Les centres de soins jouent un rôle indispensable pour la faune sauvage

A quoi sert un centre de soins pour la faune sauvage ? La réponse semble évidente : à soigner les animaux. Mais leur rôle est loin de s’arrêter là. En recueillant, soignant et relâchant les animaux signalés ou amenés par les particuliers ou les professionnels, ces structures assurent une sensibilisation indispensable à la sauvegarde de la vie sauvage et une veille sanitaire et écologique unique. Ils participent aux changements d’attitude et de mentalité sans lesquels l’érosion de la biodiversité ne pourra pas être stoppée. C’est pourquoi ouvrir un nouveau centre de soins performant, idéalement situé et en lien avec les acteurs de toute une région est un projet essentiel. Et c’est celui que porte l’association Volée de Piafs – Trisk’ailes en Bretagne.

Diagnostic vital d’une chouette hulotte au centre de soins Volée de Piafs – Trisk’ailes © Animal 360 (2018)

Centres de soins: Des hôpitaux pour les animaux sauvages

Le premier rôle d’un centre de soin pour la faune sauvage est le plus évident : soigner les animaux. Et cela se fait selon un protocole précis, qui ne diffère finalement pas d’un centre à l’autre.

Après la prise de contact d’une personne se trouvant face à un animal sauvage en détresse, celui-ci est acheminé jusqu’au centre de soins. Il est tout d’abord examiné par un soigneur pour évaluer son état de santé et pratiquer les premiers soins d’urgence. Parfois, l’euthanasie est malheureusement la seule échappatoire, mais la décision n’est jamais prise à la légère. Dans les autres cas, l’animal est placé dans un box de contention, seul ou avec quelques congénères de son âge, pour y être nourri et recevoir des soins. Lorsqu’il n’a plus à être aussi surveillé, il est installé dans un enclos ou une volière en extérieur pour commencer sa réhabilitation. Dans un cadre proche de son milieu naturel, il reprend des habitudes comportementales ou les apprend au contact de ses congénères : manger seul, voler, se nettoyer, se cacher, etc. Les soigneurs font alors des check-up réguliers pour s’assurer que la convalescence suit son cours et que les blessures, quand il y en a, se résorbent. Au moment où les soigneurs jugent que l’animal sera capable de se débrouiller seul, et donc qu’il est prêt à retrouver sa liberté, ils le relâchent dans un milieu favorable à l’espèce.

Finalement, un centre de soin de la faune sauvage n’est rien de moins qu’un hôpital pour animaux : le service d’urgence, le service de chirurgie, le service de rééducation… tout y est et tout est mis en œuvre pour amener l’animal recueilli jusqu’à la convalescence puis au retour à la vie normale. On y retrouve les mêmes problématiques que dans les centres hospitaliers, notamment la surpopulation de blessés et de malades, le sous-effectif de professionnels, le manque de moyens financiers et donc l’essoufflement des structures, le stress et la pression qu’implique la responsabilité d’une vie à sauver…

En revanche, l’une des différences avec les hôpitaux réside dans l’impact de l’acte de soin. S’il est évident et admis par tous vis-à-vis de la population humaine, il est moins formellement établi pour la faune sauvage.

Lire aussi : « Animaux sauvages blessés, esseulés ou décédés, guide pratique à l’usage des humains »

L’impact des centres de soins sur la faune sauvage

En effet, il y a deux façons de considérer l’action des centres de soins de la faune sauvage.

La première consiste à estimer qu’un animal arraché des griffes d’un chat ou ramassé sur le bord de la route et amené dans un centre de soin est une vie sauvée… et qu’une vie, ça n’est pas négligeable. D’autant que si une espèce est un groupe d’individus, elle ne perdure que grâce à la survie et à la reproduction de chacun de ces individus. Alors redonner une chance à un animal qui a failli perdre sa capacité reproductrice, c’est déjà contribuer à la continuité d’une population et en somme d’une espèce. Mais est-ce vraiment impactant ?

C’est ce dont doute la seconde vision des choses. Selon celle-ci, sauver quelques centaines d’individus à l’année, à l’échelle d’un centre de soins, ne va pas empêcher la disparition d’une espèce et enrayer l’érosion de la biodiversité. Voire pourrait contribuer au problème, par exemple en ajoutant à la pollution atmosphérique. Parce qu’effectivement, apporter un animal en détresse jusqu’à un centre de soins peut parfois nécessiter un long déplacement. Prenons un exemple concret : un particulier qui arracherait une chauve-souris des griffes de son chat un soir à Saint-Malo (dans les Côtes-d’Armor, en Bretagne) devrait parcourir 314 kilomètres aller-retour pour amener l’animal au seul centre de soin apte à traiter les chiroptères dans la région. Un déplacement de 4h20, qui générerait en voiture environ 61 kilos de CO². Et, ce type de déplacement n’est pas ponctuel, il est fréquent, très fréquent, notamment en raison du manque de centres de soins en France.

Lire aussi : « Un guide de soins à la faune sauvage pour les vétérinaires », revue n°103, octobre 2019

Mieux connaître pour mieux protéger, le fondement des centres de soins ?

