lévrier Taï, contracteront-ils un cancer vers l’âge de 10 ans ?

Clonage à grande échelle

L’institut qui a procédé au clonage du macaque a pour objectif de créer des individus clonés, en principe parfaitement identiques entre eux, qui seront très utiles en médecine expérimentale puisqu'il a pu créer artificiellement chez le macaque un modèle de neuropathologie humaine ayant des comportements caractéristiques de l’autisme (Nature, 25/01/2016). Les progrès de l’ingénierie génétique permettent d’envisager, notamment grâce à l’édition de gènes ciblés avec la technique CRISPR-Cas 9 par exemple, la création de multiples modèles de pathologies humaines. Mais il convient de garder présent à l’esprit le faible nombre des individus clonés obtenus au regard du nombre des femelles productrices d’ovocytes récepteurs, du nombre des femelles porteuses et des incertitudes quant à la mortalité physiologique des individus clonés. Quel serait le nombre minimum indispensable de ces individus clonés lorsqu'il s’agira (au mieux des perspectives thérapeutiques) de constituer des lots expérimentaux et des lots témoins lors d’essais cliniques ?

Il s’agit potentiellement d’une logistique coûteuse à la fois sur le plan matériel et sur le plan éthique qui mérite réflexion. À défaut de viser à terme des actions thérapeutiques pertinentes, il semble, et ce n’est pas mineur, que de tels animaux clonés pathologiques sont très utiles pour déceler et analyser précocement les toutes premières manifestations d’une pathologie, celle qui aura été « choisie » lors de la création du clone. Outre ces perspectives médicales, la technologie du clonage, éventuellement associée à l’édition des gènes, offre de multiples perspectives tant en zootechnie qu’en recherche fondamentale du développement des mammifères.

Un autre commentaire doit être ajouté à propos de ce succès obtenu chez le macaque. Il concerne l’important développement des recherches sur les primates non humains, qui s’effectue assez aisément en Chine (Nature edito, 21/04/2016 ; Nature, 21/04/2016). Alors que dans d’autres nations les contraintes matérielles et éthiques limitent considérablement l’activité des chercheurs, ceux-ci n’auront bientôt plus comme autre ressource que d’établir des collaborations avec des laboratoires chinois.

Alain Collenot

  1. Voir : Bulletins de la LFDA n° 36 (2002), n° 40 (2003), n° 43 (2004), n° 48 (2005), n° 52 (2007), n° 60 (2009).

Article publié dans le numéro 98 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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