Lettre ouverte à Madame Stéphanie de Monaco, Présidente d’honneur de la Fédération mondiale du cirque


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Madame Stéphanie de Monaco, Présidente d’honneur de la Fédération mondiale du cirque, indiquait, dans une interview accordée au Figaro en décembre 2018, qu’elle souhaitait faire « reconnaître la valeur culturelle du cirque traditionnel auprès de l’Unesco ». A travers cette lettre ouverte Alain Grépinet, vétérinaire, ancien praticien et ancien inspecteur vacataire en abattoirs et en douanes, fait part de sa stupéfaction.

Madame la Présidente,

Une fois n’est pas coutume, c’est un vétérinaire, ancien praticien et ancien inspecteur vacataire en abattoirs et en douanes, qui prend la liberté de réagir à la suite de l’interview que vous avez accordée au Figaro paru le 29 décembre 2018 et dans laquelle je découvre avec stupéfaction et tristesse que vous voulez « faire reconnaître la valeur culturelle du cirque traditionnel auprès de l’Unesco ». Les bras m’en tombent et, après relecture et réflexion, j’ai spontanément envie de vous dire que, soit vous n’avez rien compris à l’exacte nature des animaux sauvages, soit vous confondez votre projet d’inscription avec la vocation, notamment éducative et culturelle, de l’Unesco.

Je m’empresse de vous préciser qu’à titre personnel je ne suis absolument pas opposé aux cirques, à la condition toutefois qu’ils n’hébergent et ne mettent en scène aucun animal sauvage. D’ailleurs, ne reconnaissez-vous pas vous-même que les animaux sont certainement « mieux dans leur habitat naturel » ? Par ailleurs, lorsque j’étais praticien en activité, j’ai eu maintes fois l’occasion de soigner des animaux de cirque, je crois donc pouvoir légitimement en parler.

Force est de constater qu’il y a dans vos éléments de réponses à la fois des contradictions, des incohérences et des imprécisions qui me permettent d’espérer que votre projet d’inscription auprès de l’Unesco sera in fine heureusement voué à l’échec. Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons.

Tout d’abord, vous n’êtes pas sans savoir que plusieurs pays, plus progressistes que la France, ont déjà interdit sur leur territoire la présence et l’utilisation d’animaux dans les cirques ; ces derniers sont tout à fait capables de produire de magnifiques spectacles sans le moindre animal, et vous le savez parfaitement. Quand vous parlez, entre autres, des dompteurs qui donnent du rêve et du bonheur aux gens et que « c’est une valeur que le cirque ne perdra pas », ça m’interpelle vraiment et ça me choque. Ce faisant, vous donnez plus d’arguments encore aux associations qui agissent en faveur de la protection des animaux et de leur bien-être et contre toutes formes de violence ou d’exploitation qui engendrent nécessairement chez les animaux qui en sont les victimes tant de douleur et de souffrance inutiles.

S’agissant de la Ville de Montpellier qui a décidé d’interdire les cirques avec animaux, vous dites que « c’est une démarche antidémocratique » et que c’est une minorité (5 %, dites-vous) « qui empêche les gens aimant le cirque traditionnel de pouvoir profiter de ce spectacle ». Disposez-vous, Madame, sur ce point, de statistiques fiables et contrôlables ou ce chiffre est-il le fruit de vos suppositions ? Et, surtout dans le contexte actuel, si une enquête sérieuse (que j’appelle de mes vœux) vous démontrait aujourd’hui le contraire, continueriez-vous de dire que la démarche montpelliéraine est antidémocratique ? Je fais quant à moi le pari que de plus en plus de villes et de villages de France suivront à court terme l’exemple courageux de Montpellier.

Vous dites aussi que « les fauves sont tous nés dans les caravanes et élevés au biberon ». Trouvez-vous ça normal ? Ne seraient-ils pas mieux, certainement, dans leur habitat naturel, « que l’homme détruit », ajoutez-vous ? Sur ce dernier point, vous avez hélas raison. Alors pourquoi ne vous battez-vous pas plutôt pour la préservation des habitats naturels de la faune sauvage partout où ils sont en effet menacés de disparition, au lieu de chercher à justifier et, même, labelliser les cirques traditionnels, c’est-à-dire avec des animaux, ce qui aujourd’hui, vous le savez bien, est une pure ineptie et même une forme de crime contre la Nature.

Vous évoquez par ailleurs une pétition qui aurait déjà recueilli près de 100 000 signatures en faveur des cirques traditionnels et vous ironisez sur les « peut-être trois cents personnes de Montpellier » auxquelles le maire aurait donné raison « pour ne pas faire de vagues »… En lisant de tels propos, j’imagine volontiers que vous ne connaissez pas M. Philippe Saurel, le maire de Montpellier. Vous semblez, en tout cas, ne pas savoir comment sont débattues puis prises ce genre de décisions en conseil municipal, et ce d’une façon démocratique. C’est dommage !

S’agissant de « ceux qui sont dans la méconnaissance, il faut les éduquer et c’est au cirque de le faire », dites-vous. Je vous rassure, de nombreuses fondations et associations se chargent elles aussi d’expliquer à la population que les animaux ont des droits ; qu’à ce titre ils doivent être protégés et, d’abord, non soumis à des modes d’exploitation contre nature ; que les animaux sauvages devraient être maintenus, chaque fois que c’est possible, dans leur milieu naturel au lieu d’être exhibés, notamment dans des cirques. Oui, l’éducation – dont je vous rappelle que Nelson Mandela disait si bien qu’elle est « l’arme la plus puissante pour changer le monde » doit permettre, peu à peu, dès l’école primaire, de changer les mentalités, puis les comportements. Un jour prochain, à l’instar de ce qui va sans doute se généraliser dans beaucoup d’autres pays, la France – j’en suis convaincu – interdira à son tour l’exploitation et l’exhibitionnisme des animaux dans les cirques ; c’est heureusement plus que jamais dans l’air du temps.

Enfin, ne pensez-vous pas qu’il y a une contradiction fondamentale entre les motivations de votre combat – qui est manifestement d’un autre âge – et la noble mission de l’Unesco, cette magnifique organisation internationale dont l’objectif essentiel, faut-il le rappeler, est de contribuer, par l’éducation, la science et la culture, au maintien de la paix et de la sécurité entre toutes les nations et les peuples. C’est d’ailleurs au siège de l’Unesco, à Paris, qu’a été proclamée solennellement et signée, il y a 40 ans, le 15 octobre 1978, la Déclaration universelle des droits de l’Animal, rédigée notamment par la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). L’esprit et la lettre de cette Déclaration me paraissent être en totale contradiction avec votre projet de faire reconnaître par l’Unesco la valeur culturelle du cirque traditionnel. Quelle quote-part culturelle les animaux apportent-ils dans l’expression d’un cirque ?

Je veux croire, Madame la Présidente, que vous n’avez pas été surprise par le fait que cette lettre vous est adressée par un vétérinaire… Le vétérinaire n’est-il pas, en effet, à la fois par vocation, par nature et par devoir, le premier défenseur de son ami, l’animal ?

Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes très respectueuses et distinguées salutations.

À Juvignac (34990), ce 30 décembre 2018

Alain Grépinet

Article publié dans le numéro 101 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences 

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