Relâché d’un grèbe à cou noir
Relâché d’un grèbe à cou noir par une salariée de Volée de Piafs – Trisk’ailes © Morgane Cazes (janvier 2021)

Est-ce à dire qu’à moins d’être beaucoup plus nombreux, voire extrêmement nombreux, les centres de soins ne devraient pas exister ? Ce serait oublier l’une des autres missions fondamentales de ces structures : la sensibilisation du grand public. En effet, soigner un animal amené par un particulier est toujours l’occasion de transformer cette rencontre en conversation pédagogique. Ainsi, si un jardinier amateur amène, dans un centre de soin, un hérisson accidentellement blessé par le passage de la tondeuse, les soigneurs ne vont pas se contenter de sauver l’animal pour espérer le relâcher. Ils vont prendre le temps d’expliquer pourquoi et comment il faut vérifier la présence d’animaux au sol et comment éviter de reproduire ce genre d’accident.

Ainsi, les centres de soins ont un rôle primordial de sensibilisation du grand public à la protection de la faune sauvage. Chaque année, ce sont des milliers de personnes qui font appel aux associations gestionnaires des centres de soins pour venir en aide à un ou plusieurs animaux, du 1er janvier au 31 décembre, sans interruption. Toutes ces personnes, des particuliers et des professionnels, des touristes et des habitants, sont de toutes les catégories socio-professionnelles et de tous les âges. Ils reçoivent des conseils pour venir en aide à la faune sauvage en détresse, améliorer leur cohabitation avec les animaux, limiter leur impact sur ceux-ci, etc.

Or c’est bien en changeant les comportements qu’il sera possible de sauver la biodiversité. C’est du moins le pari sous-jacent des centres de soins qui se professionnalisent petit à petit et développent des activités de médiation et de sensibilisation. Connaître la faune sauvage qui nous entoure, c’est savoir qu’un oisillon à terre n’est pas forcément en danger, que toucher un jeune mammifère, c’est le condamner à l’abandon par sa mère, que tailler les haies au mois de mai, c’est risquer de détruire un nid et de tuer les êtres-vivants qui y logent. Connaître la faune sauvage qui nous entoure, c’est savoir comment la protéger au quotidien grâce un accompagnement adapté à chaque situation. Une personne sensibilisée réduira de fait son impact sur la biodiversité.

Lire aussi : « La LFDA se mobilise pour la faune sauvage », revue N° 110, juillet 2021

Agir en ouvrant un nouveau centre de soins

Les scientifiques et les ONG le savent et le répètent, l’érosion de la biodiversité est une crise à l’impact aussi important que celui des changements climatiques. Chaque espèce participe à un écosystème dont nous faisons partie et dont nous bénéficions d’une manière ou d’une autre. Ainsi, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) souhaite que 10 % des 13 milliards d’euros prévus pour la relance post-Covid soient consacrés à la nature.

C’est justement dans l’optique de réduire l’impact anthropique sur la biodiversité que l’association Volée de piafs – Trisk’ailes (loi 1901) mène actuellement un projet d’ouverture de centre de soins de la faune sauvage en Bretagne. Elle se sert de ses quatorze ans d’expérience à la tête du plus grand centre de soins de la région pour éviter les écueils que la précédente structure, vieillissante, avait fini par rencontrer, et pour se professionnaliser dans ses missions.

Les objectifs de ce projet sont multiples : répondre à la demande des citoyens qui se préoccupent de manière grandissante du bien-être animal ; compléter le maillage territorial de la Bretagne en ouvrant un centre de soins au centre de la région, actuellement non desservi et où les vétérinaires sont surchargés ; améliorer les conditions d’exercice des soigneurs (bénévoles, salariés, volontaires ou stagiaires) dans le but d’améliorer en conséquence la qualité des soins aux animaux sauvages ; continuer le rôle de sentinelle sanitaire et de sentinelle biodiversité de l’association en exploitant au mieux les données naturalistes produites par sa mission d’accueil de la faune sauvage en détresse ; devenir un organisme de formation notamment dans le domaine des soins à la faune sauvage indigène ; développer ses services de sensibilisation pour intervenir dans les établissements scolaires et parascolaires, mais aussi auprès des professionnels.

L’investissement dans des mesures de sauvegarde de la faune sauvage n’est plus négociable à l’heure où le GIEC annonce des catastrophes imminentes et où 28 % des espèces sont menacées d’extinction dans le monde.

En fonctionnant en réseau avec les autres centres de soins, les associations naturalistes et environnementales, les citoyens et les pouvoirs publics, Volée de Piafs – Trisk’ailes entend augmenter son impact sur la sauvegarde de la faune sauvage. Pour que cela soit possible, il faut que le centre de soins breton voie le jour, et chacun peut y contribuer à la hauteur de ses valeurs, de ses préoccupations et de ses moyens.

Pour participer activement à l’émergence de ce centre de soins à votre niveau, vous pouvez faire un don via la campagne de financement de l’association.

Amélie Boulay, pour l’association Volée de Piafs – Trisk’ailes

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